Eglises d'Asie – Corée du sud
LA PRESENCE MISSIONNAIRE DE CHRETIENS SUD-COREENS A TRAVERS LE MONDE
Publié le 18/03/2010
La Corée du Sud est rapidement devenue la deuxième source de missionnaires chrétiens de la planète, moins de vingt ans seulement après avoir envoyé ses premiers missionnaires à l’étranger. Avec plus de 12 000 missionnaires à l’étranger, elle vient juste après les Etats-Unis et se place devant l’Angleterre.
Les Coréens ont rejoint leurs collègues occidentaux dans plus de 160 pays, du Moyen-Orient à l’Afrique et de l’Asie centrale à l’Asie de l’Est, y compris les coins du monde les plus difficiles à évangéliser. Leur action ne se confond pas – loin de là – avec la politique étrangère du gouvernement sud-coréen, lequel tente de les réfréner, voire de les mettre sous tutelle, ici et là.
C’est la première fois qu’un aussi grand nombre de missionnaires chrétiens a été déployé par une nation non occidentale, une nation dont les racines plongent dans le confucianisme et le bouddhisme et dont la population est à plus des deux tiers non chrétienne. Ces missionnaires ne prêchent pas dans leur langue, mais dans la langue du pays où ils sont envoyés ou bien encore en anglais.
« Un dicton est apparu ces temps-ci qui dit que lorsque les Coréens arrivent quelque part, ils édifient une église, les Chinois, eux, ouvrent un restaurant et les Japonais construisent une usine explique un missionnaire sud-coréen d’une quarantaine d’années, qui a travaillé à Amman durant plusieurs années, et qui, comme beaucoup d’autres, demande à ne pas être identifié par son nom de peur des dangers que courent les évangélisateurs chrétiens dans les pays musulmans.
En Irak, huit missionnaires sud-coréens ont été kidnappés en avril, avant d’être relâchés peu après. En juin, Kim Sun-Il, un Sud-Coréen âgé de trente-trois ans, était en Irak pour y faire ouvre missionnaire ; il a été pris en otage et a été exécuté, la gorge tranchée et la tête décapitée. En juillet, près de 460 Nord-Coréens fuyant leur pays sont arrivés en Corée du Sud grâce à une filière d’évasion mise en place par des missionnaires actifs en Chine.
En 1979, l’Institut coréen de Recherche pour les Missions dénombrait seulement 93 Sud-Coréens servant à l’étranger en tant que missionnaires. Aujourd’hui, ils sont 12 000, un chiffre à comparer aux 46 000 missionnaires américains et 6 000 missionnaires britanniques, selon des données fournies par des organisations missionnaires sud-coréennes et occidentales.
Le christianisme n’a pas réussi à s’implanter fermement au Japon ou en Chine, où les missionnaires étaient au XIXe siècle considérés comme des agents de l’impérialisme occidental. En revanche, il s’est rapidement étendu dans la péninsule coréenne, où les missionnaires américains ont aidé les nationalistes coréens à résister aux envahisseurs japonais, tout en dénonçant au monde extérieur la brutalité de la colonisation japonaise.
Ce n’est toutefois qu’au cours de ces deux dernières décennies, à la faveur de la croissance de l’économie sud-coréenne et de la liberté octroyée par le nouveau gouvernement démocratique aux Sud-Coréens de voyager librement à l’étranger, que le christianisme sud-coréen a pris son élan missionnaire. L’Eglise presbytérienne Onnuri, fondée il y a dix-neuf ans dans le but de former des missionnaires, fournit une excellente illustration de ce phénomène. Selon Kim Joong-Won, le directeur de son programme missionnaire, l’Eglise presbytérienne Onnuri compte aujourd’hui cinq cents missionnaires, répartis dans cinquante-trois pays.
Jusqu’en juin dernier, Onnuri avait une église à Bagdad, que Kim Sun-Il, le jeune chrétien décapité, a fréquenté avant son enlèvement. « Il est mort en martyr, pour la gloire de Dieu, affirme Kim Joong-Won. Les missionnaires coréens sont remplis de zèle pour l’ouvre de Dieu et sa glorification. Ils sont prêts à mourir pour Dieu. »
Comme les visas religieux sont difficiles à obtenir au Moyen-Orient, beaucoup y vont avec des visas étudiant ou pour y faire des affaires et ils évangélisent discrètement. Un Coréen qui y a travaillé pendant plusieurs années – celui qui parle d’évangéliser « avec une voix douce et de la modération » – explique qu’au cours de repas discrets avec trois ou quatre musulmans, il laisse la conversation glisser vers Jésus. Son approche de la mission se veut si discrète qu’il ne mentionne jamais des mots comme « missionnaire » ou « évangéliser Les musulmans qui se sont convertis au christianisme ne sont jamais identifiés comme tels – une précaution élémentaire dans une société où il n’est pas rare que des familles recourent au fameux « crime d’honneur » pour punir celui ou celle des leurs qui aurait renoncé à la foi musulmane.
« Il y a tellement de façons de faire notre travail explique le missionnaire âgé d’une quarantaine d’année, précisant qu’il travaille dans une église d’Amman où il prononce des sermons en anglais qui sont traduits en arabe. « Exactement comme les missionnaires américains l’ont fait en Corée en construisant des écoles et des hôpitaux, il y a ici beaucoup de façons de faire dit-il.
« Un groupe important est constitué par les réfugiés irakiens, continue-t-il. Ils arrivent ici, exténués physiquement et spirituellement. Ils sont isolés. Nous les aidons. Ils comprennent qu’ils sont aidés par des chrétiens. Ils en viennent alors à parler de Jésus, à poser des questions. » Près de trente familles missionnaires se sont établies ici, à Amman. D’autres attendent de retourner en Irak, qu’elles ont quitté en juin dernier, sous la forte pression du gouvernement sud-coréen.
John Jung a travaillé avec Estawri Haritounian, un pasteur irakien âgé de 40 ans, pour ouvrir un séminaire à l’Eglise nationale protestante évangélique de Bagdad. « Le régime de Saddam Hussein autorisait les chrétiens à se réunir chez les gens, dans des maisons privées. C’était donc difficile, mais encore possible, pour nous, d’évangéliser, explique Jung. Mais, maintenant, c’est devenu encore plus difficile pour les chrétiens en Irak. Pour la première fois, les chrétiens ont peur des musulmans ». « Dès que le niveau de sécurité le permettra, nous retournerons à Bagdad affirme encore John Jung.
A Amman, on dit volontiers que les Sud-Coréens ont un avantage sur les autres, en ce que la guerre en Irak a favorisé le développement de violents sentiments anti-américains au Moyen-Orient. « Les gens s’attendent à ce que les missionnaires viennent d’Amérique ou d’Europe, explique Estrawri Haritounian. Les Coréens peuvent donc faire leur travail dans une relative tranquillité. »