Eglises d'Asie

Bali : un missionnaire catholique s’est vu attribuer un prix pour sa contribution à la sauvegarde de la culture balinaise

Publié le 18/03/2010




Le 5 janvier dernier, à Bali, un groupe de presse local, le Bali Post Media Group, a distingué dix personnalités pour leur apport à la sauvegarde de la culture balinaise. Parmi les dix, se trouve un prêtre catholique, missionnaire américain de la Société du Verbe divin, le P. Nobert Anthony Shadeg. Lauréat du prix K. Nadha Nugraha, le missionnaire a été choisi pour être l’auteur d’un glossaire et d’un dictionnaire de la langue balinaise. Le prix a été créé en mémoire du fondateur du Bali Post, Ketut Nadha, mort le 5 janvier 2001.

Tous les lauréats présents à la cérémonie du 5 janvier dernier, à Denpasar, chef-lieu de la province de Bali, étaient des Balinais de religion hindoue, à l’exception du missionnaire catholique, âgé de 83 ans et alité pour cause de maladie. “Chaque jour, disait la citation, le P. Shadeg transcrivait des mots balinais et en vérifiait le sens en anglais puis en indonésien. C’est ainsi que naquit son petit dictionnaire que lui et ses confères ont utilisé pour enseigner. Il avait compris que la langue était le plus important des outils de communication entre les étudiants, leurs professeurs et l’ensemble des Balinais” (1). 93 % des 3,1 millions d’habitants de l’île de Bali sont de religion hindoue.

Le P. Shadeg, ancien responsable de l’apostolat du tourisme pour le diocèse de Denpasar, a publié en 1977 un “Glossaire de base de la langue balinaise” et, en 1985, un “Dictionnaire balinais de poche Arrivé à Bali en juillet 1950, il a adopté la nationalité indonésienne en 1981 et réside actuellement à Tuka, au nord-ouest de Denpasar, où il dirige la Bibliothèque de la mission de Bali “Widya Wahana riche de 20 000 volumes.

Ce 5 janvier, c’est le P. Paskalis Widastra, prêtre balinais et directeur de la Commission pour les affaires interreligieuses du diocèse de Denpasar, qui est venu recevoir le prix à la place du P. Shadeg, affaibli par la maladie. A l’issue de la cérémonie, le P. Widastra a confié combien les catholiques de Bali avaient été surpris en apprenant la nouvelle, alors qu’il y a peu de temps encore des hindous se sont opposés à l’adoption de certains traits architecturaux et symboles balinais dans les églises catholiques (2). En 1999, en effet, des hindous avaient déjà demandé aux chrétiens de changer les noms religieux à consonance hindoue de leurs institutions. La Fondation catholique de Swastiastu, par exemple, avait dû être rebaptisée “Insam Mandiri” (‘entraide entre les hommes’), car les hindous de Bali invoquent Dieu en disant : “Om Swastiastu”.

Sur la portée du prix décerné, le P. Widastra a déclaré : “Nous devons remercier Dieu parce que c’est la première fois qu’un prêtre catholique reçoit, ici, un prix culturel et que ce prix survient alors que les catholiques balinais sont inquiets du rejet manifesté à leur égard par des hindous balinais.” Pour le prêtre, ce prix vient renforcer ce que l’Eglise catholique a essayé de faire depuis longtemps et confirme ainsi « qu’il est normal pour les catholiques de participer à la préservation de la culture locale le P. Shadeg “étant le représentant de l’Eglise dans ce souci de sauvegarde”. Utiliser la langue balinaise pour la liturgie et la prière, revêtir certains costumes traditionnels pour des services religieux spécifiques ou incorporer des éléments d’architecture et des symboles culturels montrent combien l’Eglise se sent concernée dans la préservation de la culture balinaise. Le P. Shadeg s’y était intéressé dès son arrivée à Bali, a-t-il continué : “Comme missionnaire, en effet, il se sentait responsable de la préservation de la culture locale parce que, pour annoncer l’Evangile, un prêtre se doit de saisir l’humanité dans toute sa dimension, linguistique et culturelle. Ce prêtre d’origine américaine n’a jamais cessé d’étudier la culture de Bali. A l’âge de 83 ans, il lit beaucoup et découpe toujours des articles dans les journaux et les magazines.”

Le P. Widastra, qui continue la mission confiée jadis au P. Shadeg, a souligné que ce dernier n’avait pas hésité à adopter des éléments culturels balinais dans sa pastorale. “Il avait instauré dans les paroisses catholiques de Bali le système social traditionnel des villages balinais, le ‘desa pekraman’ et les conseils ‘pemaksan’ (conseils de communauté), responsables de la bonne marche des villages.”

Le ‘desa pekraman’ dans les villages balinais est un système fondé sur les trois clés de l’hindouisme, indispensables à une vie paisible : “parahyangan les bonnes relations avec le Créateur, “pawongan les bonnes relations avec ses semblables, et “palemahan les relations harmonieuses avec son environnement. Aujourd’hui, a encore ajouté le P. Widastra, les paroisses de Bali possèdent un conseil pastoral mais “parallèlement nous avons aussi besoin d’un ‘pemaksan’ pour traiter des relations entre catholiques et non-catholiques balinais dans les affaires sociales”.