Eglises d'Asie

Les Eglises chrétiennes dénoncent l’éventuelle utilisation à des fins prosélytes de l’aide humanitaire aux rescapés du tsunami

Publié le 18/03/2010




Le 17 janvier dernier, les responsables des Eglises chrétiennes en Indonésie ont publié un communiqué commun : “La Conférence des évêques catholiques d’Indonésie et la Communion des Eglises d’Indonésie désavouent toute tentative d’instrumentalisation des missions d’aide humanitaire pour mener des actions de prosélytisme visant à convertir au christianisme.” Le message des responsables chrétiens a été publié dans un contexte marqué par des polémiques croissantes au sujet d’un mélange des genres qui aurait cours dans les régions du pays ravagées par le tsunami du 26 décembre, à Aceh et à Sumatra-Nord, où des ONG étrangères d’inspiration chrétienne sont à l’ouvre.

Pour les responsables des Eglises chrétiennes d’Indonésie, un tel mélange des genres est “parfaitement contraire au véritable esprit chrétien et à la doctrine chrétienne”. Le communiqué a été rédigé au siège de la Conférence des évêques catholiques, à l’issue d’une réunion à laquelle avaient pris part un représentant de l’Eglise catholique, huit pasteurs protestants ainsi que le président de la Nahdlatul Ulama, Hasyim Muzadi, et son homologue de la Muhammadiyah, Ahmad Syafii Maarif. La Nahdlatul Ulama et la Muhammadiyah sont les deux principales organisations musulmanes de masse du pays.

Le communiqué s’est attaché plus spécifiquement à dénoncer tout éventuel prosélytisme en direction des orphelins. “Nous appelons les communautés chrétiennes internationales à coopérer avec la Nahdlatul Ulama et la Muhammadiyah, ou avec d’autres institutions islamiques, si elles veulent aider les enfants qui ont été victimes de la catastrophe à Aceh et à Sumatra-Nord précise le texte, où l’on apprend encore que les Eglises chrétiennes et les deux organisations musulmanes ont conclu un accord sur la conduite à tenir vis-à-vis des rescapés du tsunami, particulièrement les enfants.

Selon des sources chrétiennes locales, la raison d’être du communiqué est liée à la publication le 13 janvier d’un article dans le Washington Post. Dans cet article, un pasteur américain, le Rév. Vernon Brewer, président de WorldHelp, une ONG américaine d’inspiration protestante, était cité comme disant que son ONG avait organisé le transfert aérien de quelque trois cents enfants d’Aceh à Djakarta où ils avaient été placés dans des orphelinats chrétiens. Le lendemain, le journal américain publiait un nouvel article où l’on pouvait lire que WorldHelp avait abandonné l’idée de placer les enfants recueillis dans des institutions chrétiennes, que le transfert des enfants à Djakarta n’avait pas eu lieu et que le pasteur en question assurait que les enfants étaient toujours à Aceh. Selon le pasteur, le gouvernement indonésien ne permettrait de toute façon pas un tel transfert.

Dans leur communiqué, les responsables des Eglises chrétiennes se sont félicités que le gouvernement empêche des actions telles que celles envisagées par des ONG comme WorldHelp. Ils ont ajouté qu’ils espéraient que la polémique suscitée par cette affaire ne perturberait pas le déploiement de l’aide humanitaire à Aceh et à Sumatra-Nord. Ils ont aussi lancé un appel “au bon sens” afin que les Indonésiens ne prennent pas pour argent comptant “des nouvelles sans fondement”.

Lors de la conférence de presse qui a accompagné la publication du communiqué, les responsables religieux chrétiens et musulmans se sont accordés à dire que l’incident soulevé par l’article du Washington Post ne devait pas porter de tort aux relations interreligieuses en Indonésie, ni détourner les gens de la nécessité d’aider les victimes du tsunami. Le P. Antonius Beny Susetyo, de la Commission épiscopale pour les affaires interreligieuses, a déclaré que le communiqué était “un rappel aux organisations étrangères à respecter le pluralisme religieux en Indonésie”. Afin d’échapper à tout soupçon de prosélytisme, les évêques catholiques, a-t-il poursuivi, ont donné ordre aux orphelinats chrétiens de ne pas accepter chez eux d’enfants venus d’Aceh.

Selon le Rév. Weinata Sairin, de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie, WorldHelp n’est en aucune façon liée à l’une ou l’autre des Eglises de la Communion. “Notre position est claire, a-t-il ajouté. Toute adoption doit se faire en respect des lois sur la protection de l’enfance. Nous respectons la loi qui stipule qu’un enfant doit être élevé par des personnes de sa religion.”

Enfin, Masdar Farid Masudi, de la Nahdlatul Ulama, a déclaré qu’étant donné le caractère sensible des questions liées à la religion, à la culture et à la sécurité à Aceh, province musulmane à 99 %, la prudence était de mise. En dehors d’Aceh, la rumeur se répand rapidement dans certains cercles musulmans selon laquelle l’intervention des ONG étrangères à Aceh cache une politique de “christianisation a souligné un autre responsable musulman (1).

De retour d’Aceh où il était parti pour une mission d’aide humanitaire, un pasteur protestant, le Rév. Albertus Patti, a toutefois précisé que ce n’est qu’une fois de retour à Djakarta qu’il a entendu parler de cette affaire. A Aceh, aucune rumeur relative à la “christianisation” n’était parvenue jusqu’à lui.

Par ailleurs, selon des dépêches d’agence de presse, des groupes islamises indonésiens qui sont arrivés à Aceh (2) n’hésitent pas à lier aide humanitaire et enseignement religieux. L’AFP rapporte ainsi le cas d’un médecin envoyé à Banda Aceh par le Centre islamique Ukuhwah. Le médecin explique que lui et ses pairs soignent trois cents personnes dans un camp situé à proximité de l’aéroport. “Nous les ramenons vers le Coran et la sunna, la tradition du Prophète. Nous apprenons aux enfants à bien lire le Coran après la prière du soir. Nous apprenons aux mères à porter le hijab (le foulard islamique) précise-t-il (3).