Eglises d'Asie

Au cours d’une rencontre avec le Premier ministre, le vénérable Thich Nhât Hanh a présenté des propositions concrètes destinées à améliorer les rapports de l’Etat et du bouddhisme

Publié le 18/03/2010




Le séjour au Vietnam du vénérable Thich Nhât Hanh et de la délégation de religieux et oblats bouddhistes occidentaux qui l’a accompagné dans ce pays devrait, selon un calendrier diffusé par le bulletin diffusé sur Internet du Village des pruniers (Lang Mai) (1), se terminer aux alentours du 12 avril prochain. Selon cette même source, les derniers jours du mois de mars ont été consacrés à des rencontres avec certaines personnalités de Hanoi, les ambassadeurs des Etats-Unis, des Pays-Bas et de France. Avant cela, le 25 mars, le créateur du “bouddhisme incarné” (2), avait eu, dans la matinée, un entretien avec le Premier ministre du Vietnam, Phan Van Khai. Un compte-rendu de la conversation a paru dans un article du Nhân Dân du même jour. Selon l’organe officiel du Parti communiste, les deux hommes auraient surtout parlé des liens étroits existant entre le bouddhisme et la tradition du peuple vietnamien.

Cependant, révèle le bulletin du Village des pruniers, le religieux s’est rendu chez le Premier ministre avec des propositions très précises. Six d’entre elles concernent le Parti communiste vietnamien et énumèrent les transformations à y apporter pour qu’il soit davantage ouvert. Le religieux souhaite le voir vivre en harmonie avec la tradition vietnamienne, et se tourner vers elle comme vers sa source. Les communistes, ajoute le religieux, devraient voir dans l’esprit bouddhique, au delà des croyances accessoires, l’élément fondamental de cette tradition. Le Parti communiste, conclut-il, devrait vivre en bonne harmonie avec toutes les traditions religieuses présentes aujourd’hui au Vietnam et devenues des éléments indissolubles de l’esprit national.

Au cours du même entretien, le vénérable Thich Nhât Hanh a présenté au chef du gouvernement vietnamien des demandes concernant la politique de l’Etat à l’égard du bouddhisme. Le religieux y prend nettement position contrairement aux déclarations prononcées à son arrivée au Vietnam en janvier (3). Il préconise une nette séparation de la religion et de l’Etat, ce qui n’empêcherait pas la collaboration. Cette séparation a toujours existé dans l’histoire vietnamienne, même à l’époque où les autorités du royaume protégeaient le bouddhisme. En conséquence, l’Etat devra se dispenser d’appeler des religieux à devenir membres de Comités populaires de tous les niveaux, du Front patriotique (4) ou encore d’un parti politique. Les religieux ne devraient pas, non plus, recevoir de récompenses honorifiques des autorités. Dans un deuxième point, Thich Nhât Hanh affirme que les différends à l’intérieur du bouddhisme ont été nombreux au cours des dernières années. Il conseille à l’Etat, aux pouvoirs exécutif et législatif, de prendre conseil auprès des religieux bouddhistes les plus sages et les plus expérimentés. Dans la liste de ces derniers proposée par lui, on peut trouver les deux plus hautes personnalités du bouddhisme unifié, le patriarche Thich Huyên Quang et son second, Thich Quang Dô. Parmi les sujets dont les autorités politiques pourraient discuter avec ces religieux, est citée la récente Ordonnance sur la croyance et la religion, dont certains points, est-il affirmé, sont positifs et d’autres négatifs et par conséquent doivent être révisés. Le religieux souhaite l’unification du bouddhisme vietnamien, aujourd’hui séparé en deux Eglises, l’Eglise bouddhiste, officielle, et l’Eglise bouddhiste unifiée. Il faut selon lui que les deux Eglises échappent à l’influence des forces politiques de l’intérieur comme de l’extérieur et puissent dialoguer ensemble.

D’autres propositions du religieux sont inspirées par le désir de voir le bouddhisme jouer un rôle plus positif à l’intérieur de la société vietnamienne, en intensifiant son action de bienfaisance, sa lutte contre les fléaux sociaux. En dernier lieu, le religieux propose de créer à l’intérieur du bouddhisme une réplique du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement, qui serait un Bureau des Affaires politiques de la religion, chargé de nouer des liens avec les autorités politiques.