Eglises d'Asie – Corée du sud
Après trente ans de lutte pour plus de justice sociale, une association de prêtres catholiques souhaite retrouver l’esprit de ses débuts
Publié le 18/03/2010
L’ACPJ a été fondée le 24 septembre 1974 après l’arrestation de Mgr Tji, évêque de Wonju, interpellé en juillet de cette année et condamné le mois suivant à quinze ans de prison. L’évêque fut libéré l’année suivante. L’ACPJ prit alors le relais pour défendre les travailleurs et les laissés-pour-compte, s’opposant frontalement à la dictature militaire entre 1970 et 1980, organisant manifestations, jeûnes, veillées de prière et campagnes de signatures. Elle a participé aux mouvements pour la défense des droits de l’homme et la démocratie aussi bien que pour la réunification de la péninsule coréenne et, dès 1990, a commencé à parler des problèmes de paix et d’environnement (1).
D’après ses responsables, il est difficile d’évaluer le nombre des adhérents de l’association parce que son rôle est aussi d’être un forum à l’usage des prêtres, un lieu de rencontre où sont discutés les problèmes locaux, régionaux ou nationaux. Son bulletin d’information est envoyé à un millier de prêtres à travers tout le pays. Revenant sur ces trente ans écoulés, l’historien Seo Jung-seok a expliqué au symposium que l’ACPJ avait permis la réactivation d’un mouvement paysan disparu trente ans auparavant et avait également ouvert la voie à une opposition critique à l’égard des Etats-Unis, pays qui, dans les années 1980, était considéré par une majorité de Coréens comme “intouchable”. D’après ce professeur d’histoire, aucune autre force n’aurait pu relancer le mouvement démocratique et changer l’image “pro-gouvernementale” qui était celle de l’Eglise catholique coréenne entre 1900 et 1960, image héritée de la période coloniale japonaise. L’historien a aussi souligné qu’il ne subsistait plus de documentation officielle pouvant permettre aux historiens de cerner “la réalité concrète » des activités de l’ACPJ, comme par exemple de mieux connaître les relations entre prêtres et laïcs ou de savoir si la participation des laïcs aux manifestations était spontanée ou due à la demande des prêtres.
Le théologien Leo Hwang Jong-ryul, pour sa part, a demandé aux prêtres de vérifier l’identité de leur organisation à la lumière d’un “renouveau ecclésial parce qu’il est difficile, a-t-il dit, de savoir à quel point la lutte des prêtres a été bénéfique au peuple de Dieu d’aujourd’hui. Citant une publication de l’ACPJ, le théologien laïc a demandé à l’association de voir si “le bénéficiaire n’était pas l’Eglise hiérarchique, désespérément sur la défensive alors qu’elle a besoin d’être critiquée et renouvelée”.
L’ancien président de l’ACPJ, le P. Augustine Ham Sei-ung, a répondu aux conférenciers que, si l’association avait manqué de faire quelque chose pour le renouveau de l’Eglise, “cela était dû souvent à l’Eglise et aux prêtres eux-mêmes”. Mais ces “critiques sévères” font réfléchir, a-t-il dit : “Nous les recevons comme un encouragement et une incitation à un retour à l’esprit de notre fondation dans une attitude d’humble écoute.”
Les messages de félicitations pour cet anniversaire sont venus d’horizons très différents : un ancien président de la République aussi bien qu’une organisation officielle nord-coréenne. Le 11 octobre, l’ancien président Thomas More Kim Dae-jung a félicité l’ACPJ et l’a encouragé à se recentrer sur la campagne pour la réconciliation et la réunification des deux Corée. Plus tôt, le 24 septembre, l’Association catholique romaine nord-coréenne avait envoyé un message affirmant que ce groupe de prêtres avait fait beaucoup pour promouvoir la justice sociale et un mouvement démocratique indépendant pour la réunification.
En 1989, en effet, le P. Paul Moon Kyu-hyon, aujourd’hui président de l’ACPJ, était allé en Corée du Nord comme représentant de l’Association pour accompagner une étudiante d’une université sud-coréenne très impliquée dans le mouvement pour la réunification. A leur retour en Corée du Sud, ils avaient été tous deux arrêtés et inculpés de violation de la Loi sur la sécurité nationale. Condamnés, ils passèrent trois ans et cinq mois en prison avant d’être libérés par une amnistie spéciale. Le P. Moon et le P. Ham font partie des nombreux membres de l’ACPJ à avoir été interrogés, arrêtés et mis en prison pour leurs activités.