Eglises d'Asie

Après le tsunami qui a ravagé les côtes de huit pays d’Asie du Sud et d’Asie du Sud-Est, les secours s’organisent, transcendant les différences religieuses

Publié le 18/03/2010




Après le tsunami qui a ravagé les côtes de huit pays d’Asie du Sud et du Sud-Est le dimanche 26 décembre dernier au matin, le bilan ne cesse de s’alourdir à mesure que l’ampleur des destructions se laisse entrevoir. Pour retrouver les morts et prendre soins des survivants, les secours s’organisent et, selon différents témoignages recueillis localement, transcendent les différences religieuses.

Au Sri Lanka, un des pays les plus durement touchés avec l’Indonésie, l’Inde et la Thaïlande, les édifices religieux, temples, églises ou mosquées, ont été spontanément utilisés comme centres d’hébergement provisoire pour les réfugiés qui ont tout perdu. Loin des côtes orientales du pays – qui ont été les plus touchées -, la basilique de Notre Dame de Lanka, à Tewatta, au nord de la capitale Colombo, et ses abords ont accueilli près de 7 000 sans-abri. Le P. Merl Shantha, recteur de la basilique, se tenait côte à côte auprès du vénérable Thuruvila Vimaladharma Thero, supérieur du principal temple bouddhiste voisin, Ihalagama Sri Sugatharamaya. Outre le fait d’accueillir eux aussi des réfugiés dans leurs temples, des moines avaient remis au P. Shantha un don de 2,5 millions de roupies (19 000 euros) à titre de “contribution initiale”. Selon le prêtre catholique, la catastrophe a uni les habitants du pays, quelle que soit leur appartenance religieuse, voire ethnique.

Après s’être rendu sur les côtes les plus durement touchées, Mgr Oswald Gomis, archevêque de Colombo, a lancé un appel à la solidarité par le biais des principaux médias. Selon le témoignage de son secrétaire, qui l’a accompagné lors de ce voyage de reconnaissance, on ne compte plus les habitations ainsi que les temples et les églises détruits. A Matara, sur la côte sud du pays, une vague de plus de trois mètres a balayé une église catholique à l’heure de la messe dominicale. Quatre cents personnes ont été emportées et on ne sait combien ont survécu. Le 29 décembre, la présidente Chandrika Kumaratunga s’est exprimée à la télévision pour appeler tous ses concitoyens, “sans distinction ethnique, à l’unité dans ce moment très difficile”. Elle a demandé aux responsables des différentes religions pratiquées dans l’île – bouddhiste, chrétienne, musulmane, hindoue – de faire sonner ce même jour pendant trois minutes les cloches de leurs lieux de culte avant de conduire les cérémonies funéraires. Par crainte des épidémies, les morts sont enterrés dans des fosses communes.

En Inde, le bilan s’alourdit de jour en jour. Dans l’Etat du Tamil Nadu, particulièrement touché, le sanctuaire marial de Vailankanni a été très durement éprouvé. Situé dans le district de Nagapattinam, il est connu de tous comme “le Lourdes de l’Orient”. Abritant une basilique où est vénérée Notre Dame de la Santé et fréquenté par des chrétiens bien entendu mais aussi par un grand nombre de musulmans et d’hindous, Vailankanni reçoit plusieurs millions de pèlerins chaque année. Dimanche 26 décembre, jour de la fête de la Sainte Famille, le sanctuaire était plein. Lorsque la vague a frappé, la basilique elle-même, située légèrement en hauteur, n’a pas été touchée mais toutes les échoppes et constructions légères édifiées tout autour ont été emportées. Selon le témoignage d’un missionnaire contacté à Pondichéry, il y avait près d’un millier de pèlerins sur la plage lorsque l’eau a surgi. Traditionnellement, les pèlerins se purifient en se baignant dans la mer avant de gagner le sanctuaire et d’y porter des offrandes. Selon le P. Xavier, recteur du sanctuaire, plus de trois cents corps ont été retrouvés à la date du 28 décembre. “Nous ne savons pas combien de pèlerins ont péri. Notre sanctuaire est devenu un cimetière a-t-il déclaré, encore choqué par la vision de dizaines de pèlerins engloutis par les flots sous ses yeux. Situé non loin de Vailankanni, le site de la mosquée de Nagoor, haut lieu de pèlerinage pour les musulmans du pays, a été, lui aussi, semble-t-il, ravagé par la mer.

En Indonésie, le président Susilo Bambang Yudhoyono, qui avait passé la nuit de Noël avec des sans-abri en Papouasie occidentale en signe de solidarité avec les habitants de cette province éprouvée peu auparavant par un tremblement de terre (1), a appelé ses concitoyens à fournir de l’aide, qualifiant la catastrophe de “désastre national”. Dans la partie de Sumatra la plus touchée par le tsunami, la province d’Aceh, une trêve des combats a été déclarée par la rébellion séparatiste locale, mais, selon des informations reçues de l’Association des journalistes indonésiens, les forces gouvernementales poursuivraient les hostilités contre les rebelles. Malgré le maintien de l’interdiction faite à la presse étrangère de pénétrer à Aceh, des journalistes étrangers et locaux sont entrés dans la province. L’acheminement des secours est rendu difficile par le mauvais état des routes et la présence de nombreux champs de mines. De Medan, les responsables de l’archidiocèse, dont le territoire couvre la province d’Aceh, rassemblent des fonds et ont été contacté par la Caritas Internationalis pour distribuer les secours aux Acehnais.

En Thaïlande, l’Eglise catholique a lancé un appel à l’aide auprès des Thaïlandais afin de lever des fonds pour venir en aide aux communautés de pêcheurs de la côte occidentale, souvent très pauvres et très touchées par le tsunami. Le responsable du Bureau d’aide d’urgence et d’aide aux réfugiés de la Conférence épiscopale, le P. Phibul Visitnonthachai, a précisé que l’action sera concentrée sur ces communautés car elles reçoivent moins d’attention que les grands stations touristiques comme Phuket. Au-delà de l’urgence première, le P. Phibul Visitnonthachai prévoit que l’effort devra être maintenu dans le temps car il s’agit non seulement d’aider ceux qui ont tout perdu mais aussi de leur permettre de rebâtir leur vie, leur gagne-pain notamment. A Bangkok, par ailleurs, le P. Joseph Trébaol, aumônier de la communauté catholique francophone, rapporte que la communauté expatriée a été endeuillée. Une famille de Français, arrivée en septembre dernier à Bangkok, a été décimée : en vacances à l’hôtel Sofitel de Khao Lak, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Phuket, la mère et ses trois jeunes enfants sont morts, seul le père a survécu. Une autre famille a vu trois de ses enfants disparaître ; seuls les parents et le fils aîné ont survécu.

Des Philippines, pays qui n’a pas été touché par le tsunami mais qui a été durement affecté ces dernières semaines par deux typhons successifs, l’archevêque de Manille a demandé qu’une partie du produit des quêtes des messes dominicales soit envoyée pour aider les victimes de la vague monstrueuse. “La tragédie et la souffrance des hommes transcendent de nombreuses barrières. Tout à coup, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, les Maldives, le Sri Lanka et la Thaïlande sont devenus des voisins très proches qui ont besoin de nous a déclaré Mgr Gaudencio Rosales. Selon Mgr Fernando Capalla, président de la Conférence épiscopale, “bien que nous ayons été récemment durement touchés par des catastrophes, nous, Philippins, pouvons tout de même partager quelque chose”.