Eglises d'Asie

Karnataka : la présence d’un télé-évangéliste américain soulève de vives oppositions parmi les milieux fondamentalistes hindous

Publié le 18/03/2010




Durant trois jours, du 21 au 23 janvier dernier, le télé-évangéliste américain Benny Hinn (1) a animé “le Festival des bénédictions” à Bangalore, capitale de l’Etat du Karnataka. Rassemblant une foule de 1,8 million de personnes, selon les estimations de la police, le festival a suscité de vives oppositions au sein des milieux fondamentalistes hindous.

Le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), dans l’opposition, a réclamé la démission du ministre-président de l’Etat, Dharam Singh, au motif que le gouvernement de l’Etat encourageait Benny Hinn à “christianiser l’Inde”. Le parti nationaliste hindou ainsi que des organisations hindouistes ont cherché – en vain – à faire annuler le festival, multipliant les manifestations durant les deux semaines qui l’ont précédé. Le 21 janvier, les protestations ont pris un tour violent, des militants bloquant les routes d’accès au site du festival, des bus publics étant incendiés et des affiches arrachées.

Devant une foule d’environ 1 500 personnes, B. S. Yediyurappa, membre du BJP et chef de l’opposition à l’Assemblée législative de l’Etat, a reproché au ministre-président de permettre la tenue d’un tel festival. “Le ministre-président n’a plus aucun droit moral à continuer [à gouverner]. Il doit démissionner. Pourquoi a-t-il autorisé cette assemblée de prière ? Pourquoi y a-t-il participé ? s’est insurgé le responsable nationaliste, ajoutant qu’il demandait l’ouverture d’une enquête judiciaire au sujet “des soi-disant miracles” réalisés par le prédicateur américain.

C’est sur le terrain d’un aéroport loué à l’Etat par son organisation que Benny Hinn a mené un “show” à la manière dont les télé-évangélistes aux Etats-Unis savent le faire. “L’Inde est une nation spirituellement forte. Cette immense foule témoigne que l’Inde est une nation qui cherche Dieu. L’atmosphère est unique en Inde, incomparable à aucun autre lieu sur terre a-t-il dit au micro. Le dernier jour, Benny Hinn s’est exclamé : “Dix millions de personnes sont venues ici durant ces trois jours. J’aime l’Inde. C’est bon d’être ici. Je me sens Indien moi-même. Je prie pour vous. J’ai demandé à tant de gens aux Etats-Unis de prier pour vous ajoutant : “Plus d’un million de personnes ont été guéries” et “La foi grandira en certains d’entre vous plus tard et alors vous serez guéris.”

Un des reproches faits par les militants du BJP au télé-évangéliste était qu’il réunissait des foules en leur promettant des guérisons miraculeuses dans le seul but “de faire de l’argent à travers des rassemblements pour des conversions de masse ». Le premier jour du festival, Benny Hinn a dit à la foule : “Nous ne ferons pas de quête aujourd’hui parce que l’Esprit me dit de faire ainsi. Je vous dirai demain ce que l’Esprit me dit.” Le lendemain, il a déclaré : “Je suis venu pour donner, pas pour recevoir”, et a ajouté que ses ministres allaient signer un chèque de 100 000 dollars au profit des victimes indiennes du tsunami du 26 décembre.

Quelques jours avant le début du festival, l’archevêque de Bangalore, Mgr Bernard Moras, avait convoqué une conférence de presse pour déclarer que son diocèse “n’[était] pas impliqué directement ou indirectement dans l’organisation du ‘Festival des bénédictions'”. “Chacun a le droit de prêcher le Christ, a-t-il ajouté, mais cela ne signifie pas que cela doive être fait en fanfare et à coups de publicité. Je pense que ce ‘show’ attire trop d’attention et génère une publicité excessive.” Interrogé sur la participation des catholiques au festival, il a répondu : “Que ceux qui veulent y aller décident par eux-mêmes. Je ne dirai pas aux gens d’y aller ou de ne pas y aller. Telle est la position clairement exprimée de l’Eglise catholique à Bangalore.”

En février 2004, le BJP étant à l’époque au pouvoir à New Delhi, Benny Hinn avait organisé une assemblée de prière à Mumbai (Bombay). Un million de personnes étaient venues l’écouter. A l’époque, le cardinal Ivan Dias, archevêque de Bombay, avait publié une lettre demandant aux catholiques de se tenir à l’écart de la manifestation. Cette année, parmi les parrains du “Festival des bénédictions on pouvait trouver le nom de Mgr Ignatius Pinto, le prédécesseur de l’actuel archevêque de Bangalore.