Eglises d'Asie

A l’occasion du ramadan, deux écoles catholiques de Sumatra ouvrent des classes d’enseignement de l’islam à l’attention de leurs élèves musulmans

Publié le 18/03/2010




A Padang, dans la province de Sumatra-Ouest, deux écoles catholiques ont ouvert des classes d’enseignement de l’islam à l’intention de leurs élèves musulmans. L’initiative – une première – est organisée le temps du ramadan et rencontre un succès certain ainsi que quelques critiques.

Traditionnellement, durant le temps du ramadan, les musulmans ont pour habitude d’envoyer leurs enfants dans des pesantren, des écoles religieuses musulmanes, le temps des vacances scolaires accordées à l’occasion du ramadan. En Indonésie, la plupart des écoles d’enseignement général ferment durant la première semaine du ramadan et pour environ dix jours lors de al-Fitr, la fête célébrant la fin du mois saint de l’islam. Cette année, le ramadan a commencé le 15 octobre et s’est achevé le 14 novembre. Durant la période où les écoles d’enseignement général ne sont pas en vacances, le lycée Don Bosco et le lycée Sainte Marie, situés à Padang, ont décidé d’arrêter les cours à midi et ont proposé à leurs élèves musulmans d’assister aux cours d’une « pesantren » un peu spéciale car organisée dans des locaux adjacents à la cathédrale du diocèse catholique.

Le lycée Don Bosco compte 281 musulmans sur un effectif total de 927 élèves et le lycée Sainte Marie 88 musulmans sur un total de 557 élèves. Pendant cinq jours consécutifs, les élèves musulmans qui le souhaitaient ont pu suivre des cours de deux heures de l’après-midi à la tombée du jour. Ayant abandonné l’uniforme de leurs lycées respectifs et revêtu la tenue traditionnelle des musulmans locaux – les filles étant voilées -, ils se sont familiarisés avec la lecture du Coran, les prières obligatoires et divers autres aspects de la foi musulmane.

Du côté des élèves musulmans, l’accueil a été plutôt positif à en juger par certains commentaires. Agé de 14 ans, Jodi Valdano, du lycée Sainte Marie, a déclaré qu’il avait « appris comment vivre en tant que musulman sur un plan religieux et sur un plan social précisant qu’il avait compris que « le jeûne parfait se doit d’avoir des effets sociaux ». Il n’a pas été surpris que son lycée organise un tel programme étant donné qu’en dehors du temps du ramadan, des classes d’éducation religieuse sont données en fonction de l’appartenance religieuse de chacun. « Dans ce lycée, j’apprends et je pratique les valeurs de la tolérance a-t-il ajouté.

Pour le P. Florianus Sarno, responsable du bureau diocésain de l’éducation, un tel programme n’a pas été mis sur pied pour répondre à une obligation gouvernementale stipulant que les écoles doivent fournir un enseignement religieux correspondant à l’appartenance religieuse de leurs élèves (1). Selon lui, le programme « participe à l’évidence de la contribution de l’Eglise à la formation complète de la personne humaine ». Pour Yoakim Koba, administrateur de la fondation dont dépendent les lycées Don Bosco et Sainte Marie, un tel programme permet aussi de montrer que les écoles catholiques ne cherchent pas à faire du prosélytisme et encore moins à convertir au christianisme ceux de leurs élèves qui ne sont pas chrétiens.

Quelques critiques ont cependant été émises quant au bien-fondé d’un tel programme. Selon Sudarto, professeur musulman impliqué dans l’affaire, le fait que les cours proposés aux élèves musulmans ont été organisés dans les locaux de la cathédrale a été critiqué par de nombreux enseignants de différentes pesantren. Il répond à cette objection en soulignant qu’il comprend « la position de certains pour qui de telles activités doivent être organisées dans une mosquée ou un lieu équivalent » mais ajoute que « le programme s’inscrit dans une perspective plus large ». Pour sour Chlarine, religieuse franciscaine responsable de huit écoles dans la région de Padang, ce n’est pas aux écoles catholiques d’organiser de tels cours. Selon elle, l’éducation religieuse n’est pas du seul ressort des écoles mais appartient à la société toute entière. « Laissons la société assumer sa responsabilité dans l’éducation de ses membres souligne-t-elle, ajoutant que les non-chrétiens doivent « comprendre et respecter le fait que les écoles catholiques ont des caractéristiques qui leur sont propres ».