Eglises d'Asie

Malgré les interdits maoïstes et les plasticages, les écoles catholiques veulent rester opérationnelles et continuer à servir les jeunes

Publié le 18/03/2010




Au Népal, les directeurs d’écoles privées, en particulier les directeurs d’écoles catholiques, s’interrogent sur l’attitude à adopter face aux exigences de la guérilla maoïste. Pour le P. Georges Kalapurackal, responsable d’une école catholique à Bandipur, les pressions des maoïstes sont de plus en plus fortes et elles ne peuvent être ignorées. “L’Union révolutionnaire indépendante nationale des étudiants du Népal l’aile étudiante de la guérilla maoïste, organise des barrages, des grèves et des coups de main pour essayer d’arrêter le déroulement normal de la vie du Népal. Entre autres choses, elle demande que “dans l’ensemble du pays, toutes les écoles privées soient définitivement fermées” (1

Depuis l’état d’urgence décrété, le 1er février dernier, par le gouvernement, les étudiants maoïstes harcèlent les élèves, les enseignants et les parents d’élèves, par voie d’affiches, de lettres, d’appels téléphoniques et d’émissions clandestines de radio. Ils exigent la fermeture des écoles privées, affirmant que l’éducation doit être gratuite et accusent les écoles privées de ne gérer leurs institutions que pour des motifs mercantiles. Les maoïstes agrémentent leurs exigences de menaces et de différentes mesures de pressions.

Le P. Pius Perumana, pro-préfet apostolique pour le Népal et directeur du Centre de pastorale Jean Vianney à Katmandou, rapporte qu’une bombe a été déposée, le 21 avril dernier, dans l’école St. Mary, à Gorkha. L’explosion a largement endommagé l’école, qui a déjà été la cible d’un attentat il y a deux ans et est dirigée par les Sours de la Congrégation de Jésus. Sour Margaret Mary, la directrice, a expliqué que les maoïstes sont venus à l’école exiger les clés du bâtiment administratif. Ils ont pénétré dans la salle des ordinateurs et y ont placé deux bombes. La salle a été détruite, mais personne n’a été blessé. Gorkha est à 150 km. à l’ouest de Katmandou.

Selon le P. Jack Corcoran, missionnaire américain, les maoïstes ont fait sauter trois écoles privées le 17 avril à Nepalgunj, non loin de la frontière entre le Népal et l’Inde. “Toutes les écoles sont fermées maintenant a-t-il témoigné. Un certain nombre de parents, surtout ceux qui habitent le “terai la plaine, et qui en ont les moyens, font inscrire leurs enfants dans les écoles indiennes, de l’autre côté de la frontière.

Dans un tel contexte de violence redoublée, le gouvernement demande que les écoles restent ouvertes et a promis qu’“en cas de plasticage, l’Etat les indemniserait”. Les écoliers pâtissent toutefois de cette situation. Selon Sharad Sharma, un hindou, président de la Fédération nationale des ONG au service des enfants, au moins 1,5 million de jeunes, élèves de 8 500 écoles privées, sont ainsi privés plus ou moins totalement d’éducation. Les 175 000 personnes employées par ces écoles sont au chômage technique. Ce 18 avril, jour de la rentrée scolaire, pour la nouvelle année académique, il est estimé que 75 % des écoles privées ont été dans l’impossibilité d’ouvrir leurs portes. “Si les maoïstes appliquaient les normes internationales, ils relâcheraient immédiatement tous les élèves et les professeurs qu’ils ont kidnappés, affirme Sharad Sharma. Les écoles devraient être sanctuarisées, demeurer en dehors des combats, et, en tout état de cause, elles ne devraient jamais être utilisées comme bases où les maoïstes viennent kidnapper des élèves pour les recruter de force.”

Dans l’est du Népal, le P. Augusty Pulickal, salésien et curé de la paroisse de Daran, indique que, dans sa région, les écoles restent ouvertes, mais adoptent un profil bas. “Les réouvertures d’écoles sont dues à une résolution commune prise par les parents et les professeurs au nom de ‘ l’Organisation népalaise des écoles et internats privés’ » (PABSON), explique-t-il. Ailleurs, c’est le nombre important des écoles qui les préserve. Comme à Tansen où, grâce à la PABSON, vingt-sept écoles se sont regroupées. “Grands rassemblements, réunions de parents et conférences de presse. Chaque fois que nous entreprenons quelque chose, c’est toujours ensemble explique Sour Bernard Kurian. Par contre, certaines écoles restent isolées comme à Pokhara, où le P. Deonis Dang, à la tête d’une école de garçons, et Sour Mary Rufina, à la tête d’une école de filles, se préparent à rouvrir leurs établissements, mais ne savent pas combien de temps ils pourront les maintenir ouverts.

Le 22 avril, Mgr Anthony Sharma, préfet apostolique du Népal (2), a annoncé à la presse qu’en dépit du contexte, il s’apprêtait à inaugurer deux nouvelles écoles dans le sud du pays. Il a déclaré espérer que, si les maoïstes étaient présents, ils voient de leurs yeux à quoi servent les écoles privées : venir en aide aux jeunes des familles les plus démunies.