Eglises d'Asie

Une directive gouvernementale tente d’unifier les protestantismes vietnamiens et se dit prête à reconnaître, sous conditions, certaines Eglises domestiques

Publié le 18/03/2010




Classé le 15 septembre dernier par le département d’Etat américain sur la liste des pays où la situation religieuse est “particulièrement préoccupante” (1), menacé par les Etats-Unis de sanctions économiques pour le 15 mars prochain, comme cela est prévu par l'”International Religious Freedom Act” adoptée en 1998, si la situation des droits de l’homme ne s’améliore pas, le Vietnam multiplie actuellement, semble-t-il, les gestes tendant à prouver sa bonne volonté en cette matière. Après la libération, au début du mois de février, du prêtre qui, pendant plusieurs années, s’était fait le champion de la liberté religieuse (2), le P. Nguyên Van Ly, et de quelques autres prisonniers de conscience religieux et politiques, d’autres mesures ont été récemment prises concernant surtout les chrétiens protestants appartenant à diverses ethnies minoritaires du pays, des chrétiens qui, jusqu’à présent, sont regroupés dans des communautés appelées “Eglises domestiques Ces mesures sont contenues dans une directive publiée, le 4 février dernier, par le Premier ministre, Phan Van Khai, qui est l’instance du plus haut niveau en matière religieuse. Selon le communiqué de l’agence de presse officielle (3), paru le jour de la publication, l’instruction du Premier ministre est destinée à créer des conditions plus favorables aux croyants protestants. Il est précisé par ailleurs que les nouvelles directives concernent surtout les communautés protestantes des hauts plateaux du Centre, du sud de la chaîne annamitique et de certaines provinces du Centre-Vietnam.

Le texte intégral de la directive, qui porte le titre de “Directive du chef du gouvernement n°01/2005/CT-ttG, du 4 février 2005, concernant un certain nombre de tâches relatives au protestantisme a été diffusé le 21 février par le “Comité pour la liberté religieuse au Vietnam” (CRFV), une organisation vietnamienne de défense des droits de l’homme dont le siège est à Washington, aux Etats-Unis (4). L’introduction et les deux premiers articles de ce nouveau document se contentent de reprendre des thèmes déjà bien connus de la politique religieuse du gouvernement vietnamien. Il y est affirmé la liberté de croyance et la nécessité pour les croyants de faire entrer leurs activités religieuses dans le cadre de la législation. Il y est mis en garde contre les tentatives de forces hostiles d’utiliser la religion pour s’opposer à l’Etat et susciter des divisions au sein de la population. Dans les articles suivants, cette mise en garde prendra une forme encore plus concrète, puisque ces forces seront nommément désignées comme l’ancien FULRO (Front uni de libération des races opprimées) et l’actuel mouvement indépendantiste DEGA, officiellement accusés par les autorités d’être à l’origine des troubles qui ont secoué les provinces des hauts plateaux en février 2001 (5) et en avril dernier (6).

C’est à l’article n° 3 que la directive aborde de plain pied le sujet. Elle rappelle l’existence des deux instances protestantes officiellement reconnues par les autorités vietnamienne, à savoir l’Eglise évangélique du Nord-Vietnam, officiellement créée à Hanoi dès 1958, et l’Eglise évangélique du Sud-Vietnam, qui, après s’être donnée une charte et un Comité directeur, a été officiellement reconnue en 2001. En premier lieu, il est proposé aux communautés protestantes des hauts plateaux du Centre, du sud de la chaîne annamitique et de certaines provinces du Centre-Vietnam d’évoluer de telle sorte qu’elles puissent être intégrées comme des branches (chi hôi) de ces Eglises officielles. On peut aussi noter que le nouveau texte va cependant beaucoup plus loin puisque, d’une certaine façon, il légalise les communautés appelées “Eglises domestiques jusqu’ici objet de suspicion et très souvent même de persécutions. En effets, souligne le nouveau document, si les conditions pour l’intégration à l’intérieur de l’Eglise évangélique ne sont pas remplies et que les intentions des croyants sont pures, c’est-à-dire sans objectifs politiques, les autorités locales pourront permettre que les activités religieuses se déroulent dans une maison familiale ou à une adresse préalablement enregistrée par les autorités. Les protestants des minorités ethniques du Nord n’obtiendront cette permission que sous certaines conditions. Ils devront avoir adhéré au protestantisme depuis quelques années et manifester un besoin religieux authentique. Dans le cas où ils voudraient revenir à leurs croyances ancestrales, il faudrait favoriser ce retour, une attitude qui constitue certainement un progrès par rapport aux renonciations publiques au christianisme, exigées par les autorités des chrétiens montagnards en de nombreux endroits.

Enfin, il est également prévu que des “sectes” protestantes non encore reconnues puissent acquérir progressivement le statut de personnes morales. Elles devront d’abord faire enregistrer auprès des autorités locales leur programme d’activités religieuses.

Dans un long commentaire publié par l’organe de presse du Parti, le Nhân Dân (7), le responsable adjoint du Bureau des Affaires religieuses, Nguyên Thanh Xuân, explique que c’est la complexité du protestantisme, la diversité et la variété de ses diverses branches, sa fragilité aux influences politiques, qui ont dicté aux autorités le contenu de l’actuelle directive. Son principal objectif est l’intégration des diverses communautés à l’intérieur d’une même structure. On peut penser également qu’elles seront ainsi l’objet d’un contrôle plus facile de la part des autorités, ce que ne dit pas le commentaire du Nhân Dân.