Eglises d'Asie

Archevêque de Séoul de 1968 à 1998, le cardinal Kim publie ses mémoires

Publié le 18/03/2010




Agé de 82 ans, le cardinal Stephen Kim Sou-hwan, archevêque de Séoul de 1968 à 1998, vient de publier ses mémoires. Intitulées : L’histoire du cardinal Kim Sou-hwan, elles reprennent des entretiens parus entre mai 2003 et septembre 2004 que le cardinal avait accordés à un journaliste du Pyonghwa Shinmun, l’hebdomadaire de l’archidiocèse de Séoul. Bien que livrant des éléments biographiques de la jeunesse du cardinal, l’ouvrage, de 350 pages, se concentre sur les décennies 1960, 1970 et 1980.

Né en 1922 à Daegu (Taegu), à 240 km au sud-est de Séoul, le cardinal Kim a vu le jour dans une famille de huit enfants – cinq garçons et trois filles – dont il était le cadet. Selon le récit livré par le cardinal, sa famille était catholique depuis deux générations et son grand-père fut martyrisé en 1868. A l’instar de nombreuses autres familles catholiques, les siens furent obligés de déménager à plusieurs reprises pour échapper aux persécutions. Outre son père, vendeur de céramique, c’est sa mère qui a le plus marqué le jeune Kim Sou-hwan. Une mère qui a appris à ses enfants à ne pas avoir honte d’être pauvre, ni même à se percevoir comme pauvre. Et c’est sa mère qui a « intimé l’ordre » au jeune Kim et à l’un de ses frères aînés, alors élèves en classes primaires, de devenir prêtres.

Le cardinal raconte qu’il a obéi à sa mère et qu’il a vécu les dix-huit années passées au séminaire dans une certaine souffrance. Il dit ne pas avoir été certain – « à plus d’une reprise » – de sa vocation et avoir essayé différentes « tactiques » pour ne pas avoir à poursuivre ses études au séminaire – en vain. « Même une fois devenu prêtre, j’ai envié la vie heureuse des gens mariés, lorsque toute la famille est réunie autour d’une table, confie-t-il. Mais Dieu m’a toujours permis de rester sur la bonne route et je ne peux que rendre grâce avec un sentiment de profonde gratitude pour tant de bonté. »

L’essentiel du livre est toutefois consacré aux années de son épiscopat. Nommé en 1968, à l’âge de 45 ans, à la tête de l’archidiocèse de Séoul, il a été élevé au cardinalat l’année suivante, premier cardinal coréen de l’histoire et, à l’époque, plus jeune cardinal de la planète. Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, le jeune cardinal a dû assumer ses responsabilités au sein de l’Eglise de Corée dans un contexte marqué par les régimes militaires des années 1970 et 1980 et la progression du mouvement en faveur de la démocratie, finalement vainqueur dans la décennie des années 1990. Bien que perçu comme un défenseur des droits de l’homme et un promoteur de la démocratie, le cardinal Kim refuse l’étiquette de « progressiste » ou de « gauchiste considérant que son action n’était pas dirigée dans un but politique.

Revenant sur les accusations formulées à son encontre au sein de cercles catholiques et non catholiques, dans les milieux gouvernementaux notamment, le cardinal se dit « profondément peiné » par elles. Au sujet de sa supposée proximité avec l’Association des prêtres catholiques pour la justice (APCJ), fondée après la mise en détention de Mgr Daniel Tji Hak-soon, en 1974 (1), le cardinal précise qu’il a veillé à maintenir une certaine distance avec l’association, connue pour son combat en faveur des droits de l’homme et de la démocratie.

A propos de ces années, le cardinal se dit « vraiment heureux » d’avoir étudié la sociologie chrétienne sous la direction du P. Joseph Hoffner, en Allemagne, à la fin des années 1950. Le cardinal Kim crédite celui qui deviendra évêque de Münster, puis archevêque de Cologne, avant d’être élevé au cardinalat la même année que lui, de lui avoir donné « le socle théorique nécessaire pour naviguer dans les eaux agitées des années 1970 et 1980 ». « Je n’ai fait qu’essayer de protéger la dignité des pauvres, des faibles et de ceux qui souffrent, en me rangeant à leurs côtés, ce qui est ma façon de croire en Jésus précise le cardinal Kim.

A propos de l’occupation japonaise et de la deuxième guerre mondiale, le cardinal raconte qu’il était alors séminariste et qu’il a été enrôlé de force dans l’armée impériale japonaise. Il évoque un épisode où lui et d’autres soldats coréens ont tenté de déserter pour rallier les troupes américaines, mais ont échoué dans leur tentative. Le cardinal reconnaît que, des années après, il a toujours pris soin de ne pas emprunter de lignes aériennes japonaises ou de consommer des biens made in Japan. Ce n’est que plus tard, en tant que chrétien, qu’il a finalement pu pardonner au « Japon ».

Par ailleurs, le cardinal confesse un regret, celui de n’avoir pas réussi à aider une personne handicapée, personnellement, concrètement, face à face. Il dit avoir sans cesse parlé d’amour mais ne l’avoir pas mis en pratique auprès d’un handicapé. « Mon désir de vivre auprès d’un pauvre ne s’est pas réalisé, non pas du fait de mes occupations de cardinal, mais par manque de courage dit-il, ajoutant que la seule chose qui lui reste est la prière. « Prier pour la réconciliation de la nation, prier pour la réunification et prier aussi pour que soit donné un nouveau cardinal à notre Eglise de Corée. » A ce jour, le cardinal Kim reste le seul Coréen à avoir siégé au Collège des cardinaux.