Eglises d'Asie

Le Front patriotique mobilise les représentants des religions pour protester contre “l’erreur” commise par les Etats-Unis à propos de la liberté religieuse au Vietnam

Publié le 18/03/2010




Les autorités vietnamiennes n’en finissent pas de protester contre la décision du secrétaire d’Etat américain ayant, le 15 septembre dernier, classé leur nation sur la liste des pays préoccupants en ce qui concerne l’exercice de la liberté religieuse. “Voilà une erreur qui se fonde sur de fausses informations et une attitude dépourvue de bonne volonté pouvait-on encore lire le 19 octobre dans un long et pesant article du Nhân Dân, l’organe de presse du Parti communiste du Vietnam.

L’article souligne que Hô Chi Minh, dans le domaine religieux, a suivi la tradition des pays communistes où, selon l’auteur de l’article, la croyance religieuse est entièrement libre. Non seulement les religions n’ont pas été détruites par lui mais elles sont protégées. De surcroît, l’auteur met en valeur une certaine originalité de la politique religieuse mise en ouvre par le communisme vietnamien. En 1990, celui-ci a officiellement abandonné la théorie du dépérissement de la religion (1). Cette décision avait été alors solennellement annoncée aux évêques vietnamiens, alors que se déroulait la première visite au Vietnam d’une délégation romaine. “La religion n’est pas un épiphénomène, mais une réalité qui doit être prise en compte leur avait-il été déclaré (2). De plus, à la même époque, la religion avait été ainsi valorisée : “Le Parti et l’Etat reconnaissent le rôle des religions pour le maintien et le progrès de la vie morale des citoyens dans la société” (3). Dans les dernières directives en matière religieuse publiées à l’issue d’un VIIe plénum du Comité central en février 2003, la nouvelle orientation de la politique religieuse du Parti avait été affirmée à nouveau. Le plénum décrivait ainsi les trois axes essentiels de la politique religieuse. En premier lieu, la religion doit être considérée comme une réalité durable. Il avait été rappelé que “la religion subsisterait avec la nation toute entière pendant tout le processus d’édification du socialisme” (4). En outre, celle-ci constitue un vrai besoin spirituel d’une partie de la population. Enfin, la morale religieuse est en plein accord avec l’édification d’une nouvelle société. Il existe une seule limite à cette harmonie entre le socialisme vietnamien et la religion, c’est l’utilisation de la religion à des fins subversives. Elle a été rapidement évoquée à la fin de l’article du Nhân Dân : “Nous n’accepterons jamais l’utilisation de la croyance et de la religion pour une finalité extra-religieuse, en contradiction avec les vrais intérêts du peuple et de la nation” (5).

A l’appui de ses dires, l’article se rapporte à des témoignages émis par des représentants des religions à la séance d’ouverture du VIe Congrès du Front patriotique du Vietnam, le 22 septembre 2004, où on leur avait demandé de réagir à la décision américaine. Trois de ces témoignages avaient été rapportés dans un précédent article du Nhân Dân (6). Le premier émanait d’un religieux du bouddhisme khmer (Nam Tông) à Hô Chi Minh-Ville. Il a déclaré que les religions au Vietnam bénéficiaient de toutes les conditions favorables à leurs activités. Il en donnait pour illustration des écoles religieuses que le bouddhisme Nam Tông a pu ouvrir. Le P. Thiên Cam, représentant des catholiques, a affirmé pour sa part que les Etats-Unis n’ont aucun droit d’intervenir dans les affaires intérieures du Vietnam, d’autant plus que, durant la guerre, ils ont causé à ce pays toutes sortes de dommages. Il a déclaré ensuite que les prêtres étrangers venus au Vietnam se sont réjouis de voir les bonnes relations existant entre les autorités civiles et les catholiques. Le représentant des bouddhistes, responsable du Comité d’administration du bouddhisme pour le Quang Nam, a considéré que le respect de la liberté religieuse par les autorités vietnamiennes était une réalité indubitable.

Quelques jours plus tôt, le Nhân Dân du 17 octobre avait rapporté la déclaration d’un dignitaire caodaïste de Tây Ninh. A l’occasion du 80e anniversaire de la fondation de sa religion, il avait notamment affirmé qu’il était faux de dire qu’il n’y avait pas encore de liberté religieuse au Vietnam. La preuve en était que, le 28 septembre dernier, lors de la plus grande fête caodaïste, 500 000 fidèles s’étaient rassemblés au “Saint-Siège caodaïste” de Tây Ninh, la ville sainte de cette religion. Le 7 octobre précédent, l’organe du Parti communiste vietnamien avait fait parler l’imam Sulayman, représentant de la communauté musulmane de Hô Chi Minh-Ville. Selon ce dernier, la décision du secrétaire d’Etat américain lui avait été dictée par des esprits hostiles au Vietnam et à son développement.