Eglises d'Asie

A Manille, la construction d’une mosquée dans un centre commercial étant remise en question, l’archevêque suspend par solidarité les messes qui y étaient célébrées

Publié le 18/03/2010




A Manille, l’annonce de la construction d’une mosquée à l’intérieur d’un centre commercial avait été perçue comme le signe d’une amélioration de l’intégration de la minorité musulmane dans la majorité chrétienne de la population philippine (1). Las !, quelques semaines après cette annonce, une association de propriétaires riverains du centre commercial en question a envoyé une lettre à la société propriétaire du centre commercial pour demander l’annulation de la construction du lieu de culte musulman.

Dans cette lettre datée du 23 septembre dernier, les propriétaires riverains disent être résolus à “mettre en ouvre tous les moyens légaux disponibles” pour protéger et préserver leur “style de vie, libre de toute menace et de toute crainte”. Selon eux, la construction d’une mosquée au Greenhills Shopping Center ne peut qu’attirer une foule de musulmans “de tous types et convictions augmenter la criminalité et finalement provoquer une moins-value de leurs biens immobiliers. Interrogé au sujet de cette controverse, Mgr Gaudencio Rosales, archevêque de Manille, a déclaré qu’il avait envoyé le 5 octobre une lettre au curé de la paroisse des lieux pour lui demander de cesser de célébrer la messe dans la chapelle qui est dressée dans un des jardins du centre commercial. Il a justifié sa décision “par égard” envers les musulmans qui ne disposent pas de lieu de culte en propre et par “souci de justice” envers la communauté musulmane. Il a ajouté qu’il avait donné instruction au curé de “donner satisfaction à toutes les parties en présence” afin que chacun se sente en paix, “même si 99 % des habitants” des environs de Greenhills sont des catholiques. Enfin, il a déclaré que l’Eglise se trouvait prise au milieu d’une controverse qu’il a qualifiée de “triste” et dans laquelle elle n’est pour rien.

Le 1er octobre dernier, en réponse à la lettre des propriétaires riverains, Rafael Ortigas Jr., président & Co., la société propriétaire du centre commercial, a expliqué que, durant dix ans, les commerçants musulmans du centre avaient utilisé un passage étroit et sombre comme lieu de prière et que sa société, en autorisant la construction d’une mosquée, cherchait seulement à “permettre aux fidèles musulmans de prier dans un environnement meilleur, plus tranquille et plus sûr”. Il a mis en avant le fait que, selon les observations de ses services, les commerçants maranaos (2), du nom d’un des principaux groupes ethniques musulmans des Philippines, qui étaient assidus à la prière étaient aussi ceux qui observaient le plus étroitement le règlement du centre.

Dans une émission de radio consacré à la controverse, Jose Ejercito, maire de San Juan, la localité où se trouve le centre commercial, a déclaré qu’une consultation avait été engagée entre les propriétaires riverains, les gestionnaires du centre et les leaders de la communauté maranao. Il a suggéré que le centre commercial alloue un espace pour “une salle de prière ocuménique” accessible aux marchands maranaos.