Eglises d'Asie

Après plusieurs jours de fortes tensions, le gouvernement a fini par céder sur la question de l’enseignement religieux à l’école et a signé un accord en ce sens avec l’Eglise catholique

Publié le 18/03/2010




Le 7 mai dernier, après plusieurs jours où d’importantes manifestations ont bloqué une partie de la capitale Dili et où la tension politique était devenue très forte, le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Mari Alkatiri, lui-même musulman, et les deux évêques de l’Eglise catholique locale ont signé un accord. Paraphé en présence du président de la République, Alexandre ‘Xanana’ Gusmao, cet accord a mis fin à la dispute opposant l’Eglise et le gouvernement sur la place de l’enseignement religieux dans les écoles publiques. Au nom de la séparation des Eglises et de l’Etat, inscrite dans la Constitution, le ministre de l’Education avait mis en place, il y a quelques mois, une réforme visant à rendre optionnels les cours de religion, jusqu’ici obligatoires. L’Eglise catholique, dans ce pays où 96 % des habitants sont catholiques, avait vivement réagi, les évêques de Dili et Baucau allant jusqu’à réclamer la démission du Premier ministre (1).

Dans la déclaration commune signée par le chef du gouvernement et par les deux évêques, Msgr Alberto da Silva, de Dili, et Basilio do Nascimento, de Baucau, les deux parties « reconnaissent et acceptent l’importance des valeurs religieuses et leur contribution dans la construction de la nation ». L’Eglise et le gouvernement « reconnaissent l’importance du rôle des valeurs morales et religieuses dans la vie des personnes ». Ils admettent que ces valeurs font partie de la mission éducative et que l’éducation doit répondre aux besoins de chaque citoyen, quel qu’il soit. La déclaration affirme encore que le gouvernement et l’Eglise catholique reconnaissent qu’« une éducation religieuse doit être intégrée dans les programmes scolaires et donc qu’il est normal qu’elle figure dans les emplois du temps des écoles ».

De plus, les deux parties sont tombées d’accord pour former un groupe de travail permanent dès ce mois de mai. Le groupe comprendra des représentants du gouvernement, de l’Eglise catholique et des autres religions, avec pour mission de mettre en ouvre les dispositions de l’accord signé le 7 mai. Enfin, la déclaration conjointe « donne l’assurance qu’aucun manifestant, une fois de retour chez lui, ne sera menacé ou terrorisé ».

Cette dernière disposition témoigne de la tension qui a régné dans les rues de Dili au cours des dernières semaines, depuis le 19 avril, date de la première manifestation qui a rassemblé quelque 3 000 personnes devant les bâtiments officiels de la jeune République. Au fil des jours, le nombre des manifestants est monté, selon certaines estimations, jusqu’à 10 000 et des membres du Fretilin, l’ancien front révolutionnaire, devenu, après l’indépendance, le principal parti politique du pays, avaient menacé de mobiliser des contre-manifestants.

Pour en arriver là, les incidents n’avaient pas manqué. Le 25 avril, les évêques de Dili et de Baucau demandaient la démission du Premier ministre. Le 28, le président Gusmao, rendant visite aux manifestants, demandait à l’Eglise catholique « de rester lucide et de ne pas confondre programme scolaire d’éducation et problèmes religieux Enfin, le 1er mai, devant le refus des manifestants de se disperser, le même président Gusmao déclarait, lors d’une conférence de presse : « Je demande que l’Eglise ne transforme pas la résidence de Mgr Albert Ricardo da Silva en un ‘mini Etat' ». Peu après, les autorités donnaient aux manifestants jusqu’au 3 mai pour se disperser, un ultimatum dont la foule des manifestants ne tiendra pas compte.

Le premier signe indiquant que le gouvernement était prêt à faire marche arrière était intervenu le 2 mai, lorsque le ministre des Affaires étrangères, Jose Ramos-Horta, a déclaré publiquement que les cours de religion seraient à nouveau rendus obligatoires. A partir de là, la partie était considérée comme gagnée par l’Eglise. Après l’accord du 7 mai, le président Gusmao et les deux évêques sont allés au devant des manifestants, pour leur expliquer la teneur du texte signé. La foule s’est alors dispersée dans le calme, non sans avoir, le dimanche 8 mai, participé à une messe célébrée dans le parc Notre Dame de Fatima. « Cette célébration de l’Eucharistie est une messe d’action de grâces. Nous remercions Dieu pour le succès de cette manifestation pacifique a dit Mgr da Silva dans son sermon. Interrogés par l’agence Ucanews, nombre de manifestants ont exprimé leur soulagement de voir ce bras de fer, engagé entre l’Eglise et le gouvernement, trouver une issue pacifique. « Cette manifestation a été très différente de toutes celles que j’ai connues jusqu’à maintenant. Les policiers ont agi avec tact, en vrais professionnels a déclaré Januario Fernandes, venu de Lospalos, un district de l’extrême est du Timor-Oriental (2).