Eglises d'Asie

Le principal témoin d’un procès intenté aux présumés auteurs d’un incendie meurtrier survenu au cours des troubles du Gujarat de 2002 revient sur sa précédente déposition

Publié le 18/03/2010




Voilà déjà plusieurs années que se prolonge le procès des vingt-et-un hindous accusés d’être responsables de la mort des douze musulmans brûlés vifs dans une boulangerie appelée “Best Bakery située à Vadodara dans le Gujarat. Cet incendie meurtrier avait eu lieu au début des troubles qui avaient débuté au mois de mars 2002 et mis le Gujarat à feu et à sang pendant plusieurs mois. Le massacre de “Best Bakery à l’origine du procès, était l’une des premières actions menées par des groupes hindous extrémistes, en représailles pour la mort, à Godhra, le 27 mars précédent, de 59 militants hindouistes, revenant d’Ayhodhya, dans l’incendie du train qui les transportait, un incendie et des meurtres attribués à un groupe de musulmans de la région.

Un nouveau coup de théâtre vient, une fois de plus, changer le cours de ce procès déjà riche en incidents et revirements de toutes sortes. Le principal témoin à charge, Zeheira Sheikh, fille d’un des musulmans victimes de l’incendie volontaire, a en effet fait volte-face et s’est rétracté avec éclat. Zeheira Sheikh a déclaré le 4 novembre dernier qu’elle avait subi des pressions d’un groupe de défense des droits de l’homme qui l’avait obligée à prononcer une fausse déclaration devant la Cour suprême et à charger des personnes innocentes. Elle a notamment accusé une militante des droits de l’homme, Teesta Setalavat, et le groupe dont celle-ci est responsable, le groupe des “Citoyens pour la justice et la paix d’être allé jusqu’à la séquestrer pour l’obliger à témoigner dans leur sens. Les vingt-et-une personnes impliquées dans le procès lui étaient en réalité inconnues, a-t-elle déclaré. Cette dernière déclaration a alimenté les commentaires de toute la presse indienne.

Ce n’est pas la première fois que le principal témoin de ce procès considéré par la presse indienne comme un procès-test de l’indépendance de la justice indienne revient sur sa déposition. Dans ses premières déclarations à la police, elle avait mis en cause les accusés poursuivis aujourd’hui devant le tribunal, mais, lors d’un premier procès mené à une allure record, le 27 juin 2003 devant le tribunal de l’Etat du Gujarat, 35 des 73 témoins cités pour identifier les coupables avaient refusé de le faire. Zaheira Sheik, le principal témoin à charge, avait, elle-même, déclaré ne reconnaître aucun des accusés présents, contrairement à ses déclaration précédentes où elle avait donné une description précise du massacre. Les autres témoins avaient déclaré, au cours du contre-examen, que la police les avait pris au hasard et forcé à signer des déclarations préparées à l’avance. Le verdict prononcé à l’issue de ce procès fit l’effet d’un coup de tonnerre. Les vingt-et-un accusés cités devant les juges pour l’affaire de “Best Bakery” étaient sortis libres, faute de preuve (1).

Avec l’aide des “Citoyens pour la justice et la paix association contre laquelle elle se retourne aujourd’hui, Zahiera Sheikh déposa alors une plainte devant la Cour suprême demandant la réouverture du procès, affirmant que des membres du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) avaient menacé les témoins et que le gouvernement du Gujarat avait failli à son devoir d’assurer leur protection. C’est à la suite de cette plainte que la Cour suprême de New Delhi avait, le 12 avril dernier, prononcé sa sentence et invalidé l’acquittement obtenu par les vingt-et-un accusés à la Haute Cour du Gujarat (2).

La rétractation du témoin principal n’inquiète cependant pas trop l’accusation qui estime avoir à sa disposition suffisamment d’autres témoignages et preuves pour identifier les accusés et faire triompher la cause des victimes. Parlant de Zahiera Sheikh, le procureur Manjula Rao a dit à la presse : “Notre procès n’a pas commencé avec son témoignage ; il ne finira pas avec sa rétractation.” Teesta Setalavat, responsable des “Citoyens pour la justice et la paix s’est dit choquée par les déclarations de Zahiera Sheikh, qu’elle a démenties, mais ne compte en aucun cas abandonner la cause des victimes musulmanes des troubles de 2002 au Gujarat.