Eglises d'Asie

Human Rights Watch dénonce la politique du gouvernement vietnamien à l’égard des Montagnards des hauts plateaux du centre du pays

Publié le 18/03/2010




Le 9 janvier dernier, l’organisation américaine de défense des droits de l’homme Human Rights Watch a publié un nouveau rapport (1), long de 25 pages, pour faire état des arrestations et des mauvais traitements – et, en certains cas, des tortures – infligés aux Montagnards des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam. Le rapport dénonce en particulier la fermeture de la frontière entre le Vietnam et le Cambodge et la coopération que les autorités cambodgiennes apportent aux forces de l’ordre vietnamiennes pour empêcher le passage au Cambodge de militants montagnards, voire les contraindre manu militari à retourner du côté vietnamien de la frontière. Il détaille, par ailleurs, la répression dont les communautés chrétiennes montagnardes font l’objet, en dépit des affirmations des autorités vietnamiennes selon lesquelles les fêtes de Noël se sont déroulées de manière “paisible et joyeuse” dans les cinq provinces couvrant la région des Hauts Plateaux.

Lors des semaines précédant Noël, affirme Human Rights Watch, des dizaines de chrétiens montagnards ont été arrêtés et emprisonnés. Rien que dans la province de Gia Lai, l’une des cinq provinces de la région des Hauts Plateaux, la police vietnamienne a arrêté 129 personnes entre le 12 et le 24 décembre 2004. Beaucoup de ces personnes étaient en train d’organiser des rassemblements pour les fêtes de Noël dans les villages. Durant ce même mois de décembre, de hauts responsables vietnamiens, venus de Hanoi, ont visité la région, appelant au respect de la liberté religieuse et demandant aux fonctionnaires locaux de favoriser un déroulement “paisible et joyeux” des célébrations de Noël dans les communautés montagnardes. Or, selon Brad Adams, directeur exécutif Rights Watch, si la période de Noël “a été relativement calme sur les Hauts Plateaux”, c’est “parce que des centaines de Montagnards avaient été bouclés et ont passé cette période dans les centres de détention de la police”.

Le rapport de l’organisation américaine précise que les arrestations ont visé en priorité les responsables des Eglises domestiques non reconnues par le gouvernement (2). Ces responsables appartiennent à des Eglises chrétiennes n’appartenant pas à l’Eglise évangélique du sud, dont la charte et les activités ont été reconnues officiellement par le gouvernement vietnamien en avril 2001. Les autorités ont aussi ciblé les arrestations pour viser les familles, femmes et enfants, des Montagnards qui ont fui au Cambodge pour y trouver asile. Tous ceux qui sont suspectés d’être les leaders du mouvement de protestation au sein des communautés montagnardes ou d’entretenir des contacts avec les groupes montagnards exilés aux Etats-Unis sont également la cible d’arrestations.

En outre, le 29 décembre dernier, les autorités vietnamiennes ont publiquement accusé treize Montagnards qui sont volontairement revenus au Vietnam en octobre 2004, après avoir passé un temps dans un camp de réfugiés au Cambodge d’être des espions “entraînés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) pour fomenter des troubles”. Selon Brad Adams, “ce genre de déclaration témoigne [de la part des autorités vietnamiennes] d’un degré de paranoïa qui génère la persécution. Au lieu de punir ceux qui ont choisi de fuir pour assurer leur sécurité, le gouvernement de Hanoi devrait s’attaquer aux causes du mécontentement (constaté chez les minorités ethniques des Hauts Plateaux), à savoir la répression religieuse et d’importantes confiscations de terres agricoles, dont ces populations dépendent pour leur survie”.

A l’adresse du gouvernement cambodgien, Human Rights Watch demande que l’UNHCR soit “immédiatement” autorisé à prendre en charge les Montagnards qui choisissent de se réfugier au Cambodge. Les Montagnards passés du côté cambodgien qui tombent entre les mains des forces de l’ordre cambodgiennes doivent être remis à l’agence onusienne et ne pas être rapatriés de force au Vietnam, insiste le rapport de l’organisation américaine.

Alimenté par la répression sévissant du côté vietnamien, l’exode des Montagnards des Hauts Plateaux semble se poursuivre malgré le renforcement de la surveillance à la frontière cambodgienne (3). Le rapport de Human Rights Watch vient confirmer des informations selon lesquelles il continue à un rythme analogue, sinon plus rapide, à celui de l’exode qui avait suivi les troubles de février-mars 2001. En 2001, plus de 1 000 Montagnards avaient fui le Vietnam pour le Cambodge après des émeutes, au cours desquelles ils manifestaient pour le respect de la liberté religieuse et la restitution de leurs terres ancestrales (4). En avril 2004, lors du week-end pascal, de nouveaux affrontements avec les forces de l’ordre avaient entraîné un autre exode massif vers le Cambodge (5).