Eglises d'Asie

Selon des responsables religieux, la corruption ne sera pas éradiquée dans le pays par le seul fait que les Indonésiens croient en des religions qui la condamnent

Publié le 18/03/2010




Le 7 février dernier, un séminaire a rassemblé différents responsables religieux et des juristes pour débattre des moyens d’éradiquer la corruption dans le pays. Un récent rapport de Transparency International a placé l’Indonésie au cinquième rang des pays les plus corrompus de la planète, soit « un gain » d’une place en l’espace d’un an, le pays se situant à la sixième place en 2003. A l’heure où les fonds de l’aide internationale arrivent à Djakarta, à Medan et à Banda Aceh pour venir au secours des rescapés du tsunami du 26 décembre 2004, et où les bienfaiteurs se posent des questions sur l’utilisation qui va être faite de leurs dons, les responsables religieux réunis à Djakarta pour ce séminaire ont confessé une certaine impuissance à contenir le phénomène de la corruption.

Selon le dignitaire musulman Solahuddin Wahid, frère de l’ancien président de la République Abdurrahman Wahid et vice-président de la Commission nationale des droits de l’homme, tout un chacun peut constater « que les lieux de culte sont nombreux et très fréquentés, que près de 200 000 musulmans se rendent en pèlerinage chaque année à La Mecque et que, pourtant, la corruption est quasi-généralisée ». En dépit du fait que les Indonésiens se perçoivent comme des personnes religieuses, a-t-il poursuivi, et que l’idéologie de l’Etat – le Pancasila – est fondée sur le principe de la croyance en un Dieu unique, le pays se situe parmi les plus corrompus de la planète.

Solahuddin Wahid a poursuivi en rappelant que certains scandales retentissants se sont déroulés au cour du ministère des Affaires religieuses, les coupables n’étant absolument pas inhibés par le fait que les religions condamnent la corruption et « que Dieu les punira certainement sévèrement ». Face à cet état de fait, la seule condamnation au nom de la religion de la corruption ne suffit pas, a argumenté le responsable religieux. La loi doit être appliquée dans toute sa rigueur et des peines sévères doivent être prononcées, a-t-il insisté. « En ce qui concerne la lutte contre la corruption, les punitions ‘de ce monde’ s’avèrent plus efficaces que celles qui relèvent d’une approche religieuse a-t-il affirmé.

Intervenant dans le cadre de ce séminaire, le pasteur protestant Weinata Sairin, de la Communion des Eglises (chrétiennes) en Indonésie (PGI), est allé dans le même sens, en soulignant qu’il existait une dichotomie entre la vie spirituelle des individus et leur comportement dans la vie sociale et professionnelle. « La religiosité est encore une question de cérémonie et de symbole. Les églises sont remplies de fidèles mais la corruption est là a-t-il dit (1).

Pour le responsable protestant comme pour le responsable musulman, une des réponses à ce problème passe par l’éducation. Les éducateurs doivent enseigner des « valeurs universelles telles que l’ardeur au travail, l’honnêteté et la discipline. Ils doivent enseigner que « l’argent n’est pas un but en soi mais plutôt le fruit d’un dur labeur a dit Solahuddin Wahid. Il a ajouté que la religion ne se limitait pas à la prière et qu’un système tel que la charia était sans fondement, si la justice n’était pas en premier lieu respectée. « Pourquoi pourchasser ceux qui ne jeûnent pas ou ne prient pas, si les corrupteurs sont laissés en liberté ? s’est-il interrogé.

Pour les juristes qui ont participé au séminaire, un des moyens qui permettra de faire reculer la corruption passe par l’application en Indonésie des traités internationaux. Des juristes ont ainsi demandé que le gouvernement ratifie la Convention contre la corruption, signée en 2003 aux Nations Unies, et transpose dans la législation nationale les dispositions de ce texte. D’autres juristes ont insisté sur la nécessaire réforme de l’administration, afin de faire reculer la corruption, la collusion et le népotisme.