Eglises d'Asie

Noël est une période de joies et de peines pour les millions de familles séparées parce qu’un des deux, voire les deux parents, travaillent à l’étranger

Publié le 18/03/2010




Sam Roxas a huit ans et, pour la deuxième année consécutive, il passe Noël sans ses parents. Assis près du téléphone, dans le modeste pavillon de trois chambres construit par sa famille dans une banlieue modeste de Manille, il attend un appel de ses parents, tous deux employés par un hôtel de luxe de Dubai, dans le Golfe persique. Il attend leur appel pour les remercier de la console de jeux électronique que le courrier lui a apportée. “J’aime mon papa et ma maman. Mais j’aimerais qu’ils soient là. Ils me manquent mais je sais qu’ils travaillent dur et que nous avons besoin d’argent dit-il, sous l’oil attendri de sa grand-mère.

Pour Mélanie et Maureen Biernes, deux sours respectivement âgées de 2 et 3 ans, Noël se présente mieux : leur père, Ferdinand Biernes, est à la maison, son employeur, une société de croisière de luxe des Caraïbes, lui ayant accordé un congé. “Je suis heureux de pouvoir passer Noël aux Philippines, explique-t-il. C’est triste lorsque vous êtes en mer à l’époque des fêtes et que vous ne pouvez pas voir votre famille.” Il ajoute qu’il souhaiterait bien rester plus longtemps chez lui mais, déclare-t-il, “je regarde autour de moi et je vois toutes ces factures que je dois encore régler”.

Des Ferdinand Biernes ou des parents de Sam Roxas, il en existe des millions aux Philippines. Les ‘OFWs’ (Overseas Filipino Workers) sont environ sept millions et trois mille personnes quittent le pays chaque jour pour trouver à s’embaucher dans un des deux cents pays de la planète où des compatriotes les ont précédés. Selon la Banque asiatique de développement, les 7,6 milliards de dollars qu’ils ont envoyés au pays en 2003 représentent quelque 7,5 % du PNB et les chiffres sont en hausse de 9,5 % sur les dix premiers mois de 2004, comparé à la même période en 2003. Traditionnellement, en décembre, les mandats postaux et les virements bancaires en provenance de l’étranger connaissent un ‘pic’, pour les achats de Noël et ‘Noche , le réveillon de la nuit de Noël.

Pour Migrante International, une coalition de 95 ONG au service des migrants philippins, ces chiffres ont une dimension autre que seulement économique. Pour Connie Bragas-Regalado, présidente de Migrante International, “trois mille nouveaux départs par jour, cela signifie trois mille nouvelles familles brisées chaque jour”. Le 18 décembre dernier, qui coïncidait avec la Journée internationale des migrants, quatre cents migrants et leurs enfants avaient été réunis par son organisation pour que les uns et les autres réapprennent à se connaître et à jouer ensemble, avant les fêtes de Noël. Sour Emma Cupin, des Sours missionnaires de Marie, a conduit la prière ce jour-là : “Aide-nous à renforcer notre amour les uns pour les autres en dépit de la distance qui nous sépare. Garde-nous de nous blesser et de nous faire du mal, les uns les autres. Aide ceux d’entre nous qui sont au loin et qui connaissent des moments difficiles.”

Gina Esguerra était là ce 18 décembre avec sa fille unique. Agée de 33 ans, elle travaille à Hongkong comme employée de maison depuis deux ans. Originaire de Bicol, à 330 km. au sud-est de Manille, elle a, dans un premier temps, trouvé un emploi dans une usine des environs de la capitale philippine. “Mais la paye était trop faible explique-t-elle, ajoutant qu’étant la seule à travailler dans le couple, elle s’est résolue à quitter sa fille et son mari pour partir s’employer à Hongkong. De retour au pays pour Noël, elle dit qu’il lui sera difficile de repartir. “C’est difficile de partir loin des siens pendant de longues périodes pour s’occuper d’enfants qui ne sont pas les vôtres souligne-t-elle. Pourtant, reconnaît-elle assez volontiers, l’expatriation n’a pas amélioré du tout au tout les conditions de vie de sa famille. Pour les responsables de Migrante International, son cas n’est pas rare. Si certains migrants et leurs proches restés au pays peuvent effectivement améliorer leur niveau de vie, beaucoup restent pauvres. Et, au-delà des seules questions économiques et financières, les conséquences sociales et familiales de cette migration massive restent mal prises en compte par les Philippins, même si elles ne sont plus taboues (1).