Eglises d'Asie

Kerala : en visite auprès d’ouvriers d’une briqueterie, des protestants, étudiants en théologie, ont été agressés par des extrémistes hindous

Publié le 18/03/2010




Le 13 février dernier, six étudiants en théologie, appartenant à différentes dénominations protestantes, ont été passés à tabac et légèrement blessés par des membres du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Corps national des volontaires), principale organisation de l’extrême droite hindoue. Selon le rapport de police, les six étudiants, originaires pour l’un d’entre eux du Kerala et pour les autres d’Etats du nord de l’Inde, rendaient depuis plusieurs semaines de fréquentes visites aux ouvriers d’une briqueterie de Budhanoor, village situé à 150 km au nord de la capitale du Kerala, Thiruvananthapuram. Ils entretenaient les ouvriers de la foi chrétienne et leur laissaient des documents sur leur religion. Une semaine avant le 13 février, des membres locaux du RSS avaient pris à parti les étudiants, les accusant de vouloir convertir les ouvriers. Le 13 février, les six étudiants ont été embarqués de force dans trois rickshaws et emmenés dans les locaux du RSS où ils ont été battus. Bien que légères, selon le rapport de police, leurs blessures ont nécessité une hospitalisation.

L’incident a été très rapidement condamné par différentes personnalités du Kerala. Mgr Cyril Mar Baselios, de l’Eglise syro-malankara, a qualifié l’attaque de “honte pour les Keralais”. Il a ajouté que ceux qui se font les chantres de l’action violente doivent comprendre qu’aucune religion ne peut triompher en persécutant les autres religions. Le ministre-président de l’Etat, Oomman Chandy, un chrétien orthodoxe, a déclaré que l’incident avait pour objectif de “déstabiliser” l’harmonie entre les communautés au Kerala. Les autorités ne laisseront pas cet incident impuni et “les criminels seront poursuivis avec sévérité”. Un ministre du gouvernement, de religion catholique, a rappelé que le Kerala avait connu ces derniers mois des incidents semblables et que l’image de l’Etat en était “ternie”.

Interrogé par la presse, le responsable local du RSS a démenti que son organisation ait été impliquée dans l’incident. Il a ajouté que, depuis trois ans, le RSS dénonçait les tentatives visant, “à une large échelle à convertir les ouvriers des briqueteries. “Mais la police n’a jamais rien fait. Les hindous sur place étaient agités par cela a-t-il précisé.

Les six étudiants font partie du Gospel for Asia Biblical Seminary, un institut pentecôtiste d’études théologiques fondé en 1993. Installé à Kizhakan Muthoor, près de la ville de Tiruvalla, l’institut s’étend sur un campus d’une vingtaine d’hectares et compte 525 étudiants, d’une trentaine de dénominations protestantes. Selon un de ses responsables, la visite à la briqueterie faisait partie d’un programme “d’immersion pastorale hors campus conçu pour “mieux percevoir les réalités locales”.

Selon un journaliste de Thiruvananthapuram, interrogé par l’agence Ucanews (1), l’attaque des six étudiants est à mettre en relation avec le fait que des groupes d’hindous issus de différentes castes se sont formés ces derniers temps pour faire pression sur la scène politique locale. “Ils testent les réactions des autorités sur le terrain des relations intercommunautaires. Si le gouvernement ne réagit pas ou réagit peu, les violences de type intercommunautaire vont se banaliser au Kerala explique-t-il. En novembre dernier (2), les responsables de l’Eglise syro-malabar avaient adressé une remontrance au gouvernement du Kerala pour n’avoir pas réussi à arrêter les coupables du meurtre du prêtre catholique, Job Chittilappilly, assassiné dans son église au mois d’août 2004. Ils reprochaient aussi aux responsables politiques de l’Etat d’avoir totalement passé sous silence l’attaque des religieuses et religieux Missionnaires de la Charité dans le district de Kozhikode ainsi que l’incendie partiel d’une église de Thiruvanhanthapuram. Ces trois événements avaient bouleversé et étonné la communauté chrétienne du Kerala, la plus nombreuse de l’Inde (3), qui jusque là n’avait pas eu à souffrir des excès de l’extrémisme hindou.