Eglises d'Asie – Inde
Un pèlerinage marial du sud de l’Inde présente la particularité d’associer rites chrétiens et rites hindous
Publié le 18/03/2010
Le point culminant de la vie du sanctuaire a lieu à la mi-janvier, lorsque les pèlerins se font plus nombreux pour les dix jours que dure la fête de la moisson, « Pongal Cette année les festivités ont débuté le 14 janvier.
Le pèlerinage au sanctuaire de Konakkupam présente un « mélange unique » de rites chrétiens et de rites hindous, explique le P. Savariraj Peter, 78 ans, curé de la paroisse Sainte Marie, à laquelle est attaché le sanctuaire. Le P. Peter précise en effet que les pèlerins chrétiens et hindous ont adopté “certaines traditions d’origine hindoue telle la préparation du pongal comme offrande. Cet ensemble n’est, ajoute-t-il, que la continuation d’“une remarquable tentative d’inculturation inaugurée par le P. Constantine Joseph Beschi, un missionnaire du XVIIIe siècle.
Le missionnaire, un jésuite italien, avait été envoyé en mission dans la région, aujourd’hui placée dans la juridiction de l’actuel archidiocèse de Pondichéry-Cuddalore. A Konakuppam, il avait bâti une église en 1714 et érigé une statue de la Vierge Marie de 3,50 m. de haut. Réalisée à Manille, aux Philippines, la statue avait été sculptée dans le style caractéristique du sud de l’Inde. C’est lui qui la baptisa du nom de « Periyanayagi Annai ».
Pour prêcher l’Evangile, le P. Beschi, localement connu sous le nom de “Veeramamunivar” (‘le grand moine courageux’), avait étudié le tamoul, le telugu et le sanscrit sous la direction de sages hindous. Sa contribution importante à la littérature locale, ses travaux en langue tamoule, sur la poésie, la prose, la grammaire, la lexicographie et les traductions, ont été très tôt remarqués et sont restés appréciés de nos jours, y compris ses poèmes dédiés à la Vierge Marie. Le missionnaire avait également adopté l’habit couleur safran, de façon à être reconnu comme moine.
Les pèlerins d’aujourd’hui continuent la tradition, explique Kumar Murugan, un pèlerin hindou. Quant à Louis Selvaraj, un autre pèlerin, il rappelle que d’autres emprunts faits au rituel local hindou ont été pleinement intégrés à la piété chrétienne. Prendre un bain avant d’entrer dans le sanctuaire et revêtir la robe safran, par exemple. Des vases en terre cuite sont également peints en jaune et marqués de croix tracées à l’aide de “kunkun une poudre rouge utilisée dans certains rites hindous. Une guirlande de jasmin les entoure. Les pèlerins cuisent le riz dans ces vases et, en famille, ils les déposent à l’extérieur de l’église, accompagnés de bâtonnets d’encens. Ils vont ensuite prier au sanctuaire. Après quoi, ils se partagent le “pongal” sur des assiettes faites de feuilles d’arbres entrelacées.
« Au travers de ce rituel, nous nous sentons plus proches » de Periyanayagi Annai, explique Muthusamy Velu, un hindou de 47 ans. Sa mère et son fils se sont rasé la tête en signe d’action de grâce pour les dons reçus. Une jeune femme qui pense au mariage offre des bracelets tandis qu’un couple sans enfants présente un berceau miniature. Toutes ces offrandes qui expriment les attentes des pèlerins sont exposées au musée qui jouxte le sanctuaire, souligne le catholique Arockiaswamy Nathan. Les gens offrent aussi des saris pour décorer la statue. Ils seront plus tard vendus aux pèlerins.
Le festival se termine par une procession de la statue de la Vierge autour du village. En signe de respect, les gens répandent aux pieds de la statue un mélange de sel et de poivre. Encore une tradition hindoue, souligne le P. Peter.