Eglises d'Asie

Dans les écoles de la côte orientale du pays, la rentrée scolaire est l’occasion d’un douloureux décompte des morts et des disparus

Publié le 18/03/2010




Après les fêtes de Noël, la rentrée scolaire aurait dû avoir lieu le 3 janvier dernier. Sur la côte orientale du pays, touchée par le tsunami qui, le 26 décembre 2004, a ravagé les rivages des pays du pourtour de l’océan Indien, le gouvernement a repoussé la reprise des classes au 10 janvier dans un premier temps puis au 17 janvier ; seules quelques écoles privées ont rouvert dès le 10 janvier. Transformées en centres de secours ou en camps de réfugiés, les écoles ont d’abord été mises à contribution pour accueillir dans leurs murs les rescapés de la catastrophe. Dans les établissements scolaires qui ont recommencé à fonctionner, le retour à la normale est difficile tant les enfants ont payé un lourd tribut à la vague meurtrière et manquent en grand nombre sur les bancs des classes.

Au Tamil Nadu, un des Etats les plus affectés par le tsunami, Murugan, un garçon âgé de 13 ans, jouait au cricket sur la plage lorsque la vague est arrivée. Il a survécu. Dans son village de Southkoppa, on dénombre vingt-deux enfants parmi les morts et, pour Murugan, plus de la moitié d’entre eux étaient des camarades côtoyés à l’école du village. Un grand nombre d’autres enfants sont toujours portés disparus. Assis à côté d’un tas d’habits, apportés par les secouristes, il ne montre plus de goût à rien et ne court pas après les véhicules qui passent pour distribuer les secours. Il dit seulement redouter le jour où il devra retourner en classe, assis à côté de chaises ou de bancs vides.

Dans les districts de Cuddalore et de Nagapattinam, deux des districts les plus touchés du Tamil Nadu, les enseignants eux aussi redoutent cette rentrée des classes. “Comment pouvons-nous faire l’appel et reporter les absences dans les registres de présence ? s’interroge Sour Lourdu Mary, directrice de la Nagapattinam’s Little Flower kindergarten school. Essuyant des larmes d’un revers de la main, elle dit qu’à lui seul, son jardin d’enfants a sans doute perdu plus de deux cents enfants. Selon un décompte officiel, 879 garçons et 866 filles ont été recensés parmi les morts pour le seul district de Nagapattinam. Des organisations internationales estiment que les enfants comptent pour près d’un tiers des 150 000 morts dénombrés dans les onze pays du pourtour de l’océan Indien touchés par le tsunami.

Pour les Franciscaines de Notre Dame du Bon Secours, la congrégation de Sour Lourdu Mary, les recherches pour tenter de retrouver des enfants n’ont pas été abandonnées, près de trois semaines après la catastrophe. “Chaque jour, je cherche mes enfants dans les camps. Je prie pour ceux qui ont disparu témoigne la religieuse, avant d’avouer : “Oui, je redoute le jour où le jardin d’enfants rouvrira.”

Selon le P. M.A. Melchias, responsable d’une unité de secours à Nagapattinam, il faudra du temps, même après la réouverture des écoles, pour que les élèves et les enseignants parviennent à accepter que les “absents” ne reviendront pas. Les diocèses catholiques de la région, explique-t-il, travaillent à mettre en place “des plans élaborés” pour répondre aux besoins psychologiques des uns et des autres. Pour la seule paroisse de Nagapattinam, dans la zone ravagée par les eaux, l’Eglise gérait trois écoles. Sur les 800 élèves de l’école secondaire St Anthony, les disparus sont nombreux, précise encore le P. Melchias.

A Caritas India, les responsables des opérations de secours et d’assistance pour le diocèse de Thanjavur, sur le territoire duquel se trouve le district de Nagapattinam, des dispositions ont été prises pour assurer la continuité de l’éducation scolaire dans les zones touchées.

Parmi les enfants rescapés, Karthik, 16 ans, a survécu à la vague. Il a perdu son père et sa sour. Encore couvert d’ecchymoses, il répond au journaliste de passage qu’il a peur de la mer désormais et qu’il ne veut pas faire de la pêche son gagne-pain. “Je veux étudier pour entrer à l’armée déclare-t-il. Pour Suresh, 12 ans, dont la famille a été décimée par la vague dans le district de Cuddalore, le retour en classe est perçu comme un problème d’ordre pratique : “Comment y aller ? Je n’ai plus de livres, d’uniforme et de cartable réglementaires.” Informé du fait que le gouvernement allait financer ces fournitures, il demande : “Peuvent-ils rendre ma sour et mes amis que je ne vois plus désormais ? avant de retourner s’affairer dans les débris de ce qui était sa maison.

Pour les orphelins, l’Etat du Tamil Nadu a annoncé que chacun sera adopté, en priorité par des proches, et que leurs frais de scolarité seront pris en charge. Un fonds a été créé pour financer ces mesures jusqu’à ce qu’ils atteignent leurs 18 ans, âge de la majorité légale.