Eglises d'Asie

Célèbes : selon un analyste indonésien, la multiplication des incidents visant des chrétiens est l’ouvre de provocateurs qui cherchent à déclencher le cycle de la violence

Publié le 18/03/2010




Le 4 novembre dernier, le chef d’un village chrétien de la région de Poso, sur l’île de Célèbes, a été décapité. Le 8 novembre, à Poso, un tireur embusqué a tiré sur le chauffeur d’un minibus, le tuant sur le coup. Le responsable de la police de Poso a refusé dans ce dernier cas d’indiquer si la victime était chrétienne ou musulmane mais ce nouvel incident vient s’ajouter à une longue liste d’agressions, parfois meurtrières, qui ont pris pour cible la communauté chrétienne de la région de Poso (1). Le 13 novembre enfin, une bombe a explosé sur un marché de Poso, causant la mort de six personnes. Pour Ichsan Malik, directeur de l’Institut ‘Passerelle vers la paix’ (Titian Perdamian) de Djakarta, spécialiste des questions sociales en Indonésie et personnalité reconnue pour son travail en faveur de la paix aux Moluques, la multiplication des incidents ces derniers temps dans la région de Poso indique que des provocateurs ont décidé de faire de la terreur un outil au service de leur stratégie, à savoir déclencher le cycle de la violence entre les communautés chrétienne et musulmane de cette région.

Dans un entretien accordé au Jakarta Post et publié le 10 novembre, Ichsan Malik analyse le spectaculaire assassinat de Carminalis Ndele, le chef du village chrétien de Pinadapa, dont seule la tête a été retrouvée le 4 novembre, comme la manifestation d’une nouvelle forme de terreur mise en ouvre à Poso pour amener les habitants de cette région à rendre coup pour coup. “Si cela se produit, des violences similaires à celles de l’année 2000 éclateront souligne-t-il en référence aux affrontements intercommunautaires qui ont ensanglanté la région de Poso il y a quatre ans (2). De plus, ajoute-t-il, tout est fait par les responsables de ces nouvelles violences pour laisser accroire que ceux qui en sont les auteurs sont liés d’une façon ou d’une autre aux Moluques et au conflit qui a, là aussi, opposé chrétiens et musulmans (3).

Dans ce contexte, le point positif, souligne encore Ichsan Malik, est que les populations dans la région de Poso ne se laissent pas prendre au piège et ne répondent pas à ces provocations. “Je constate que les gens à Poso ont éminemment le sens de ce qu’il faut faire pour résoudre le conflit intercommunautaire d’il y a quatre ans et pour mettre fin au cycle de la vengeance entre communautés. Ils ont commencé à développer un esprit de sintuwu maroso, une expression locale qui signifie : ‘nous serons forts, unis et ensemble’ explique-t-il, ajoutant que, ces derniers mois, des chrétiens et des musulmans se sont impliqués au niveau des quartiers et des villages dans des actions de dialogue et sont, de ce fait, moins susceptibles qu’auparavant de réagir aux provocations. Les chrétiens comme les musulmans réalisent qu’ils ont été instrumentalisés, poursuit encore Ichsan Malik.

Au sujet des forces de sécurité à Poso, Ichsan Malik est critique, estimant qu’elles se montrent incapables de prévenir ces incidents. Il déplore l’absence d’un système d’alerte avancée qui permettrait de déjouer les provocations constatées sur le terrain et met en cause la faiblesse des services de renseignement sur place. De plus, les forces de sécurité sont incapables de réagir face aux événements. Le chercheur site le cas de l’attaque à l’arme automatique d’un temple protestant situé à 50 mètres d’un poste de police et où les forces de police n’ont pas bougé. Ailleurs, les enquêtes n’avancent pas et aucune arrestation n’est opérée. Dans certains cas, la police explique certaines actions comme étant le fait de provocateurs et néglige d’enquêter plus avant. Selon les informations rassemblées par Ichsan Malik, l’assassinat de Carminalis Ndele pourrait être lié à une affaire financière ; chef de village, Carminalis Ndele était responsable de la distribution de fonds appartenant au Crédit des agriculteurs (KUT) et il semble que cette distribution n’a pas été faite.