Eglises d'Asie

Des responsables chrétiens souhaitent que le nouveau président de la République fasse de la liberté religieuse et de l’impartialité ses priorités pour le pays

Publié le 18/03/2010




A quelques jours de la prise de fonction du nouveau président de la République d’Indonésie, différents responsables chrétiens se sont exprimés pour dire leur espoir de voir Susilo Bambang Yudhoyono faire de la liberté religieuse et de l’impartialité ses priorités à la tête du pays. Du second tour de l’élection présidentielle, le 20 septembre dernier, Susilo Bambang Yudhoyono est sorti vainqueur, devançant – avec 61 % des suffrages – la présidente sortante Megawati Sukarnoputri qui a recueilli 39 % des voix (1). Il prêtera serment ce 20 octobre.

« En premier lieu, le nouveau président doit défendre la loi qui garantit la liberté religieuse, a estimé le 9 octobre le P. Antonius Benny Susetyo, de la Commission pour l’ocuménisme et les affaires interreligieuses de la Conférence des évêques catholiques. Dans le cas contraire, l’image de l’Indonésie auprès de la communauté internationale en souffrira. » Le même jour, le président de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie, le pasteur Nathan Setiabudi, est allé dans le même sens, en déclarant que les protestants souhaitaient que le nouveau président fasse de sa promesse d’être le président « de tous les groupes » d’Indonésiens sa priorité en tant que chef d’Etat.

Ces propos venaient en écho à l’élection au début du mois d’octobre de Hidayat Nurwahid au poste de président de l’Assemblée consultative du peuple (MPR), qui rassemble les deux Chambres du pouvoir législatif indonésien et qui a le pouvoir d’amender la Constitution ainsi que de voter la destitution du président et du vice-président. Hidayat Nurwahid est le président du Parti pour la justice et la prospérité (PKS), formation politique prônant l’introduction de la charia dans la Constitution et qui a remporté un succès remarqué, notamment dans la région de Djakarta, lors des élections législatives du mois d’avril 2004. Son élection à la tête de l’Assemblée consultative du peuple est venue récompenser le soutien que le PKS a apporté à Susilo Bambang Yudhoyono entre les deux tours de l’élection présidentielle.

Au sujet du passé militaire du nouveau président, un ancien général de l’armée, les deux responsables chrétiens ont en revanche estimé que le risque d’une dérive militariste du nouveau pouvoir était négligeable. Le pasteur Setiabudi a souligné que « la fonction duale des Forces armées indonésiennes, impliquées dans une mission de sécurité intérieure ainsi que dans le développement sociopolitique du pays, appartenait au passé ». Ce dont le pays a besoin, ont-ils déclaré, est d’un président qui mette tout son poids politique pour assurer le respect du droit et l’application de la loi dans le pays. Selon le P. Franz Magnis Suseno, jésuite et professeur de philosophie à l’université catholique Driyarkara de Djakarta, « du fait des faiblesses du droit en Indonésie, les crises morales apparaissent de façon continue ».

Pour le P. Ignatius Ismartono, secrétaire général de la Commission pour l’ocuménisme et les affaires interreligieuses de la Conférence des évêques catholiques, outre la lutte contre la corruption, la violence, le chômage et la destruction de l’environnement, un des dossiers les plus délicats qu’aura à traiter le nouveau président est celui du fondamentalisme islamique : « Les militants radicaux islamiques augmentent en nombre du fait du sentiment de frustration ambiant. Le grand nombre de chômeurs est pour les mouvements radicaux une source toujours renouvelée où pêcher de nouveaux adeptes. Mais je voudrais dire qu’il ne faut pas culpabiliser les jeunes qui se laissent entraîner, par désespoir surtout. A la violence, nous ne devons pas répondre par une autre violence, mais en éteignant la mèche du fondamentalisme, en travaillant par des politiques sociales plus justes pour tous. »

Enfin, pour le politologue J. Soedjati Djiwandono, les Indonésiens ne doivent pas espérer trop attendre de leur nouveau président : « Je ne me fais pas trop d’illusions car, pour changer les choses et faire reculer la corruption, améliorer l’enseignement ou encore assurer l’Etat de droit, nous avons besoin de beaucoup de temps. »