Eglises d'Asie

Selon certains prêtres et missionnaires, l’Eglise catholique n’est pas assez active dans le domaine de la lutte pour la justice sociale

Publié le 18/03/2010




Dix-huit ans après la chute de Ferdinand Marcos, en 1986, la pauvreté est toujours aussi répandue aux Philippines, soit que les pauvres ne trouvent pas de travail, soit que les rémunérations qu’ils tirent de leur travail sont trop faibles pour les sortir de la pauvreté. Dans ce contexte, l’Eglise ne se montre pas suffisamment vigoureuse dans le domaine de l’action sociale et de la lutte pour la justice sociale. Telle est l’opinion de prêtres et de missionnaires catholiques qui ont vécu les années de la dictature Marcos dans les îles du centre du pays.

Le 21 septembre dernier, le P. Brian Gore, missionnaire australien, et le P. Romeo Empestan, curé de la paroisse San Antonio, dans la ville de Bacolod, ont célébré la messe pour une cinquantaine de membres de MARTYR Mothers and Relatives Against Tyranny and Repression un groupe fondé pour réunir toutes les victimes de violations de droits de l’homme sous le régime Marcos (1965-1986) et particulièrement durant les années de la loi martiale (1972-1981). A l’époque, les PP. Gore et Empestan exerçaient leur ministère pastoral auprès des “communautés chrétiennes de base” dans la province de Negros Occidental, une région où les tensions étaient très vives entre les paysans sans terre, les journaliers et les propriétaires terriens. Aujourd’hui, les deux prêtres estiment que l’Eglise catholique aux Philippines est moins engagée qu’auparavant dans les questions sociales. Ils expliquent cette évolution par le fait que les jeunes prêtres n’ont pas connu la vie sous le régime Marcos.

“L’Eglise aujourd’hui est lente à répondre à la situation. Les diocèses sont laissés face à eux-mêmes pour apporter leurs propres réponses aux difficultés que connaît le pays. Il y a un manque de direction concertée au sein de la hiérarchie explique le P. Empestan qui estime que, par manque d’analyse de fond, la réponse des évêques à certains événements récents “est à côté de la plaque”. A titre d’exemple, il cite le récent appel de Mgr Fernando Capalla, président de la Conférence épiscopale, qui demandait à la population d’envoyer des dons au Trésor public pour alléger les déficits publics, la présidente Gloria Arroyo ayant reconnu en août dernier que le pays était au bord de la banqueroute. Les évêques “essaient de donner mauvaise conscience aux pauvres alors que ce sont eux les victimes pour qu’ils donnent aux voleurs qui, les premiers, les ont dépouillés ! s’indigne le P. Empestan. La corruption est, de l’avis général, un des facteurs qui contribuent aux difficultés économiques du pays.

Selon le P. Gore, parmi les personnes âgées, la frustration est grande, “même si la jeune génération semble ne pas en avoir conscience”. “Si nous devons pardonner, nous ne devons jamais oublier souligne le missionnaire qui figure parmi les quelque 10 000 personnes qui ont porté plainte contre Marcos pour violation des droits de l’homme. En 1982, le missionnaire faisait partie des neuf membres du clergé arrêtés et jugés pour le meurtre du maire d’une ville et de ses gardes du corps, une action pourtant revendiquée par la guérilla communiste.

Contacté par l’agence Ucanews, l’évêque de Marbel, Mgr Dinualdo Gutierrez, président de la Commission épiscopale pour l’action sociale, la justice et la paix, a estimé que l’Eglise n’avait pas besoin “de descendre dans la rue, de brûler des pneus et de scander des slogans pour exercer [sa] mission prophétique”. Par ses actions devant la justice civile, par son ouvre en faveur de l’éducation et par l’ensemble de son travail, l’Eglise ne cesse de “faire face au mal social” et de “travailler à la transformation de la société”.

Par ailleurs, Hermogenes Ebdane Jr., membre du Conseil national de sécurité, a annoncé récemment que le gouvernement travaillait à la mise au point d’un “cadre stratégique pour la réconciliation” en collaboration avec les responsables religieux du pays. Il est notamment question d’accélérer les procédures visant à indemniser toutes les victimes ayant souffert de violations des droits de l’homme sous la dictature Marcos.