Eglises d'Asie

Après la mesure d’amnistie du gouvernement, le P. Nguyên Van Ly et d’autres dissidents ont été libérés mais ne sont pas encore libres

Publié le 18/03/2010




Le 31 janvier dernier, un porte-parole du gouvernement a fait savoir que le célèbre prêtre dissident du diocèse de Huê, le P. Thadée Nguyên Van Ly, interné au camp de Nam Ha, dans le Nord-Vietnam, faisait partie des 8 323 bénéficiaires de l’amnistie accordée par le gouvernement à l’occasion de la célébration du Nouvel An lunaire. Son nom était même mentionné spécialement dans le communiqué officiel avec celui du plus connu des dissidents politiques, Nguyen Dan Quê, alors que l’on faisait silence sur d’autres prisonniers de conscience également libérés à cette occasion, comme le vénérable Thich Thiên Minh, religieux du bouddhisme unifié, Nguyên dinh Huy, dissident politique, et Truong Van Duc, membre du bouddhisme Hoa Hao.

Un traitement spécial était également réservé au P. Ly le jour de sa libération effective, le 1er février. Alors qu’une somme de 50 000 dôngs (4 euros) était distribuée à chacun des amnistiés pour subvenir à leurs frais de retour chez eux, une voiture de location était mise à la disposition du P. Nguyên Van Ly, pour son retour dans son diocèse de Huê. De sources particulières du Nord-Vietnam, on a appris que, dans les jours qui ont suivi sa libération, le P. Nguyên Van Ly s’est déplacé en voiture dans un certain nombre de diocèses du Nord. Il a en particulier rencontré le cardinal Pham Dinh Tung, à Hanoi. On a remarqué que se déplaçaient avec lui, dans la même voiture, trois personnes fortement soupçonnées d’appartenir à la Sécurité publique. Selon des témoins, les trois policiers ne le quittaient pas d’une semelle et l’accompagnaient même lors de ses entretiens avec les personnalités rencontrées. Après cette tournée “touristique”, son arrivée à Huê était prévue pour le 7 février. Cependant, entre temps, une voiture de la Sécurité de la province de Thua Thiên, province du diocèse de Huê, s’était rendue au Nord pour y chercher le prêtre. Ainsi, le 4 février, soit trois jours avant la date prévue, le P. Ly arrivait à Huê, accompagné de trois policiers de Hanoi à l’intérieur de sa voiture, laquelle était suivie par une autre voiture de police. Avant de se rendre à l’archevêché de Huê, sa future résidence, le prêtre a fait une halte au siège du Comité populaire de son district où lui ont été remis les quatorze points du règlement auquel sont soumis les assignés à résidence.

Les témoins de ces faits en ont alors compris que la mesure qui a conduit à la libération du célèbre dissident, mesure qui avait été précédée de plusieurs raccourcissements de peine, ne touchait que la première partie de la condamnation prononcée contre lui par le tribunal de la province de Thua Tiên-Huê, lors de son procès du 29 octobre 2001 (1), à savoir la prison, et non pas les cinq ans de résidence surveillée, qui, selon les auteurs de la sentence, devaient suivre l’incarcération qui était prévue pour quinze ans.

Les réactions à l’annonce de la libération du P. Ly et de ses compagnons dissidents ont été immédiates et mitigées. La plupart réclament du gouvernement vietnamien qu’il aille jusqu’au bout du processus d’ouverture en rétablissant totalement la liberté d’expression. Un communiqué du secrétariat d’Etat américain, publié le 1er février, saluait l’initiative vietnamienne, tout en affirmant qu’il fallait maintenant donner aux dissidents toute liberté de s’exprimer et de faire entendre leurs opinions. De même, Amnesty International se réjouissait de cette libération mais regrettait que de nombreux dissidents soient encore derrière les barreaux. Dans une lettre de remerciement adressée à la communauté internationale à l’occasion de la libération des dissidents, trois prêtres catholiques, les PP. Chân Tin, Nguyên Huu Giai et Phan Van Loi, font remarquer que la sortie de prison des dissidents n’est en rien due à la soudaine générosité des gouvernants mais à la pression internationale. A cet égard, ils citent l’inscription du Vietnam par les Etats-Unis sur la liste des pays “particulièrement préoccupants” au point de vue du respect de la liberté religieuse, ou encore l’obligation qui lui est faite par ce même pays de changer de politique des droits de l’homme avant le 15 mars 2005 sous peine de sanctions économiques. Ils soulignent enfin que, pour les dissidents, libération de prison n’est pas synonyme de liberté.

Le P. Nguyên Van Ly, qui a déjà passé dix ans en prison de 1977 à 1978 puis de 1983 à 1992 pour “opposition à la révolution avait lancé une campagne pour la liberté religieuse à la fin de l’année 2000. Commencée au mois de novembre 2000 (2), dans le cadre de revendications locales – des terrains paroissiaux confisqués par l’Etat -, la campagne du P. Ly avait vite pris une dimension interreligieuse, nationale et même internationale. Elle a été tout de suite marquée par le ton sans concession adopté par le prêtre et une volonté de non compromission avec le régime, que symbolisait le calicot qu’il avait accroché au clocher de son église où était inscrit : “La liberté religieuse où la mort !” Il diffusa sur le réseau Internet de nombreuses déclarations où il revendiquait liberté et totale indépendance pour les diverses religions du Vietnam, des procès-verbaux où il détaillait concrètement les violations de la liberté religieuse commises par les autorités locales et nationales. A la demande de la Commission sur les libertés religieuses dans le monde du Sénat américain, il fit parvenir à celle-ci deux rapports sur la liberté religieuse au Vietnam. Dès le 27 février 2001, le P. Ly avait été assigné à résidence dans la paroisse de An Truyên. Le 10 mai de la même année, les autorités civiles lui interdisaient de dire la messe. Le 17 mai 2001, six cents agents de la Sécurité vinrent arrêter le prêtre dans son presbytère alors qu’il se préparait à célébrer la messe. Le procès n’eut lieu que cinq mois plus tard, en octobre 2001, à Huê. Il fut condamné à quinze ans de prison ferme “pour n’avoir pas accompli sa peine de mise en résidence surveillée et avoir saboté la politique d’unité nationale Il fut ensuite envoyé au Nord-Vietnam pour y purger sa peine, une peine qui avait été réduite à dix ans en 2003 et à cinq ans en juin 2004.