Eglises d'Asie

Les autorités du Vietnam réagissent à des propos du pape Jean-Paul II qu’elles estiment critiques pour sa politique religieuse

Publié le 18/03/2010




Des propos du pape Jean-Paul II s’adressant le 19 novembre dernier aux membres du Conseil post-synodal du Synode des évêques pour l’Asie (1), rapportés et commentés par diverses agences de presse ont ému les autorités vietnamiennes qui ont éprouvé le besoin de faire réagir, deux jours plus tard, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Lê Dung. Dans le texte de son intervention, dans le contexte de l’Asie et du sacrifice des martyrs qui y avaient versé leur sang, le pape parlait de la nécessité du témoignage silencieux “là où” les chrétiens n’étaient pas libres de professer leur foi. Le jour même, les agences de presse ont commenté le passage, en précisant que les pays visés par le pape étaient sans doute la Chine et le Vietnam, précision dont il n’y avait aucune trace dans le discours du pape.

La réaction du gouvernement rapportée par le Courrier du Vietnam (2) a tenu compte de cette interprétation puisque qu’elle affirme que “la déclaration du pape Jean-Paul II dénonce l’absence de liberté religieuse dans certains pays asiatiques dont le Vietnam”. S’élevant contre cette affirmation, le porte-parole du gouvernement a affirmé qu’au Vietnam, la liberté de croyance ou de non-croyance de tous les citoyens est garantie par la Constitution et respectée dans les faits.

Dans le texte qui suit, Lê Dung, tout en déplorant l’absence de relations diplomatiques entre le Vietnam et le Saint-Siège, a dressé un tableau des relations actuelles qui, selon lui, sont très satisfaisantes. L’Etat vietnamien a des contacts réguliers avec le Vatican par le biais de son ambassade à Rome. Des échanges de délégations ont lieu entre les deux pays presque tous les ans. Lors de leurs voyages au Vietnam, les délégations romaines ont visité librement diverses localités et ont pu rencontrer des membres de l’Eglise locale. Les évêques du Vietnam, a même affirmé le porte-parole, se rendent à Rome sans difficulté lors “des conciles ocuméniques” (sic) ; sans doute voulait-il parler des visites “ad limina” ou des divers synodes et réunions qui ont lieu à Rome.

Les relations diplomatiques entre le Vatican et le Vietnam ont été rompues au Nord dans les années qui ont suivi la mise en place du pouvoir communiste et, au Sud, l’année même du changement de régime en 1975. Depuis 1990, la question est reprise sporadiquement, surtout à l’initiative du Vatican à l’occasion des séances annuelles de négociations entre le Saintsiège au Vatican. Le Vietnam n’en a parlé sérieusement qu’une fois, lors de la proposition faite par l’Eglise du Vietnam d’inviter le pape Jean-Paul II à présider les fêtes du centenaire du sanctuaire marial Notre Dame de La Vang, le 16 août 1999. A cette époque, le gouvernement avait donné comme préalable à cette visite l’établissement de relations diplomatiques, semble-t-il pour mieux rejeter à une date ultérieure cette visite (3).

Quoi qu’il en soit de cette absence de relations diplomatiques, de nombreuses rencontres au plus haut niveau ont eu lieu ces quinze dernières années entre le Vietnam et le Saint-Siège. Une première rencontre informelle, fort importante pour le développement ultérieur des relations entre les deux Etats, avait eu lieu le 17 mai 1990, entre Nguyên Co Thach, ministre des Affaires étrangères de l’époque, et certains hauts responsables de la Secrétairerie d’Etat (4). C’est à la suite de ces premiers contacts que, le 6 novembre 1990, fut entrepris le premier voyage d’une délégation du Saint-Siège au Vietnam, conduite par le cardinal Etchegaray. Par la suite, c’est une délégation vietnamienne officielle qui fut accueillie au Vatican, le 23 juin 1992 (5), où elle resta trois jours. Cependant, les contacts qui avaient été annoncés par Hanoi pour le mois de mai ou juin 1999 à Rome entre un secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et les représentants du Saint-Siège afin de débattre de l’établissement de relations diplomatiques n’ont jamais eu lieu (6). Une autre rencontre au Vatican avait eu lieu le 27 mai 2000, entre le ministre vietnamien des Affaires étrangères Nguyên Dy Niên et Mgr Jean-Louis Tauran, de la Secrétairerie d’Etat, à l’occasion du voyage en Italie d’une délégation vietnamienne conduite par le secrétaire général du Parti communiste de l’époque, Lê Kha Phiêu (7). Aucune indication précise n’a été donnée sur le contenu de ces entretiens, sinon que le dialogue fut cordial et que l’on a parlé de questions intéressant les deux parties. Dans le cadre d’un voyage en Italie, le 29 novembre 2002, Vu Khoan, troisième Vice-Premier ministre du gouvernement vietnamien, a rencontré les deux plus hauts responsables de la diplomatie vaticane, le cardinal Angelo Sodano, accompagné du secrétaire pour les rapports avec les Etats, Mgr Jean-Louis Tauran.