Eglises d'Asie

L’Eglise catholique des Philippines trouve dans l’enseignement de Jean-Paul II matière à défendre “la culture de la vie”

Publié le 18/03/2010




Le 8 avril dernier, le jour où les obsèques de Jean-Paul II étaient célébrées place Saint-Pierre, à Rome, l’Eglise catholique des Philippines réunissait 500 000 personnes sur une esplanade, à Luneta, dans la région de Manille. Le thème de la rencontre était : “Adieu à Jean-Paul II – Merci pour votre défense de la culture de la vie”. Tandis que le débat dans le pays allait en s’intensifiant au sujet de la nécessité ou non des mesures à prendre pour contrôler la croissance de la population philippine, l’Eglise a saisi l’occasion des funérailles de Jean-Paul II pour rappeler son engagement en faveur de la famille.

Devant la foule, Mgr Gaudencio Rosales a évoqué la figure de Jean-Paul II, orphelin de mère à neuf ans et qui, à l’âge de 22 ans, avait perdu son père et son frère. Devenu pape, Jean-Paul II n’a eu de cesse de “préserver l’unité et le caractère sacré de la famille, à l’image de Dieu le Père qui nourrit la vie a dit l’archevêque de Manille au cours de son homélie. “Il plaçait l’homme, et non le latex, au centre du développement a-t-il insisté, soulignant l’opposition entre la culture de la vie, telle que définie par l’enseignement du pape défunt, et la popularité actuelle du préservatif. Citant la première encyclique de Jean-Paul II, Redemptor Hominis, publiée en 1979, Mgr Rosales a poursuivi en expliquant que non seulement les écrits du pape mais la totalité de son pontificat parlaient de la rédemption et de la dignité de l’homme, du moment de la conception à celui de la mort.

A l’adresse des Philippins, peu enclins dans leur majorité à suivre l’enseignement de l’Eglise en matière de morale sexuelle et conjugale, Mgr Rosales a dit son inquiétude face aux choix “faciles” mais “immoraux” des parents qui donnent la pilule ou le préservatif à leurs grands enfants, ou les enfants qui, une fois adultes, ne reculent pas devant le fait de donner “une mort douce, par amour” à leurs parents diminués par l’âge ou la maladie. Aux parents, l’archevêque de Manille a dit : “Jean-Paul II vous met au défi de revenir à votre rôle véritable de parents”. Aux enfants, il a dit : “Revenez à votre rôle d’enfants, obéissants, respectueux, honnêtes et purs.”

Le message de Mgr Rosales est intervenu quelques jours après que des responsables de l’Eglise ont rappelé que les Philippines avaient besoin de gérer la croissance de la population du pays et que l’Eglise devait proposer aux fidèles les méthodes de régulation naturelle des naissances. Le 16 mars dernier, la Conférence pour le développement humain, structure réunissant des évêques et des responsables du monde économique, s’est réunie pour discuter du projet de Loi sur la gestion de la population et la santé reproductive. Selon un des évêques présents, Mgr Antonio Tobias, de Novaliches, l’Eglise “accepte le fait qu’il soit nécessaire de gérer la croissance de la population, mais insiste pour que cela se fasse dans le respect du Décalogue”.

Lors de cette conférence, le P. John Carroll, de l’Institut sur l’Eglise et les questions sociales, de l’université Ateneo de Manila, a présenté une étude, intitulée : “Programmes de population et pauvreté aux Philippines”. Selon cette étude, la croissance de la population est “un des obstacles” au développement économique, mais son impact “ne doit pas être exagéré”. Le jésuite sociologue a poursuivi en expliquant que, si la taille des familles avait un lien avec la pauvreté, c’étaient les causes directes de la pauvreté, à savoir la corruption et l’inégale répartition des richesses, qui posaient problème. Sur la question des moyens de contrôle de la croissance de la population, le P. Carroll a indiqué que, selon lui, l’Eglise aux Philippines avait exercé son influence “principalement à un niveau politique mais ne s’était pas montrée assez active dans la promotion auprès des Philippins des bénéfices qu’ils pouvaient retirer de la pratique des méthodes naturelles. Selon lui, ces méthodes “sont aujourd’hui utilisées par moins de un pour cent des Philippines”.

Selon le Bureau national des statistiques, la croissance démographique est de 2,36 % par an, un des taux les plus élevés d’Asie. L’Eglise catholique des Philippines dénonce le recours aux moyens contraceptifs, préconisés par le projet de loi sur la gestion de la population et la santé reproductive, et prône les méthodes naturelles, promues par des programmes de santé gérés par l’Eglise dans des diocèses tels que celui de Cebu ou d’Ipil.

L’opposition entre l’Eglise et le gouvernement, récurrente depuis de nombreuses années sur ces sujets, est revenue à la Une de l’actualité en février dernier (1). Le 21 février, le gouvernement a lancé Ligtas Buntis (‘grossesse sans risque’), un programme d’information sur les méthodes de contraception. Le 22 février, une commission parlementaire a approuvé le projet de loi évoqué ci-dessus. En réponse, la Conférence des évêques a publié une Lettre pastorale, intitulée : “Défendre son don précieux”. Depuis, les campagnes d’opinion et d’information se multiplient. Mgr Fernando Capalla, président de la Conférence épiscopale, a refusé un débat public avec un parlementaire favorable au projet de loi controversé. “Débattre des questions publiques, même si elles ont un contenu moral, ne relève pas de notre compétence, à nous évêques et leaders spirituels a répondu Mgr Capalla, ajoutant : “Votre loi reflète une compréhension de la réalité qui est purement matérielle. Or, en tant qu’êtres humains, nous tenons que l’esprit est premier sur la chair.”