Eglises d'Asie

Un rapport émanant du ministère de la Santé fait état de la découverte de 114 fotus humains prélevés sur des mères présumées atteintes de la lèpre dans des sanatoriums entre 1924 et 1956

Publié le 18/03/2010




Rendu public à la veille de la 52e journée mondiale des lépreux, qui s’est tenue cette année le 30 janvier 2005, un rapport commandé par le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales japonais a révélé que des avortements forcés ont été pratiqués sur des mères atteintes de la lèpre dans des sanatoriums dirigés par l’Etat entre 1924 et 1956. La commission chargée de la rédaction du rapport, présidée par l’ancien gouverneur de Tokyo Teruko Kanehira, a découvert 114 fotus humains, dont certains étaient arrivés à terme voire déjà nés, conservés dans du formol dans six sanatoriums pour personnes atteintes de la lèpre qui étaient sous administration publique.

Sur les 114 fotus découverts, vingt-neuf sont considérés comme ayant atteint une période de grossesse de huit mois, et seize comme étant parvenus à terme. En outre, le rapport estime à 25 % le nombre de cas où l’avortement a été provoqué ou la mort donnée au nouveau-né aussitôt après l’accouchement. La commission presse le ministère d’ordonner l’autopsie des fotus, afin de déterminer s’ils étaient ceux de prématurés ou ceux de nouveaux-nés tués après leur naissance. En l’absence de traces évidentes d’expérimentation, nul ne sait à quoi les fotus avortés étaient exactement destinés. Selon Shimbun, “ce qui est sûr, c’est que les auteurs de ces actes n’avaient aucun respect pour la vie humaine. Pour le repos de l’âme des victimes, il est capital de leur offrir, même tardivement, tous les rituels religieux nécessaires”.

C’est la première fois qu’est connu de façon aussi détaillée l’avortement de femmes enceintes arrivées presque à terme internées dans des sanatoriums pour lépreux dirigés par les services de l’administration centrale. On savait déjà que plus de 3 000 avortements avaient été pratiqués dans de tels établissements par le passé. En mai 2001, une cour de Kumamoto avait reconnu l’Etat coupable de discrimination à l’encontre de 127 plaignants ayant fait des séjours dans des sanatoriums pour lépreux et condamné celui-ci au versement de la somme de 14 millions de yens (103 000 euros) à chacune des victimes (1). Lors des auditions, on avait appris également que plus de 4 000 stérilisations et/ou avortements avaient été pratiqués parmi les dizaines de milliers de personnes internées de force dans les sanatoriums pour lépreux. Le rapport, qui a été commandé à la suite de l’action intentée mentionnée ci-dessus, déclare également avoir découvert les restes de plus de 2 000 patients ayant subi une autopsie.

Au Japon, où l’idée que la lèpre était une maladie contagieuse et héréditaire a longtemps été enracinée, la loi de prévention de la lèpre de 1907 a été abrogée en 1996 ; trois lois d’inspiration eugénique (1907, 1931, 1953), abrogées en 1996, autorisaient l’interruption volontaire de grossesse jusqu’au huitième mois de grossesse, et, à ce jour, la loi ne reconnaît pas le statut de personne humaine au fotus. L’an passé, toutefois, une femme a réclamé des dommages et intérêts au ministère de la Santé après que son fotus fût mort-né, suite, estimait-elle, à une prescription médicamenteuse inadaptée.

Le Japon, où, chaque année, un peu moins de dix nouveaux cas de lèpre se déclarent, compte deux établissements privés, spécialisés dans le traitement des personnes atteintes de cette maladie, parmi les treize établissements publics, qui accueillent au total 3 800 patients environ (chiffres de 2003 du ministère de la Santé), dont la moyenne d’âge est de 76 ans environ.