Eglises d'Asie

A Djakarta, des intellectuels musulmans souhaitent repenser la question du prosélytisme religieux

Publié le 18/03/2010




Réunis à Djakarta, en Indonésie, les 27 et 28 novembre dernier, des intellectuels et universitaires musulmans venus de différents pays d’Asie du Sud-Est se sont prononcés pour une évolution des méthodes de dissémination de la religion musulmane. Selon eux, la propagation des enseignements de l’islam n’implique pas forcément la conversion mais doit être une invitation au message véhiculé par le Coran et la tradition musulmane. En s’éloignant du “dakwah le concept de diffusion des principes islamiques, dans le but de convertir des personnes professant une autre religion que l’islam, les musulmans ouvriraient la voie à un véritable dialogue interreligieux, ont estimé ces intellectuels qui participaient à un colloque conjointement organisé par le Centre international pour le pluralisme et l’islam et l’Union européenne.

Pour l’universitaire musulman Imtiyaz Yusuf, de l’université catholique de l’Assomption, à Bangkok, en Thaïlande, il est temps de rappeler aux musulmans que le Coran se prononce en faveur du pluralisme culturel et religieux. Le militantisme religieux qui caractérise un certain nombre de musulmans d’aujourd’hui, a-t-il souligné, tend à aliéner à l’islam les non-musulmans. “Par le Coran, Dieu souhaite bâtir une coexistence pacifique entre les sociétés. Il ne doit pas y avoir de coercition en ce qui concerne la conversion à l’une ou l’autre religion a-t-il déclaré, précisant que le concept de “dakwah” devait être éclairé de façon à être compris dans un sens qui ne soit pas étroit et exclusif. “La dimension interculturelle du concept de dakwah requiert des musulmans de notre époque de s’exposer à l’apprentissage des autres cultures et religions qu’ils peuvent rencontrer au jour le jour a-t-il dit.

Pour Maarof Haji Salleh, de l’Institut d’études du Sud-Est asiatique, basé à Singapour, le concept de “dakwah” doit se comprendre aujourd’hui dans un environnement démocratique. [La propagation de l’enseignement islamique] doit respecter les différences et la liberté de chacun à choisir. Les intellectuels musulmans ne peuvent nourrir la vision d’un islam qui soit supérieur aux autres religions a-t-il expliqué, précisant que ceux qui se réclament du concept de “dakwah” pour propager l’islam doivent prendre en compte le fait que les personnes approchées ont le plus souvent une appartenance religieuse autre que celle de l’islam.

Pour Ahmad F. Yousif, de l’Université de Brunei Darussalam, le respect du pluralisme ne doit pas demeurer confiné aux clercs qui propagent les enseignements de l’islam. “Nous savons qu’il existe des groupes chrétiens qui cherchent à convertir des fidèles ayant d’autres croyances religieuses que les leurs. Nous ne devons pas répéter leurs erreurs a-t-il expliqué.

Dans leurs recommandations, les intellectuels musulmans présents au congrès ont émis le souhait que le fait religieux et le respect pour les religions soient mieux enseignés dans les écoles. Ils ont aussi appelé les médias à se montrer plus sensibles dans leur exposition du fait religieux. “Les médias sont un puissant véhicule pour perpétuer des préjugés négatifs que certaines communautés peuvent nourrir à l’endroit de certains groupes. Aux Philippines, par exemple, le rôle du méchant dans les films est toujours dévolu à un musulman et les gens, en général, tendent à prendre cela pour un fait acquis a souligné Carmen Abubakar, de l’Université des Philippines. Les recommandations du congrès, ont précisé les organisateurs, seront distribuées aux quelque 2 000 écoles coraniques (madrasas) d’Indonésie.