Eglises d'Asie

Un prêtre catholique, théologien, estime que les responsables de l’Eglise devraient s’impliquer en politique pour améliorer le fonctionnement de la société

Publié le 18/03/2010




A Hô Chi Minh-Ville, le centre Paul Nguyên Van Binh, tout juste rendu par les autorités à l’Eglise catholique (1), a été pris en mains par les dominicains qui ont pour ambition d’en faire un centre de réflexion théologique et de débat philosophique. Le 11 décembre dernier, un forum – le deuxième du genre depuis la réouverture du centre en novembre dernier, a réuni une centaine de laïcs et de membres du clergé sur le thème de la « Relation entre politique et religion et l’intervention du P. Thomas Thiên Tran Minh Câm, dominicain âgé de 71 ans, n’est pas passée inaperçue. Le prêtre, connu pour avoir été « le théologien des catholiques patriotes » (2), a déclaré que, face à un gouvernement corrompu, les responsables de l’Eglise catholique ne devaient pas rester silencieux et se devaient de s’engager en politique.

Membre du Conseil des religieux du Comité central du Front patriotique du Vietnam et collaborateur régulier de Catholicisme et Nation (Công Giao và Dân Tôc), l’organe du Comité d’union du catholicisme à Hô Chi Minh-Ville, le P. Thiên Câm a estimé que « les responsables de l’Eglise devraient être impliqués dans toutes les activités intéressant la société, y compris les activités politiques, car ils ont pour mission de bâtir une société équitable et pacifique et ils doivent devenir la voix des sans-voix dans l’intérêt des pauvres ». Méditant la Lettre de saint Paul aux Romains : « Vous savez que le Royaume de Dieu n’est pas une affaire d’aliments et de boissons, mais de vie droite, de paix et de joie dans l’Esprit Saint. » (Rm 14,17), il a expliqué que la voix des religions est la voix de la vérité, une vérité qui peut amener l’amour et l’harmonie entre les personnes et entre les communautés, et que, dans ce contexte, « la voix des responsables de l’Eglise est une expression de leur rôle prophétique ».

A l’objection selon laquelle les fidèles n’apprécient généralement pas que leurs responsables se mêlent directement aux affaires politiques, il répond qu’il faut dépasser cet état d’esprit, de même qu’il est nécessaire de « revoir l’interdiction stricte » faite par Rome à l’engagement de prêtres en politique. Selon le P. Thiên Câm, l’engagement en politique ne se traduit pas nécessairement par la participation au gouvernement de membres de l’Eglise mais il signifie une implication du clergé et de ses responsables « dans les combats pour la défense des intérêts vitaux de la nation, dès lors que ce n’est que lorsque la nation existe que l’Eglise peut exister à l’intérieur des frontières du pays où cette nation existe ».

Le dominicain estime que les responsables de l’Eglise au Vietnam sont restés silencieux à propos des récents scandales pour corruption qui ont touché de hauts responsables politiques. De même, au sujet du déclin de l’Education nationale ou de la dégradation du civisme des citoyens, les évêques sont restés muets, a ajouté le prêtre. Bien que l’Eglise n’ait pas vocation à s’opposer systématiquement au gouvernement, elle ne doit pas rester muette face à des enjeux aussi « vitaux ». Dans un esprit de charité, d’amour et de dialogue, les responsables de l’Eglise ne doivent pas perdre de vue que leur mission consiste, entre autres, à lutter pour un monde plus juste.

Revenant sur sa propre action face aux autorités, le P. Thiên Câm a affirmé que, ces dernières décennies, il avait lutté pour que l’Eglise garde, face au pouvoir politique, son autonomie en ce qui concerne les ordinations de prêtres ainsi que leurs transferts d’une paroisse à une autre au sein d’un diocèse ou d’une fonction à une autre à l’intérieur de l’Eglise. Il a notamment cité les demandes pressantes qu’il a faites aux autorités de ne pas limiter le nombre des candidats au sacerdoce, que ce soit dans les séminaires diocésains ou au sein des congrégations religieuses. Il a ajouté qu’il avait demandé au gouvernement d’autoriser l’Eglise à s’engager dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’action sociale.