Eglises d'Asie

Pour la mise en ouvre de la récente instruction du Vatican au sujet de l’Eucharistie, les liturgistes des Eglises d’Asie souhaitent que les cultures locales soient respectées

Publié le 18/03/2010




Du 1er au 4 novembre dernier, 42 spécialistes de liturgie venus de onze pays et territoires d’Asie ont débattu de l’instruction publiée le 23 avril dernier par le Saint-Siège au sujet de l’Eucharistie. Intitulé : “Redemptionis Sacramentum (Sacrement de la Rédemption), sur certaines choses à observer et à éviter concernant la très Sainte Eucharistie le document fait un point sur les éléments positifs et négatifs découlant de la réforme de la liturgie introduite à la suite du Concile Vatican II, il y a quarante ans. Réunis à Taipei sous les auspices de la Commission pour la liturgie de la Conférence épiscopale de Taiwan, les 42 liturgistes, prêtres pour près de la moitié d’entre eux, ont recommandé, dans leur déclaration finale, que Redemptionis Sacramentum soit “lu avec la délicatesse et l’attention dues pour le contexte socioculturel, humain et pastoral de chacune des Eglises locales”.

Venus de Brunei, du Cambodge, de Hongkong, d’Indonésie, du Japon, de Macao, de Malaisie, des Philippines, de Singapour, de Taiwan et de Thaïlande, après avoir étudié attentivement le document romain, les liturgistes déclarent qu’ils “ont connaissance des problèmes soulevés par le document” et qu’ils sont “d’accord avec le fait qu’il y a effectivement des pratiques liturgiques qui ont besoin d’être corrigées ou améliorées”. Ils ajoutent que, selon eux, la solution à ces problèmes passe par “une formation liturgique approfondie tant du clergé que des laïcs” plutôt que par le recours à des sanctions. “Une telle catéchèse devrait nécessairement inclure un enseignement du Magistère, de la théologie, de l’histoire et de la spiritualité de l’Eucharistie, tout en prenant en compte les besoins pastoraux des fidèles peut-on encore lire dans le communiqué final. Quant aux rapports faits aux autorités ecclésiastiques pour corriger certains “abus” et “délits les liturgistes estiment qu’ils doivent être faits “aux personnes concernées avec discrétion, prudence et justice, en considérant toujours le bien de l’Eglise et l’autorité de l’évêque local”.

Participant à la réunion, Mgr Joseph Wang Yu-jung, évêque de Taichung et président de la Commission pour la liturgie de la Conférence épiscopale taiwanaise, a rappelé que les abus et les pratiques incorrectes, voire mauvaises, dans la manière de célébrer la messe étaient des réalités qui ne dataient pas d’aujourd’hui. A travers les générations, de tels abus ou pratiques ont existé et il est nécessaire de les rectifier en ne perdant jamais de vue l’importance de la formation. Une formation qui doit être dispensée au clergé bien sûr mais aussi aux laïcs afin que les normes liturgiques issues du Magistère soient comprises et observées. “Il est triste de constater que le caractère solennel de la célébration de l’Eucharistie, laquelle est le sommet de toute prière chrétienne, est bien loin d’égaler ou d’approcher la solennité des cérémonies bouddhiques a déclaré Mgr Joseph Wang.

Pour le P. Thomas Law Kwok-fai, président de la Commission pour la liturgie du diocèse de Hongkong, les pratiques liturgiques citées dans le document du Saint-Siège peuvent apparaître comme contradictoires avec les coutumes et les cultures locales dès lors que la dimension socioculturelle des Eglises locales n’est pas prise en compte. Pour le P. Stephen Chan Moon-hong, membre de cette même commission, la difficulté vient du fait que le document romain impose une norme universelle, sans considérer les efforts en matière d’inculturation développés par les Eglises locales depuis Vatican II. Pour illustrer son propos, il a cité des exemples soulevés lors de la réunion de Taipei : le fait dans certaines paroisses asiatiques pour les fidèles de rester accroupis ou agenouillés tout au long de la messe – une attitude qui peut être perçue comme manquant de respect dans certaines cultures, mais qui va de soi dans d’autres ; ou bien encore le fait que le ou les célébrants joignent les mains dans un geste de prière plutôt que de déployer leurs bras, les mains ouvertes – une attitude, a-t-il souligné, qui n’est pas synonyme de respect dans certains cultures asiatiques. Selon le P. Stephen Chan, certaines pratiques liturgiques adaptées à la culture locale peuvent apparaître comme autant de “déviations” à lire le document romain, mais, souligne-t-il, “le point central est que les catholiques prient Dieu avec ferveur”.