Eglises d'Asie

Selon l’évêque de Dili, la Commission pour la vérité et l’amitié que les gouvernements indonésien et est-timorais cherchent à mettre sur pied est inacceptable

Publié le 18/03/2010




Le 6 février dernier, Mgr Alberto Ricardo da Silva, évêque du diocèse catholique de Dili, a fermement pris position pour dénoncer la mise en place d’une “Commission pour la vérité et l’amitié mise sur pied par les gouvernements indonésien et est-timorais pour gérer la question des crimes de guerre, commis durant les quelques semaines autour du mois d’août 1999, où des milices locales aux ordres de l’armée indonésienne ont mis à sac le territoire et tué 1 500 personnes au Timor-Oriental. Selon l’évêque de Dili, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono et son homologue est-timorais Xanana Gusmao font peu de cas du désir de justice du peuple est-timorais.

La déclaration de Mgr da Silva est intervenue peu avant que les ministres des Affaires étrangères des deux pays se rencontrent à Bali, en Indonésie, pour mettre au point le fonctionnement de la future Commission pour la vérité et l’amitié. La rencontre a eu lieu le 8 février et, selon un diplomate indonésien cité par l’AFP (1), la commission pourrait être opérationnelle d’ici la fin du mois. Interrogé par l’agence portugaise d’information LUSA, Jose Ramos-Horta, ministre des Affaires étrangères du Timor-Oriental, a déclaré que cette commission devait contribuer “à fermer un chapitre de l’histoire”.

Peu après, les Nations Unies ont fait savoir qu’elles refusaient d’entériner l’accord entre les deux gouvernements, estimant qu’il fallait, avant de passer à autre chose, enquêter pour savoir pourquoi une résolution de 1999 du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui demandait que soient jugés les crimes de guerre commis au Timor-Oriental, n’a pas été suivie d’effets.

Selon Mgr da Silva, la création de la Commission équivaudrait à l’abandon des procès contre les responsables des atrocités commises autour du mois d’août 1999 au Timor-Oriental. “Indépendamment de ce que déclare Kofi Annan, indépendamment de ce que disent les dirigeants est-timorais, la position de l’Eglise est la même, elle est claire et ferme. Nous avons besoin que justice soit faite, la justice doit être rendue a-t-il précisé, ajoutant qu’il s’en tiendrait à cette déclaration et que l’Eglise au Timor-Oriental ne chercherait pas à faire pression autrement sur les Nations Unies à ce propos. “Notre porte reste toujours ouverte a-t-il seulement précisé.

Depuis l’accession à l’indépendance du Timor-Oriental, la question des crimes commis sous l’occupation indonésienne et lors du processus qui a abouti à la séparation d’avec l’Indonésie a toujours été sensible. En Indonésie, sur dix-huit personnes inculpées de violations des droits de l’homme pour des actes commis au Timor-Oriental en 1999, dix-sept ont été acquittées. Au Timor-Oriental, l’Unité spéciale pour les crimes, créée par l’UNTAET, l’administration transitoire mise en place par l’ONU, a placé en détention 74 prévenus, mais s’est montrée impuissante à obtenir l’extradition de 300 autres personnes, réfugiées en Indonésie. Etablie en 2002 par l’UNTAET, une “Commission pour la réconciliation et la vérité” avait été chargée d’enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme commises au Timor-Oriental entre 1975 et 1999 (2). Son vice-président, un prêtre de l’Eglise catholique, le P. Jovito Rego de Jesus Araujo, avait reproché au président Xanana Gusmao d’ouvrer pour la réconciliation plutôt que pour la justice. “Or la réconciliation ne sera pas possible si la justice n’est pas faite avait-il affirmé (3).