Eglises d'Asie

L’Eglise catholique coopère avec le gouvernement pour venir en aide aux centaines de milliers d’Indonésiens qui sont menacés d’être expulsés prochainement de Malaisie

Publié le 18/03/2010




En novembre dernier, lors de leur assemblée annuelle (1), les évêques ont décidé que tous les diocèses du pays viendraient en aide aux diocèses sur le territoire duquel vont affluer prochainement des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d’Indonésiens en provenance de Malaisie. Selon Maria Pakpahan, membre de la Commission épiscopale pour la pastorale des migrants, dans les quatre points officiels de transit entre les deux pays, “l’Eglise va coopérer avec le gouvernement” pour faire face à l’afflux de réfugiés. L’Indonésie se prépare en effet à accueillir une grande partie de ces quelque 700 000 ressortissants qui sont partis chercher fortune dans la Fédération de Malaisie. Travaillant le plus souvent sans titre de séjour ni permis de travail, ces immigrés sont menacés par les autorités malaisiennes de déportation massive. Kuala Lumpur a fait savoir qu’elle expulserait en décembre 2004 ou en janvier 2005 tous les travailleurs clandestins présents sur son territoire, soit une population estimée à 1,2 million de personnes, venues principalement d’Indonésie et des Philippines mais aussi d’Inde et du Bangladesh.

Les quatre points de transit sont les villes de Dumai, dans la province de Riau (sur l’île de Sumatra), de Batam, dans la province de Bangka Belitung (entre Sumatra et Bornéo), de Pontianak, dans la province de Kalimantan-Ouest (Bornéo) et de Nunukan, dans la province de Kalimantan-Est (Bornéo). Le gouvernement a mis en place dans ces quatre localités des infrastructures destinées à délivrer des passeports aux Indonésiens expulsés afin qu’ils puissent, s’ils le désirent, retourner légalement en Malaisie. Selon le P. Tarsisius Dwijo Iswara, responsable de la Commission pour la pastorale des migrants du diocèse de Tanjung Selor (Kalimantan-Est), l’Eglise apporte aux personnes expulsées des conseils pour obtenir un passeport et une aide temporaire ; elle propose aussi une aide pastorale : des services religieux sont organisés pour les chrétiens et des services d’écoute et d’aide psychologique sont mis à disposition pour ceux qui le souhaitent. Selon le P. Emmanuel Nuwa, curé de la paroisse St Gabriel à Nunukan, nombreux sont les immigrés qui arrivent désorientés et souffrant de stress, de déprime, voire de dépression, après avoir dû quitter la Malaisie du jour au lendemain, sans argent en poche et sans travail chez eux, en Indonésie. Pour l’heure, précise le P. Nuwa, les expulsés de Malaisie ne sont pas si nombreux que le gouvernement ne puisse pas les prendre en charge mais “l’Eglise aidera les autorités civiles lorsque leur nombre ira croissant”.

A ce jour, selon Azmi Khalid, ministre de l’Intérieur de la Fédération de Malaisie, environ 110 000 immigrés clandestins ont quitté la Malaisie. Le 29 octobre, Kuala Lumpur a en effet décrété une amnistie pour tous ceux qui décideraient d’eux-mêmes de quitter le pays. L’amnistie devait dans un premier temps durer jusqu’à la fin du ramadan, le 14 novembre, ceux des immigrants qui n’auraient pas quitté le pays à cette date se voyant exposés à payer de fortes amendes, à subir la bastonnade à coups de rotin ou/et à être envoyés en prison. A la demande du gouvernement indonésien, la date butoir du 14 novembre a été repoussée à une date pour le moment indéterminée, en décembre ou en janvier. En dépit de critiques émises par des ONG et des organisations de défense des droits de l’homme, Kuala Lumpur a fait savoir à la fin du mois de novembre que la campagne d’expulsion serait menée à bien et que des groupements de volontaires civils seraient mobilisés quartier par quartier pour appréhender et détenir les immigrants clandestins. Pour Human Rights Watch, la mobilisation de près de 560 000 volontaires civils est “de mauvaise augure” et laisse entrevoir la possibilité de nombreux dérapages et atteintes aux droits fondamentaux des personnes.

La campagne de Kuala Lumpur contre les travailleurs clandestins n’est pas une première. Déjà, à l’été 2002, le gouvernement malaisien avait introduit une nouvelle loi sur l’immigration aggravant considérablement les peines prévues pour les étrangers travaillant illégalement dans le pays. Des dizaines d’Indonésiens avaient été mis à l’amende et des centaines de milliers de travailleurs avaient été expulsés. Des cas de viols et d’extorsion de fonds avaient été dénoncés par les ONG et l’Eglise catholique en Indonésie (2).