Eglises d'Asie

Alors qu’on enregistre de nombreuses interruptions volontaires de grossesse dans les milieux populaires, les familles des cadres aspirent à des familles nombreuses

Publié le 18/03/2010




Depuis que le taux de croissance démographique, après avoir décliné durant de nombreuses années, a brusquement changé d’orientation pour suivre une ligne ascendante au cours des trois dernières années écoulées, les problèmes de population et de contrôle de naissances sont revenus à l’ordre du jour. Deux phénomènes contradictoires semblent marquer l’évolution démographique actuelle et sont soulignés par la presse officielle. D’une part, on n’assiste à aucune diminution du nombre d’avortements dans le pays, surtout chez les femmes des milieux populaires. Il reste un des plus élevés du monde. Par ailleurs, les violations de la réglementation imposée par le planning familial d’Etat, exigeant des familles qu’elles n’aient pas plus d’un enfant ou deux, sont de moins en moins exceptionnelles. Curieusement, c’est aujourd’hui dans les familles aisées, chez les cadres administratifs ou même politiques que l’on assiste à la multiplication des familles de trois enfants et plus.

L’organe des Jeunesses communistes, le Tuôi Tre (‘Jeunesse’), s’est toujours intéressé aux problèmes de population. Il a envoyé ses reporters enquêter sur le problème de l’avortement à Hô Chi Minh-Ville où, selon les seules statistiques hospitalières de la ville, est enregistrée une moyenne de 150 000 avortements par an (1). Dans son numéro du 25 octobre 2004, le journal rapporte que pour le seul hôpital spécialisé de Tu Du, 22 467 avortements ont été réalisés dans les neuf premiers mois de l’année. Leur nombre est en augmentation rapide chez les mineures ou les très jeunes filles. Ce même hôpital a noté chez elles une progression remarquable du nombre d’interruptions volontaires de grossesse. Alors qu’en 2001, 208 jeunes filles de moins de 19 ans s’étaient présentées à l’hôpital Tu Du pour y subir une opération abortive, leur nombre s’était élevé à 1 849 pour l’année 2003. Elles y viennent souvent très tard, entre la 13e et la 24e semaine de grossesse.

Les reporters du journal Tuôi Tre ont pu assister à quelques entretiens entre les candidates à l’interruption de grossesse et le personnel de l’hôpital. L’une d’entre elles est originaire de la banlieue de Hô Chi Minh-Ville ; âgée de 21 ans, elle déclare avoir déjà un enfant de dix-sept mois et, grâce à son travail et celui de son mari, obtenir un revenu mensuel de cinq millions de dôngs (260 euros). Alors qu’il lui est conseillé de garder son enfant, elle répond qu’elle ne pourra pas s’en occuper. Une autre patiente rencontrée en ce même hôpital a déjà trois enfants et est déjà de ce fait en contravention avec la réglementation du contrôle des naissances. Chacune répond à sa manière, la plupart du temps, pour se débarrasser au plus vite de son interlocuteur embarrassant. “Il y a mille et une raisons d’avorter fait remarquer le journaliste de Tuôi Tre. L’entretien est d’autant moins spontané que, pour des raisons de discrétion et sécurité, on ne demande pas aux futures patientes de pièces d’identité. Ainsi, pour préserver un anonymat complet, certaines déclarent de faux noms et de fausses dates de naissance. On sait cependant qu’une majorité d’entre elles sont très jeunes, écolières, étudiantes ou encore ouvrières des quartiers industriels.

L’interruption de grossesse pratiquée aujourd’hui dans les milieux populaires est une des manières de se plier à la réglementation étatique en matière de naissances. Par contre, la multiplication actuelle des familles relativement nombreuses est un phénomène qui ne touche pas les milieux démunis. Le journal électronique (gouvernemental) VNNET du 23 octobre 2004 souligne que l’aspiration à de nombreux enfants se découvre aujourd’hui chez les riches, chez les cadres du Parti ou de l’administration à salaire élevé, souvent aidés par du personnel de maison. Il cite une mère de famille de deux enfants qui s’apprête à en avoir un troisième malgré la réglementation. Elle affirme : “Je peux les nourrir et les élever moi-même. Je n’ai besoin de personne pour cela.” Une autre mère de famille, cadre haut placé dans un service d’hôtellerie, explique ainsi la présence dans sa famille de trois filles et un garçon : “La famille de mon mari voulait un héritier mâle (dich tôn) (1). Nous nous sommes arrêtés après avoir eu un garçon.” Elle aussi affirme que ses ressources, plus que suffisantes, lui permettent d’élever ses enfants sans être à la charge de l’Etat.

Selon certains, cette aspiration à de nombreux enfants tient pour une part à des raisons culturelles et psychologiques. Beaucoup pensent que les années 2000, 2003, 2004 sont des années propices et, pour cela, ont désiré mettre un enfant au monde à ce moment-là. Ils prédisent un ralentissement des naissances pour l’année lunaire prochaine, l’année At Dâu, beaucoup moins bien considérée. Toujours est-il que l’année 2004 sera une année exceptionnelle en matière de naissances. Si le rythme des naissances continue comme dans les six premiers mois de l’année durant lesquels 514 391 enfants sont nés, le nombre de nouveaux-nés vietnamiens dépassera de beaucoup le million (3).