Eglises d'Asie

La mort du pape Jean-Paul II a aiguisé la curiosité de beaucoup d’hindous à l’égard du christianisme

Publié le 18/03/2010




Le jour des obsèques de Jean-Paul II, le 8 avril dernier, le pasteur Kamal Shrestha a accueilli environ 80 chrétiens dans la petite baraque qui lui sert de chapelle, à Pokhara, ville touristique située à 200 km. à l’ouest de Katmandou. Pour ce pasteur, âgé de 39 ans, d’une dénomination pentecôtiste, comme pour ses pairs responsables de la cinquantaine d’églises protestantes ou pentecôtistes de Pokhara, les rapports entretenus avec l’Eglise catholique sont plus que ténus. Cependant, ce 8 avril, ils ont prié pour le pape. « Nous n’avons pas à faire allégeance au pape, explique le pasteur, et, cependant, nous avons décidé de prier pour la paix de son âme. »

Le pasteur poursuit en expliquant que les Eglises protestantes ou pentecôtistes locales n’ont pas de « relations ocuméniques » avec les dirigeants de l’Eglise catholique, que « nous considérons comme des idolâtres et non comme des chrétiens ». La mort de Jean-Paul II n’a rien changé à sa perception de l’Eglise catholique, mais elle est « devenue le plus puissant véhicule pour proclamer Jésus aux habitants du royaume hindou du Népal affirme encore Kamal Shrestha.

Le pasteur pentecôtiste admet n’avoir jamais perçu Jean-Paul II comme une personnalité charismatique, jusqu’à ce 2 avril, jour où l’annonce de sa mort a « submergé » le Népal et son roi, le monarque hindou Gyanendra Shah. « Le roi a dit avoir éprouvé un choc à l’annonce de la mort du pape, déplorant la perte de ‘la Voix de la liberté et de la paix dans ce monde de violence’ continue le pasteur. Radios et télévisions ont largement diffusé les paroles du roi et les hindous ont commencé à se renseigner sur le pape. Ce qui les a aidés à mieux connaître Jésus.

Les images de la télévision et des journaux montrant le pape mort, une croix dans les mains ont été également un grand stimulant. Un telle image, « de façon discrète mais efficace, a fait beaucoup pour la proclamation du Seigneur Jésus et de sa croix au peuple népalais explique le pasteur Shrestha, soulignant que les gens avaient déjà vu des croix, sur les églises et au cou de chrétiens, mais sans bien comprendre ce qu’elles représentaient. Tout ceci a « contribué à aiguiser la curiosité de certains à propos du pape, de la croix et de Jésus, se réjouit le pasteur, estimant qu’il sera désormais possible d’enseigner aux hindous « le mystère de la croix » d’une manière « plus efficace ».

D’autres chrétiens font écho aux propos du pasteur. Un professeur de 36 ans, Ranjeet Ghimire, de l’Eglise de la ‘Bonne Espérance’, une dénomination pentecôtiste, explique que Pokhara compte 15 000 chrétiens (dont 200 catholiques) et plus de 125 000 hindous. D’après lui, même si les différentes Eglises n’ont aucun contact entre elles, le christianisme est en expansion dans la ville. « La mort du pape nous a tous touchés. De façon étonnante, elle nous a reliés, les uns aux autres, comme avec un fil, dans la foi et l’abandon à Jésus. Malgré nos différences, nous avons le même sentiment d’avoir perdu quelque chose précise-t-il. Il poursuit en racontant comment une dizaine de ses collègues hindous ou étudiants qui le connaissaient comme chrétien lui ont présenté leurs condoléances à l’annonce de la mort du pape. Il affirme n’avoir jamais rien eu de commun avec le pape et qu’il a toujours entendu les responsables de sa propre Eglise critiquer l’Eglise catholique et le pape pour leur falsification des enseignements et des vertus du Seigneur Jésus. « Mais quand ils m’ont abreuvé de leurs condoléances, je n’ai pas pu les refuser, même à voix basse admet-il.

Ranjeet Ghimire, qui est devenu chrétien en 1993, reconnaît qu’en pensant à tout ce qu’a fait le pape Jean-Paul II pour diffuser l’Evangile, il en est venu à le considérer comme le plus grand évangélisateur du XXe siècle. Même si, ajoute-t-il, il estime que ce grand évangélisateur, parce que chef d’une Eglise, « se préoccupait davantage de l’institution que de la propagation de la Parole ». Si l’Eglise pentecôtiste avait une personnalité charismatique de la trempe de Jean-Paul II, le monde entier serait évangélisé en une décennie, assure-t-il.

Les catholiques, eux aussi, ont été surpris par les réactions des gens à la mort du pape (1). Damien Shrestha, membre de l’unique paroisse catholique de Pokhara, dit qu’il n’avait jamais imaginé que « notre pape provoquerait une telle curiosité et un tel d’intérêt parmi les hindous du Népal. Cela a certainement renforcé parmi eux la crédibilité de l’Eglise catholique et son acceptation dans notre royaume hindou Agé de 35 ans, né hindou, converti en 1985, il observe : « Maintenant, non seulement le roi mais même les Népalais hindous ordinaires savent que notre pape était pour la liberté de l’homme et pour la paix, et ne cherchait pas les débaucher de leur foi. » Enseignant dans un centre pour handicapés, il témoigne du fait que personne ne l’a « flatté ou courtisé pour qu’il devienne catholique ». Il se souvient au contraire des prêtres catholiques qui lui conseillaient de renoncer à l’idée du baptême. Ils lui expliquaient que leur mission était de suivre les enseignements du Christ au service des laissés-pour-compte, « et non d’essayer de faire du chiffre au tableau des conversions ». A l’époque, les conversions étaient illégales.

L’Eglise catholique inspire souvent de la méfiance, ajoute Damien Shrestha, parce les églises pentecôtistes se sont multipliées par centaines ces dernières années, se vantant de gagner des milliers d’hindous au Christ. Cela mine l’action sociale des catholiques parce que les non-chrétiens « ont tendance à nous mettre tous dans le même sac ».

Sour Toshiko Elisabeth Kataoka, une religieuse japonaise qui gère un jardin d’enfants pour les mères célibataires qui travaillent, témoigne du même phénomène. Beaucoup de femmes hindoues lui ont offert leurs condoléances pour la mort du pape. « C’est une grâce ! Jusque dans sa mort, le Saint Père est devenu l’occasion pour nous de gagner la reconnaissance de gens, pour ce que nous sommes et pour le travail que nous accomplissons ».

Au Népal, pays hindou à près de 90 %, la Constitution, adoptée en 1991, garantit la liberté religieuse. Selon l’édition 2005 de l’annuaire statistique de l’Eglise catholique du Népal, les catholiques sont au nombre de 7 500.