Eglises d'Asie

L’Eglise catholique vient en aide aux enfants des Philippins partis travailler à l’étranger et habituellement confiés à des parents plus ou moins proches

Publié le 18/03/2010




Un archidiocèse des Philippines, très concerné par la migration, veut aider les milliers d’enfants que les travailleurs philippins partis travailler à l’étranger (Overseas Filipino Workers, OFWs) confient généralement à leur parenté. La situation est telle que beaucoup de ces enfants séparés loin de leurs parents rencontrent d’importants problèmes psychologiques (1).

Selon Teodora Inabayan, coordinatrice laïque au service de la Commission diocésaine pour la migration et la mission de l’archidiocèse de Lipa, “presque tous ces enfants vous diront qu’ils se sentent abandonnés malgré l’argent que leurs parents envoient ». Teodora Inabayan cite l’exemple d’une école catholique de Lipa où sont scolarisés 3 000 enfants d’OFWs. Pour elle, la tristesse de ces enfants est palpable surtout lors de moments tels que “la journée des familles “Les autres enfants viennent à l’école accompagnés par leurs parents. Ceux qui accompagnent les enfants des OFWs sont soit une tante soit une nourrice explique-t-elle. Lipa est située dans la province de Batangas.

La Commission épiscopale pour la pastorale des migrants et des gens du voyage (ECMI) et l’Administration philippine des placements à l’étranger placent la province de Batangas au quatrième rang des “provinces pourvoyeuses d’OFWs avec 111 571 OFWs originaires de cette province. La Commission archidiocésaine de Lipa a organisé des services d’assistance pour les travailleurs migrants et pour leurs familles, proposant des cours de formation et un programme spécial pour les fils et les filles des OFWs. Un bureau d’assistance juridique est également à leur disposition.

A l’issue du Dimanche national des migrants, le 13 février dernier, jour où, cette année, l’archidiocèse a donné toute la mesure de ce qu’il pouvait faire en faveur des migrants, Teodora Inabayan a fait le point de ses activités et de ses expériences au sein de la Commission. Elle se rend compte que, de l’absence des parents, résulte pour les enfants un manque de discipline évident : “Ils n’ont plus personne pour les guider, plus personne pour les former même s’ils vivent chez des proches, explique-t-elle. Elle cite le cas d’une jeune fille de 15 ans dont les parents travaillent en Arabie Saoudite depuis deux ans. Cette étudiante a rencontré un homme marié, chauffeur d’un triporteur, auprès duquel elle a pensé pouvoir trouver un peu de la chaleur paternelle qu’elle recherchait. Quand elle a appris qu’elle était enceinte, elle a tenté de se suicider. Des catholiques engagés ont pu convaincre une de ses tantes, consciente de la situation dramatique où elle se trouvait, de la prendre chez elle et de ne pas alerter les parents jusqu’à son accouchement.

Teodora Inabayan souligne aussi que la possibilité de communiquer à longue distance rassure, certes, mais est aussi trompeuse. Les enfants vont dans les cybercafés pour communiquer avec leurs parents par Internet, voir sur l’écran les photos qu’ils envoient et s’apercevoir qu’à l’étranger “ils passent du bon temps”. Les images ne montrent pas “ce que ressentent intérieurement les parents, ni les difficultés qui sont les leurs ». Ainsi, les gens de la famille eux-mêmes oublient « le peu de valeur de cet argent durement gagné qui leur est envoyé, comme ils oublient les souffrances des leurs partis au loin ». Elle cite le cas de jeunes qui sont autorisés par leurs tuteurs à faire ce qu’ils veulent une fois qu’ils leur ont remis l’argent envoyé par leurs parents. Nombre de parents partis travailler à l’étranger ne comprennent pas que ce n’est pas seulement l’argent qu’ils envoient qui est important, mais que les jeunes “ont besoin de leur présence”. Teodora Inabayan estime que les aumôniers responsables des migrants et de leurs familles devraient veiller à ce que l’ensemble des membres de la famille comprenne à leur juste valeur les sacrifices et les souffrances induits par la migration, tout comme les côtés positifs qu’elle apporte.

A l’issue de la messe qui clôturait la Journée des migrants, Mgr Ramon Arguelles, archevêque de Lipa, a déclaré que, pendant les neuf ans qu’il avait présidé la ECMI, il avait compris combien la migration “portait atteinte” à l’unité de la famille, à l’entraide et à la charité et combien « la formation des jeunes était gravement négligée”. Il a averti que, si le gouvernement, l’Eglise et les autres secteurs de la société ne faisaient rien pour réduire les effets nocifs d’une migration économique forcée, les dommages infligés à la société seraient irréversibles. L’archevêque a demandé à l’Eglise de répondre “sans réserve et en vérité” aux besoins des travailleurs migrants et des familles laissées derrière eux. L’actuel président de la ECMI, Mgr Precioso Cantillas, évêque de Maasin, dans l’homélie prononcée au cours de la même messe, a exprimé quant à lui sa reconnaissance “pour l’immense contribution de nos travailleurs migrants, non seulement à l’économie nationale mais, plus important encore, à la promotion de la mission de l’Eglise” (3