Eglises d'Asie

Arunachal Pradesh : les premiers députés du parti nationaliste hindou entrent à l’Assemblée législative sans susciter l’inquiétude des chrétiens

Publié le 18/03/2010




Pour la première fois, des députés du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) vont siéger au parlement de l’Etat de l’Arunachal Pradesh. Celui-ci, en effet, lors des élections législatives du 7 octobre dernier, a obtenu neuf des soixante sièges qui composent l’Assemblée législative. Le Parti du Congrès, principal rival des nationalistes hindous du BJP, a remporté trente-quatre sièges, treize autres revenant à des candidats indépendants tandis que deux partis politiques locaux en gagnaient, chacun, deux.

Bien que le BJP qui, jusqu’aux dernières élections, conduisait la coalition au pouvoir à New Delhi soit considéré comme le bras politique des groupes hindouistes voulant faire de l’Inde une théocratie hindoue, les dirigeants chrétiens de l’Etat ne se sont pas inquiétés de ces résultats et ont même déclaré que cette victoire n’aura pas d’impact sur la population locale, en grande majorité composée d’ethnies aborigènes. “Cela ne pose pas de problèmes aux chrétiens a dit Tanalali Nyishi, président du Forum chrétien de l’Arunachal Pradesh. Beaucoup de candidats se sont fait présenter par le BJP pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’idéologie politique de ce dernier. En briguant leur siège dans les rangs du parti nationaliste, ils ont pu être remboursés de toutes les dépenses engagées dans la campagne électorale. Par ailleurs, selon Nyishi, il est peu probable que les nouveaux députés du BJP, ayant été élus avec des voix chrétiennes, essaient d’imposer l’idéologie du nationalisme hindou. L’opinion de Tadar Taniang, catholique et ministre du gouvernement de l’Etat, est plus nuancée. Pour lui, le BJP ne constitue pas un danger immédiat mais il n’en poursuit pas moins sa politique bien connue et les chrétiens doivent rester vigilants. Le secrétaire général de la section locale du BJP, Vishal P. Nabam, est un catholique. Il pense que la présence de catholiques à l’intérieur du parti empêchera les fondamentalistes hindous d’aller jusqu’au bout de leurs desseins.

La communauté chrétienne de l’Arunachal Pradesh est en pleine croissance. Pendant longtemps, sous la tutelle britannique comme après l’indépendance, le travail missionnaire y a été interdit en vertu d’une réglementation destinée à protéger la culture des ethnies locales. Une loi destinée à freiner les conversions y avait même été imposée dès 1978. Il y a seulement deux décennies, des chrétiens étaient emprisonnés et des lieux de culte détruits par l’administration. Autant de mesures qui n’ont pas empêché la croissance de l’Eglise principalement grâce aux laïcs et plus particulièrement aux étudiants (1). Les chrétiens qui, en 1981, ne représentaient que 4,32 % de la population, en constituaient 10,29 % en 1991 et 18,7 % au recensement de l’année 2001, date à laquelle on recensait 1,009 million d’habitants.

Contrairement à l’opinion la plus générale sur ce sujet, il existe des catholiques pour déplorer l’ambiguïté des positions chrétiennes vis-à-vis du BJP. Jati Pulu, de religion catholique, pense que l’alliance des chrétiens avec ce parti est contre-nature. Parlant des chrétiens, il affirme en se référant à la plate-forme politique du BJP : “Ils ignorent totalement les ambitions politiques camouflées du BJP… Ils pensent qu’il s’agit d’un parti politique de caractère laïque et non pas anti-chrétien. Ayant besoin de fonds pour mener campagne, ils vont vers le BJP pour en chercher !” Si les candidats ont peu de respect pour les principes, selon les observateurs, l’électorat ne porte que peu d’attention à la ligne politique du parti. Les électeurs votent pour les personnes qui les représentent le mieux, en fonction du clan, du village ou de l’ethnie. Ce qui compte, souligne un prêtre travaillant dans la région, c’est l’attachement personnel et sentimental à l’égard du candidat.