Eglises d'Asie

Jouissant d’une certaine autonomie vis-à-vis de Rome, l’Eglise syro-malabar réforme le mode d’administration des sacrements afin de le rendre “plus indien”

Publié le 18/03/2010




Le 3 janvier dernier, le cardinal Varkey Vithayathil, archevêque majeur de l’Eglise catholique syro-malabar, a annoncé qu’à la date du 6 janvier 2005, les vingt-six diocèses composant l’Eglise syro-malabar réformaient le mode d’administration des sacrements, afin d’aider leur Eglise de rite oriental à “trouver sa propre identité”. Ce changement, a-t-il souligné, s’inscrit dans le droit fil de l’autonomie accordée par le Saint-Siège à l’Eglise syro-malabar, une Eglise sui juris depuis 1992, et qui, depuis 1998, a le droit de décider pour elle-même des évolutions à apporter en matière liturgique. Son synode a aussi le droit, depuis 2004, de désigner les évêques de ses diocèses situés dans le Kerala (1). Sur les vingt-six diocèses que compte l’Eglise syro-malabar, quinze sont situés au Kerala, dix autres sont répartis dans différents autres Etats de l’Inde et le dernier dessert les catholiques syro-malabar d’Amérique du Nord.

Sur les sept sacrements de l’Eglise catholique, cinq sont concernés par la réforme qui a été approuvée par le pape. Selon le porte-parole de l’Eglise syro-malabar, le P. Paul Thelakat, les changements portent sur les sacrements des malades, du baptême, de la confession, de la confirmation et du mariage ; ils s’inscrivent dans un mouvement plus large visant à inculturer plus profondément l’Eglise syro-malabar et ils remplacent les pratiques précédentes dans tous les diocèses de l’Eglise.

Mgr Sebastian Adayanthrath, évêque auxiliaire d’Ernakulam-Angamaly, qui a présidé la commission liturgique responsable de la définition des changements en question, a précisé que le processus avait pris deux années, durant lesquelles les consultations entre évêques, théologiens, prêtres et laïcs ont été intenses. Le Centre de recherche pour la liturgie, installé à Kochi, au Kerala, a été grandement sollicité pour ce travail. La réforme engagée a été délicate à finaliser, le clergé et les fidèles étant partagés entre partisans d’une restauration des anciennes traditions de la liturgie chaldéenne et partisans d’une modernisation des rites (2).

Cette initiative romaine est la dernière en date pour essayer de résoudre la question épineuse de la liturgie dans l’Eglise syro-malabar. Depuis plusieurs années, les évêques, les prêtres et les laïcs de l’Eglise sont divisés en deux camps sur cette question (3), certains voulant restaurer les anciennes traditions et la liturgie chaldéenne, les autres cherchant plutôt à moderniser les rites.

Selon Mgr Adayanthrath, “ce sont là des changements historiques” qui contribueront à aider l’Eglise syro-malabar à progresser dans l’autonomie accordée par Rome il y a douze ans. Ils ont été, selon l’évêque, mis au point afin d’aider les fidèles syro-malabar à “trouver leur identité”. S’agissant du baptême et de la confirmation, ces deux sacrements seront désormais administrés ensemble, y compris aux jeunes enfants, et l’eucharistie sera donnée en même temps, au cours de la même cérémonie. Jusqu’à maintenant, l’usage voulait – comme cela se pratique dans le rite latin – que le baptême et la confirmation soient donnés à des moments distincts. Désormais, parce que “la naissance et la croissance sont inséparables les deux seront donnés au cours de la même cérémonie. Le terme de “confirmation” laisse place à celui de “chrismation terme forgé à partir du saint chrême, utilisé pour certains sacrements. Le P. Thelakat précise à cet égard que l’usage de l’Eglise syro-malabar rejoint ici celui d’autres Eglises orientales où un fragment d’hostie consacrée est placé sur la langue du nouveau-né lors de son baptême, de façon à “incorporer d’une façon tangible l’enfant dans l’Eglise”. “Mais la communion ne sera officiellement donnée aux enfants qu’une fois qu’ils auront grandi et qu’ils en auront compris la signification a précisé le prêtre.

S’agissant du mariage, la réforme va dans le sens d’une plus grande prise en compte du contexte hindou dans lequel vivent les fidèles syro-malabar. Ainsi, les jeunes mariés, après l’échange des consentements, pourront se donner l’un à l’autre une couronne de fleurs, mais le traditionnel échange des alliances n’est pas supprimé, les couples pouvant opter pour l’un ou l’autre rite. Par ailleurs, s’inspirant directement des coutumes en vigueur chez les hindous (et nombre de non-hindous en Inde), les responsables de l’Eglise syro-malabar ont officiellement intégré dans le sacrement du mariage le rite du “thali du nom de ce médaillon enfilé sur un lien couleur safran que le marié passe autour du cou de son épouse (4). Chez les hindous, un mariage sans “thali” n’est pas considéré comme un véritable mariage.

Parmi les autres changements, on peut noter que les mots prononcés par le prêtre lors du baptême et du sacrement de réconciliation ont été modifiés : “je te baptise” fait place à “tu es baptisé” et “j’absous tes péchés” à “tu es pardonné”. De plus, l’huile d’olive – qui était utilisée pour les huiles saintes – n’est plus obligatoire ; toute autre huile végétale, telle l’huile de coco (le mot Kerala signifie “le pays des cocotiers peut être utilisée et la bénédiction des saintes huiles n’est plus l’apanage des seuls évêques. Un simple prêtre pourra désormais bénir les huiles utilisées pour le baptême et le sacrement des malades.

L’Eglise catholique en Inde comporte les rites latin, syro-malabar et syro-malankara. Les latins se conforment à la liturgie romaine introduite en Inde par les missionnaires occidentaux au XVIe siècle. Les deux autres Eglises, dont une grande partie des diocèses sont au Kerala, suivent les traditions de l’Eglise syrienne et font remonter leurs origines à l’apôtre Saint Thomas. L’Eglise syro-malabar réunit 3,5 millions des 16 millions de catholiques de toute l’Inde. La majorité de ses fidèles vit au Kerala.