Eglises d'Asie

Des responsables catholiques considèrent le nouveau gouvernement avec un certain scepticisme

Publié le 18/03/2010




L’Eglise catholique était présente le 20 octobre dernier lors de la cérémonie d’inauguration du président Susilo Bambang Yudhoyono et de son vice-président Jusuf Kalla. L’archevêque de Djakarta, le cardinal Julius Darmaatmadja, ainsi que le P. Alex Susilo, secrétaire exécutif de la Commission pour les communications sociales de la Conférence épiscopale, figuraient parmi les personnalités qui ont assisté ce jour-là à la prestation de serment du nouveau président dans les locaux du Parlement. Selon le P. Antonius Benny Susetyo, de la Commission épiscopale pour l’ocuménisme et les affaires interreligieuses, l’Eglise catholique tenait, par sa présence, à féliciter les vainqueurs de l’élection présidentielle « parce qu’ils ont été choisis directement par le peuple ». Le sixième président de la République d’Indonésie est en effet le premier à avoir été élu au suffrage universel direct. Une fois rendue publique la composition du gouvernement, le 20 octobre au soir, certains responsables catholiques ont toutefois émis des critiques, estimant que la composition du nouveau cabinet devait beaucoup au respect de subtils équilibres politiques plutôt qu’à la formation d’une équipe sélectionnée pour les compétences de ses membres.

Le nouveau gouvernement compte trente-six membres. Du point de vue de l’appartenance religieuse, tous sont musulmans à l’exception de quatre d’entre eux. On compte deux catholiques et un protestant, placés sous la tutelle d’un ministre de l’Economie aux pouvoirs élargis, Aburizal Bakrie. Les deux catholiques sont le ministre du Commerce, Mari Elka Pangestu, précédemment directeur d’un centre d’études et de recherches, et le ministre de l’Energie et des Ressources naturelles, Purnomo Yusgiantoro. Le protestant est Freddy Numberi ; originaire de Papouasie occidentale, il a été nommé ministre des Affaires maritimes et de la Pêche. Le dernier non musulman du gouvernement est le ministre de la Culture et du Tourisme, Jero Wacik, un hindou.

Soulignant le fait que le nouveau président ne dispose pas de majorité à la Chambre des députés (1) et a donc dû composer un gouvernement très politique, le P. Antonius Benny Susetyo a déclaré à l’agence Ucanews que « la coalition de partis politiques [représentés au gouvernement] ne favorise pas la liberté d’action de Susilo [Bambang Yudhoyono] ». De plus, a-t-il ajouté, le fait qu’un certain nombre de ministres sont avant tout des politiques et ne connaissent pas le domaine d’activité dont ils ont la responsabilité augure mal de l’efficacité de leur action future. La lutte contre la corruption, un des objectifs prioritaires annoncés par le nouveau président, risque d’en pâtir, entamant d’autant la confiance dont Susilo Bambang Yudhoyono a été investie par les électeurs indonésiens.

Dans les jours qui ont suivi l’installation du nouveau gouvernement, les observateurs ont noté que les partisans de l’islamisme ont, de façon concertée ou non, profité du début du ramadan pour multiplier les manifestations et tester le nouveau président sur la question de la place de l’islam dans la société indonésienne. Le 25 octobre au soir, à Surabaya, à Java-Est, des membres du Majelis Mujahiddin Indonesia, dont le chef spirituel Abu Bakar Bashir est en détention, ont opéré des descentes dans des cafés pour les obliger à fermer – aucune violence n’a été rapportée. Le procès d’Abu Bakar Bashir, accusé d’avoir fomenté pour le compte de la Jemaah Islamiah les attentats d’août 2003 contre l’hôtel Marriott à Djakarta, a débuté ce 28 octobre à Djakarta. De façon plus visible encore, le « Front des défenseurs de l’islam coutumier du fait, s’est livré à des actions similaires à Kemang, un quartier de Djakarta fréquenté par les étrangers et les Indonésiens aisés – action qui a amené l’ambassade américaine à mettre en garde ses ressortissants contre la fréquentation des cafés et des pubs. Enfin, à Célèbes et aux Moluques, des signes d’un regain de tensions intercommunautaires sont apparus. Le 14 octobre, dans la province récemment créée de Célèbes-Ouest, deux protestants ont trouvé la mort lors d’affrontements dans le district de Mamasa. A Célèbes-Centre, des musulmans ont violemment reproché à des chrétiens les désagréments causés, selon eux, par un élevage porcin. A Poso, des engins explosifs ont été découverts entreposés dans un cimetière musulman. Enfin, le 21 octobre, à Amboine, aux Moluques, une bombe et des engins explosifs ont été retrouvés à proximité d’un temple protestant ; ils ont été désamorcés par la police.