Eglises d'Asie

Papouasie occidentale : le responsable d’une Eglise protestante dénonce les détournements de l’aide humanitaire auxquels se livreraient les militaires

Publié le 18/03/2010




Dans une interview accordée à la télévision australienne SBS, le président de la Communion des Eglises baptistes de Papouasie occidentale, le Rév. S. Sofyan Yoman, a affirmé que les forces armées indonésiennes utilisaient des fonds prévus pour financer l’aide humanitaire dans la province à d’autres fins, notamment pour préparer des opérations militaires contre les militants indépendantistes papous. Diffusée le 16 mars dernier en Australie, l’interview a été reprise par une dépêche de France-Presse ainsi que par le Jakarta Post.

Outre les violations des droits de l’homme auxquels se livrent les forces armées en Papouasie occidentale, déjà documentées par ailleurs (1), le pasteur baptiste a expliqué que les sommes versées sur le fonds créé pour financer l’aide humanitaire dans la province depuis que la Papouasie occidentale jouit d’un statut d’« autonomie spéciale sont détournés par les militaires. « Selon les informations que j’ai obtenues sur le terrain, les sommes détournées se chiffrent à deux milliards et demi de roupies (205 000 euros) a déclaré le Rév. Sofyan Yoman. Jouissant depuis octobre 2001 d’un statut d’autonomie spéciale (2), la province a été dotée d’un fonds pour financer cette autonomie, en partie alimenté par les contributions de la communauté internationale. « Le secrétariat du gouvernement provincial déclare qu’environ dix-neuf milliards de roupies ont été dépensés pour financer des achats de médicaments et de vivres, mais, sur le terrain, les faits indiquent que les gens ont faim et meurent. Un grand nombre de personnes sont parties se réfugier dans la jungle. A qui tout cet argent a-t-il été distribué ? a interrogé le pasteur baptiste, invitant les pays donateurs, les Etats-Unis et l’Australie notamment, à demander des comptes.

Lors de l’émission diffusant l’interview du pasteur, d’autres témoignages, recueillis en Papouasie occidentale sous le sceau de l’anonymat, ont fait état d’activités parallèles montées par les militaires indonésiens. « Je peux vous dire qu’ici, à Manokwari, les TNI (les forces armées indonésiennes) renforcent leurs effectifs et entraînent des milices, connues sous le nom de Satgas Merah Putih, a ainsi affirmé une source (3). Ils ont ouvert deux bases à Manokwari, dans des endroits où les transmigrants et les musulmans sont nombreux. »

Dans une région très vaste et peu peuplée, où les populations autochtones, les Papous, chrétiens ou animistes, cohabitent difficilement avec les Indonésiens originaires d’autres régions du pays venus s’implanter dans la province, les tensions sont récurrentes. Depuis 1963, une guérilla indépendantiste mène des actions sporadiques contre les forces de l’ordre et les symboles de la nation indonésienne. Les leaders des communautés papoues réclament une meilleure répartition du produit de l’exploitation des richesses naturelles de leur province (bois, ressources minières), estimant que l’essentiel des profits échappe aux Papous. Ils dénoncent aussi les mauvais traitements, voire les violences commises en Papouasie occidentale par les forces armées.