Eglises d'Asie

Bihar : aux législatives de février, les électeurs n’ont accordé la majorité à aucun parti, donnant ainsi une leçon aux responsables politiques

Publié le 18/03/2010




Contrairement aux élections législatives de février 2005 dans l’Etat de Harayana, frontalier de Delhi, qui ont apporté une nette victoire au Parti du Congrès (67 sièges sur 90), celles qui se sont déroulées à la même époque, dans les Etats du Bihar et du Jharkhand, n’ont pu dégager une majorité. Dans le Jharkhand, l’alliance conduite par le parti hindouiste, Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), a échoué dans sa conquête d’une majorité absolue, ne remportant que 38 des 81 sièges de l’Assemblée. En fin de compte, le gouverneur a appelé Shibu Soren, de l’Alliance progressiste unie (UPA), concurrente de l’alliance conduite par le BJP, à former le gouvernement (1). Le cas du Bihar (83 millions d’habitants) a été tout à fait différent. Les élections du 27 février n’ont donné de majorité à aucune formation politique. Le parti régional, le Rashtriya Janata Dal (Front national populaire, RJD), qui a gouverné l’Etat pendant quinze ans, n’a obtenu, cette fois, que 75 des 243 sièges ; il ne constitue plus aujourd’hui que le parti le plus représenté parmi les diverses formations politiques présentes à l’Assemblée.

Les chrétiens n’ont pas manqué d’interpréter ces résultats comme une réaction de rejet des responsables politiques par les électeurs. Mgr Victor Henry Thakur, évêque de Bettiah, l’un des cinq diocèses catholiques de l’Etat de Bihar, parle, lui, d’une manifestation de méfiance de la population à l’égard des hommes politiques. Il a même affirmé, au lendemain des élections, que les électeurs, en refusant d’accorder leurs voix à une majorité, ont voulu donner une leçon à la classe politique. L’évêque cependant craint qu’à la faveur de cette confusion politique, ne se développent des alliances guidées par l’opportunisme et l’absence de principes. Alors que la population a voté pour un changement de mours politiques, l’opportunisme politique pourrait porter tort au développement et créer davantage d’insécurité dans l’Etat.

Jusqu’à présent, les chrétiens et les musulmans, les deux minorités religieuses du Bihar, soutenaient le RJD, un parti qui a garanti la sécurité de la région et l’a tenue à l’abri des violences interreligieuses et de la discrimination s’exerçant dans d’autres régions. Mais, cette fois-ci, il se serait montré incapable d’assurer la sécurité en nombre de domaines. Ces derniers mois, une vague d’enlèvements a touché de nombreuses couches de la population, sans considération de religion. On peut trouver une autre cause au récent échec du parti autrefois au pouvoir, dans son incapacité à développer les infrastructures régionales. La rareté de l’équipement électrique, le délabrement des routes, le désordre régnant dans le système éducatif ont éloigné du RJD les minorités religieuses, particulièrement les musulmans qui constituent 16,5 % de la population, à côté de la majorité hindoue (83,2 %) et de la poignée de chrétiens (0,3 %). Ces derniers, généralement d’un niveau d’instruction plus élevé, se soucient surtout du respect de la loi et de l’ordre ainsi que du développement de l’Etat.

Selon d’autres observateurs, comme le P. Jose Kariakatt, directeur de l’éducation rurale et du développement, l’impasse politique des dernières élections pourrait avoir quelques effets positifs. Aucun parti n’est en ce moment, capable de dicter ses volontés à la population. Dans leurs efforts pour donner naissance à une nouvelle alliance politique, les dirigeants devront se souvenir que les électeurs ont manifesté, par leur vote, leur rejet du type d’administration pratiqué par le parti autrefois au pouvoir. Pour sa part, le P. Kariakatt suggère de placer pour le moment le gouvernement de l’Etat de Bihar sous la responsabilité du président de l’Inde et de tenir de nouvelles élections dans un an.