Eglises d'Asie

Dans une société très majoritairement catholique, la promotion du préservatif pour lutter contre la propagation du sida rencontre des résistances

Publié le 18/03/2010




Dans les toilettes des locaux de l’administration publique et des bâtiments des Nations Unies, on trouve des distributeurs – payants – de préservatifs. L’une des chansons de Bibi Bulak, groupe local de variété, s’intitule « Uza Kondom » (‘Utilise un préservatif’). Ce sont là deux manifestations qui, pour anecdotiques qu’elles soient, témoignent de la présence de plus en plus notable du préservatif au Timor-Oriental pour lutter contre la propagation des maladies sexuellement transmissibles en général et du virus du sida en particulier. Dans un pays de 800 000 habitants, catholiques à 90 %, l’acceptation du préservatif comme moyen de protection et de contraception pour répondre à un mode de vie supposément libéré ne va toutefois pas de soi.

Le 6 décembre dernier, le ministère de la Santé a organisé une conférence dans les locaux de la Banque mondiale à Dili pour présenter les chiffres de l’étendue de la pandémie du sida dans le pays. Officiellement, 0,64 % des Timorais sont infectés par le virus du sida. Le ministre de la Santé, Rui Maria de Araujo, a toutefois déclaré, il y a quelques temps, que les données officielles ne représentaient que « la pointe émergée de l’iceberg » et que le pays faisait face au danger d’une explosion de l’épidémie. Pour promouvoir une vie sexuelle « sans risque le ministère de la Santé a reçu le soutien d’un grand nombre d’organisations étrangères, liées à l’ONU ou aux ONG. C’est ainsi que des distributeurs de préservatifs ont été installés dans les toilettes de la capitale.

Pour un certain nombre d’ONG intervenant au Timor-Oriental, la position de l’Eglise catholique en matière de morale sexuelle se résume à l’interdiction du préservatif et revêt donc un caractère quasi- criminel. « Utilisez des préservatifs pour vivre plus longtemps et en bonne santé ou bien observez les dogmes de l’Eglise et mourez ! s’est ainsi exclamé un participant à la conférence du 6 décembre.

Pour d’autres participants à cette conférence, les données du problème ne peuvent pas être réduites à des équations aussi simplistes. Selon Justino Guterres, anthropologue et directeur de l’enseignement supérieur au ministère de l’Education, dans les villes comme Dili, les jeunes Est-Timorais tendent à copier le genre de vie occidental et les mours des Occidentaux qu’ils croisent en ville, car ils pensent que, s’ils ne font pas cela, ils vont paraître moins « civilisés » ou « modernes » que les Occidentaux qu’ils fréquentent. Ce qui est en jeu ici, c’est le bouleversement de la vie sociale induit par l’arrivée massive d’Occidentaux, membres de l’ONU ou de différentes ONG, à la suite de l’intervention de la communauté internationale au Timor-Oriental, après le retrait des forces indonésiennes, en 1999.

Tous les jeunes ne se laissent cependant pas influencer par le mode de vie occidental. Interrogé par l’agence Ucanews, Antonio Soares, chauffeur employé par l’ONG Care International Timor Leste, déclare que, selon lui, la campagne en faveur du préservatif ne vise pas tant à lutter contre le sida qu’à promouvoir auprès des jeunes une vie sexuelle « libérée déconnectée des normes morales traditionnellement en vigueur dans la société locale. Selon Antonio Soraes, le « free sex » mis en avant ne correspond ni aux valeurs catholiques, ni aux valeurs traditionnelles et s’identifie avec la culture occidentale. De nombreux jeunes qui travaillent au contact des étrangers, issus d’autres cultures, ont changé et pensent désormais que l’activité sexuelle est aussi anodine que le fait de boire et de manger, explique-t-il, ajoutant : « Je pense que si nous gardons comme tradition de n’avoir des relations sexuelles qu’avec notre propre partenaire, nous pouvons nous prémunir efficacement contre le sida. »

En écho à ces propos, le P. Apolinario M. Aparicio Guterres, recteur du grand séminaire de Dili, abonde dans le même sens. Selon lui, « la foi est la meilleure des préventions ». Il oppose ainsi la vie en milieu urbain, où les habitants « parviennent à compliquer leur vie parce qu’ils sont influencés par la publicité » et la vie en milieu rural « dont on doit s’inspirer pour apprendre la simplicité » (1Selon lui, « dans les villages, on peut lire la simplicité et la fidélité dans le regard des gens car ils mènent leur vie simplement et naturellement ».