Eglises d'Asie

Les milieux de la recherche théologique en Inde s’interrogent sur l’orientation que Benoît XVI donnera à son pontificat

Publié le 18/03/2010




Les milieux de la recherche théologique en Inde sont loin d’être restés indifférents à l’élection d’un théologien de renom sur le siège de Pierre. Leur intérêt a été d’autant plus grand que le nouveau pape Benoît XVI, à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, a été très attentif à la voie suivie par les chercheurs indiens, dans un domaine qui leur est cher, à savoir le dialogue et la rencontre des religions.

Cette attention avait été particulièrement grande en ce qui concerne la pensée du P. Jacques Dupuis, jésuite belge un temps installé en Inde, spécialiste du dialogue interreligieux (1). L’ouvrage, intitulé : Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, publié par lui en 1997, avait, en effet, donné lieu en octobre 1998, à une enquête de la congrégation présidée par le futur pape, enquête méticuleuse comprenant investigations et échanges avec l’intéressé. A l’issue de cette enquête, une notification était publiée relevant “de graves ambiguïtés et des difficultés sur des points doctrinaux importants mais évitant de parler “d’erreurs théologiques comme cela avait été dit dans un premier temps. Une autre affaire, celle du Sri-Lankais et religieux de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée, le P. Tissa Balasuriya, avait ému les théologiens indiens quelque temps auparavant (2). Plusieurs propositions d’un livre de ce religieux, intitulé : Marie et la libération humaine, avaient été jugées hérétiques par la Congrégation romaine. Leur auteur avait même été excommunié le 2 janvier 1997. Cependant, la sanction romaine avait été levée un an plus tard par l’archevêque de Colombo, après que le religieux eut prononcé une profession de foi rendue ensuite publique. Quelques autres tensions moins importantes concernant l’enseignement théologique et des traductions liturgiques s’étaient encore manifestées au cours des récentes décennies.

C’est sans doute en songeant à ce passé qu’un théologien de Goa, le P. Seby Mascarenhas, de la congrégation indienne des Missionnaires de Saint François Xavier, a déclaré que les théologiens n’avaient pas de raison de s’inquiéter de l’élection du nouveau pape. “Les chercheurs s’engageront sur de nouveaux chemins, a-t-il souligné, et l’Eglise regardera toujours leur travail d’un oil critique. Tel est le métier des théologiens. Cette tension existera toujours.” Il a ajouté cependant que le nouveau pape “était particulièrement clair dans l’énoncé de la doctrine”. D’autres escomptent un changement d’attitude intellectuelle du pape avec sa nouvelle charge. Mgr Alex Dias, de Port Blair, voit dans le nom de Benoît XVI choisi par le pape l’annonce de cette nouvelle orientation. Le choix de ce nom serait le signe d’une ouverture nouvelle à la recherche théologique. Benoît XV, successeur de Pie X qui avait condamné le modernisme, approuvait lui-même cette condamnation, mais précisait qu’elle ne devait pas empêcher les chercheurs de se lancer sur de nouvelles voies.

D’autres théologiens, comme le jésuite T.K. John, spécialiste de la culture indienne, ont également insisté sur le changement de perspective que devrait entraîner le passage de la fonction de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi au gouvernement de l’Eglise. Jusqu’à présent, le cardinal Ratzinger était engagé dans un travail de bureau. Il faut maintenant voir comment son esprit, connu pour sa droiture et sa vivacité, va se comporter devant des problèmes d’envergure mondiale. Le pape va devoir sortir du monde intellectuel intérieur qui lui était familier pour se lancer dans le vaste monde réel. Selon le religieux, les questions pratiques auxquelles il sera alors affronté seront surtout celles des relations avec les autres religions, de la position de l’Eglise à l’égard de la guerre, des nationalismes et de la mondialisation.