Eglises d'Asie

CHRISTIANISME ET ISLAM : CIVILISATIONS OU RELIGIONS ? APERCU DES DEBATS ACTUELS EN INDONESIE

Publié le 18/03/2010




Depuis sa parution en 1993 dans les pages de la revue Foreign Affairs et plus encore depuis sa publication sous forme de livre (1996), l’idée d’un Choc des Civilisations, telle que l’a formulée Samuel Huntington, a soulevé de nombreuses discussions. Après l’attaque de plusieurs cibles aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, et les guerres qui ont suivi en Afghanistan et en Irak, de nombreux observateurs ont souscrit à cette idée. Il y eut aussi beaucoup de critiques sur cette idée même, ou certains de ses développements. Un des aspects les plus difficiles de la question est la division du monde en huit (parfois sept ou neuf) zones. Quelques-unes sont désignées par leur religion, comme les zones musulmane, bouddhiste, hindoue ou orthodoxe, et les autres sont nommées sous leur seule appellation géographique comme l’Occident, l’Afrique, l’Amérique latine ou la Chine (et éventuellement le Japon). Cela pourrait suggérer qu’il existe une différence dans la fonction de la religion dans les différentes sociétés qui validerait l’absence de religion comme sujet d’études de certaines parties du monde, comme l’Occident, alors que, pour la civilisation musulmane, nous pourrions suivre le schéma classique énoncé par Sir Hamilton Gibb : “L’islam est, en fait, beaucoup plus qu’un système théologique, c’est une civilisation” (1). C’est vrai de l’islam, mais l’est-ce aussi du christianisme ? En fait, la fameuse affirmation de Gibb introduit son premier chapitre sur la théologie et a peu de choses à voir avec les autres aspects de la civilisation musulmane. De plus, depuis les conflits et les guerres de ces dernières années, de nombreux hommes politiques de la “civilisation” occidentale ont rejeté l’idée qu’une guerre était menée contre l’islam. Les choses sont même plus compliquées, si l’on observe les communautés chrétiennes non occidentales vivant au milieu des hindous ou des musulmans. Ces communautés ont, en effet, souvent accepté ce même schéma. Est-ce que ces chrétiens auraient dû se considérer comme des personnes exceptionnelles, comme des “étrangers dans le monde” (I Pierre 2,11), ou auraient-ils dû se sentir intégrés dans ces civilisations ?

L’objet premier de cet article est centré sur le problème des relations entre l’islam et le christianisme sur le plan de leurs définitions de la civilisation et de la religion, vues par les musulmans et les chrétiens indonésiens. C’est particulièrement instructif car, entre 1945 et la fin de l’Ordre Nouveau de Suharto, en 1998, l’Indonésie, qui est le plus grand pays du monde quant à sa population musulmane (87 %, soit 190 millions d’habitants sur un total de 220 millions d’habitants), s’est définie comme un pays pluri-religieux. C’est aussi très important car la minorité chrétienne, d’environ 9,5 % de la population, se déclare être, à de nombreux égards, pleinement indonésienne de race et de culture. Comment les tensions internationales croissantes entre les chrétiens et les musulmans affectent-elles leurs relations en Indonésie même ? L’augmentation des conflits entre musulmans et chrétiens indonésiens depuis le milieu des années 1990 est-elle liée à des phénomènes nationaux ou à des phénomènes internationaux ? Les schémas indonésiens peuvent-ils être utilisés avec profit ailleurs ? Nous concentrerons notre débat sur la série de confrontations violentes, mais localisées, entre les chrétiens et les musulmans d’Indonésie qui ont eu lieu entre 1999 et 2003 (chapitre 2, sur Amboine, Kalimantan et Poso), mais nous aborderons aussi le débat national qui s’est déroulé à Djakarta sur la place que devait tenir la religion dans les nouvelles lois (chapitre 3). Nous essayerons d’en tirer quelques conclusions générales dans le chapitre 4. Bien que nous attachant surtout aux plus récents événements, nous souhaitons présenter dans un premier chapitre une vue générale de l’histoire des deux grandes communautés religieuses du pays, à l’intention des étrangers peu familiers de l’histoire religieuse de l’Indonésie. Une autre raison en est le changement qui s’opère maintenant presque tous les dix ans de l’interprétation du passé et qui fait que l’analyse du premier chapitre reflète elle aussi l’arrière plan idéologique des principaux acteurs des conflits les plus récents.

Cinq siècles de rivalité entre islam et christianisme dans l’archipel malais : 1460-1960

Après la mort du Prophète Muhammad (570-632), la jeune religion musulmane connut un développement rapide et brillant mais aussi assez violent. Vers 750, les musulmans régnaient des Pyrénées, au nord de l’Espagne, jusqu’aux montagnes du Pakistan et du Maroc à la Perse. A cette époque, la première expansion de l’islam connut un temps d’arrêt qui dura presque cinq siècles. Une deuxième période d’expansion commença plutôt en douceur, après 1200. Elle fut beaucoup plus pacifique, parce qu’elle ne fut pas le fait de leaders politiques ou de campagnes militaires. Elle était l’ouvre de marchands et s’est effectuée sous la direction spirituelle des tarïqa, une confrérie religieuse qui s’était développée dans de nombreuses sociétés musulmanes. A côté des maîtres soufis, il y avait toute une catégorie de professeurs qui vivaient de l’enseignement de l’islam, qu’ils combinaient avec le rôle de traducteur ou de médiateur entre les nombreux pays commerçants (2). Avec la transformation de l’océan Indien en “Méditerranée musulmane avec les relais de l’Afrique de l’Est (Mombasa) par Aden, la Perse et la côte ouest de l’Inde, jusqu’à Malacca, l’islam se répandait lentement des régions côtières vers l’intérieur des terres. Le processus était lent. Pasai, sur la côte nord de Sumatra, était gouverné par un musulman en 1345 quand Ibn Battuta visita la ville. De là, l’islam atteint Malacca, fondée vers 1400 par une dynastie hindoue, dont le sixième descendant se convertit à l’islam et mourut sous le nom de Sultan Mansur Shah en 1477. C’est également vers cette époque que les dirigeants des riches et fameuses îles aux épices, Ternate et Sidore, se convertirent à l’islam. La région prit le nom des Moluques, d’après l’arabe jazïrat al-mulük ou “terre des nombreux rois”.

Les petites îles, avec leurs hautes montagnes et des communications difficiles, furent le premier objectif des conquérants portugais, qui s’emparèrent de Malacca en 1511 et montèrent les premières fortifications à Ternate en 1522. Ils arrivaient juste cinquante ans trop tard : par leur enseignement persuasif et peut-être aussi les attraits d’un commerce vraisemblablement profitable, les dirigeants des îles aux épices avaient embrassé la religion musulmane deux générations plus tôt. Les Portugais s’accommodèrent quelque temps de ce fait et s’abstinrent de toute activité religieuse missionnaire pour ne pas nuire à leur commerce. Mais, après quelques décennies et des heurts avec la population musulmane de Ternate, ils établirent leur capitale dans la nouvelle ville catholique d’Amboine, dans l’île du même nom. Ce fut le commencement d’une division politique et religieuse de cette partie orientale de l’archipel malais. Les musulmans s’étaient établis majoritairement dans les nombreuses îles du nord des Moluques, laissant aux Portugais et à leurs alliés locaux les territoires du sud. Du fait de la rivalité interne entre les deux grands sultanats musulmans de Ternate et de Tidore, les Portugais (comme les Espagnols et les Hollandais après 1605) purent alterner les alliances avec l’un ou avec l’autre de ces sultanats.

Comment ces peuples se sont-ils convertis à l’islam ou au christianisme ? La théorie la plus osée a été, à coup sûr, avancée par Anthony Reid dans son ouvrage capital sur l’impact des grandes religions sur l’Asie du Sud-Est. Le confucianisme s’est répandu au Vietnam, le christianisme aux Philippines et dans les territoires orientaux de l’Indonésie, l’islam en Malaisie et dans la plus grande partie de l’Indonésie.

Comme le christianisme, l’islam offrait un refuge contre la domination des esprits nombreux qui accompagnaient les différentes visions du cosmos. C’était un monde moral et prévisible, dans lequel Dieu pouvait protéger ses fidèles contre tout ce que les esprits pouvaient faire, et leur offrir éventuellement après la mort une vie au paradis. Les faibles pourraient être aussi récompensés, s’ils avaient une vie personnelle vertueuse. “Les puissants et les petits, les riches et les pauvres, tous paraîtront semblables.” C’est ainsi qu’un poème de dévotion en tagalog présente les choses. Cet univers moral dépendait d’un concept simple mais solide, celui d’une récompense ou d’une punition éternelles (3).

Cependant, en plus des préceptes moraux et religieux, des aspects sociaux et politiques expliquent une adhésion complète à la religion. La loyauté religieuse impliquait une loyauté économique et politique. Lorsque les Hollandais s’emparèrent des ports de commerce et installèrent leur monopole, ils demandèrent dans le même temps aux pratiques religieuses de s’adapter. Les prêtres catholiques furent expulsés du pays et les catholiques locaux devinrent protestants. Néanmoins, beaucoup de similitudes existaient entre les Portugais et les Hollandais, au moins dans cette région. Comme les Portugais, la Compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC) ne reconnut les dénominations chrétiennes que dans les territoires placés sous son contrôle direct. En dehors de ces territoires, le statu quo prévalait : les territoires chrétiens devaient rester tels qu’ils étaient, les territoires musulmans ne devaient pas non plus changer. La religion était intimement liée à la race et au statut juridique, et une conversion était presque “aussi difficile à réaliser que de changer un homme en femme” (4).

La VOC affirmait que l’appartenance religieuse des personnes avec lesquelles elle travaillait devait être reconnue de la même façon que le statut chrétien de la Compagnie et qu’aucun changement d’identité religieuse n’était souhaitable. Pour prendre un exemple parmi d’autres : dans le traité entre les Hollandais et le sultan de Tidore de 1657, il était clairement stipulé qu’aucune des deux parties n’essayerait de faire des conversions. Plus spécifiquement, la Compagnie s’engageait “à ne pas mettre dans l’embarras (les musulmans) du fait de leur religion, ni à les traiter avec dédain ou moquerie et, encore moins, à les forcer à se convertir au christianisme” (5). Cela était encore plus directement formulé dans le traité de 1669 avec le sultan de Sumbawa : “Tout Hollandais ou tout autre chrétien – qu’il soit domestique ou dirigeant de la Compagnie, ou qu’il soit entré au service des rois sus-mentionnés – qui se montrerait favorable à la conversion à la foi musulmane ne saurait être accepté. Il serait emprisonné et livré à la Compagnie, avec ceux qui auraient déjà trouvé refuge dans les territoires de ces chefs (musulmans). Pareillement, la Compagnie n’amènera aucun sujet de ces Rois à la foi chrétienne, contre la volonté expresse de ces altesses royales” (6).

Le caractère théocratique de la VOC était tout à fait évident dans les règlements qu’elle a institués dans la seule grande ville qu’elle a pu contrôler : Batavia. Bien que cette dernière soit à près de 90 % non européenne (sa population se composant en grande partie de Chinois, mais avec une minorité significative d’esclaves de Bali, de Sumbawa et de Florès), son caractère chrétien ne cessa jamais d’être rappelé. Pendant quelque temps, il y eut des incitations financières à la conversion. Fréquemment, les temples chinois et les édifices “mauresques” étaient bannis de la ville. Un cas tout à fait intéressant dans ce débat religieux fut celui du statut de plusieurs prisonniers et de leurs enfants, qui étaient restés plusieurs dizaines d’années dans le palais du sultan de Mataram (au centre de Java) avant d’être libérés par la volonté de Rijklof van Goens en 1651. Pendant leur emprisonnement, ces employés de la VOC avaient reçu des épouses musulmanes et avaient eu des enfants qui avaient été circoncis. Un de ces enfants, qui était allé à Batavia, fut adopté par Rijklof van Goens en 1651 et présenté au Conseil de l’Eglise pour y être baptisé. Après quelque débat, l’enfant fut accepté “non pas à cause de son père, qui avait vraisemblablement abandonné sa foi, mais par sa parenté avec ses ancêtres, qui étaient croyants et qui ainsi le sanctifiaient et le faisaient accepter” (7). Ce n’était pas une conversion strictement personnelle, mais plutôt une croyance dans un pacte entre Dieu et une nation chrétienne, qui pouvait se porter garante du christianisme de chacun de ses individus. Ainsi, entre civilisation et religion, les frontières étaient peu nettement définies.

L’arrivée de cette société commerciale hollandaise fortement structurée arrêta quelque temps la compétition entre l’islam et le christianisme. Le cessez-le-feu, ou le statu quo, s’instaura et dura plus de trois cents ans, entre 1620 et la fin du XIXe siècle. C’est seulement, en effet, vers 1900 qu’une nouvelle phase de concurrence s’ouvrit entre les deux grandes religions. Avec l’arrivée de la dernière phase de la colonisation, durant la période de l’impérialisme qui étendit le contrôle européen non plus seulement sur les postes côtiers, mais également sur l’intérieur des terres, une nouvelle course s’engagea. Les chrétiens étaient alors le groupe victorieux, car ils assuraient la direction du pays. Leur stratégie pour décourager le peuple de se convertir à l’islam consistait, entre autres, à confier à des sociétés missionnaires les territoires qui tombaient sous leur contrôle. Ces dernières dispensaient l’éducation obligatoire et pouvaient utiliser cette opportunité pour étendre l’influence du christianisme. Toutefois, les musulmans tiraient également profit de la sécurité qui était instaurée, ainsi que de la plus grande richesse qui régnait dans les grandes îles. Cette situation conduisit même (comme en Afrique occidentale et en Afrique orientale) à développer l’idée que le colonialisme était favorable au développement de l’islam (8).

Ce processus s’est traduit vers la fin de la période coloniale (aux alentours des années 1930) par un nombre croissant de musulmans, affiliés à l’une ou l’autre des deux plus grandes organisations musulmanes réformistes et modernistes (Muhammadiyah et Nahdlatul Ulama, respectivement fondées en 1912 et 1926), et par un accroissement des chrétiens qui se divisaient en quatre groupes. Il y avait un premier groupe de 240 000 chrétiens européens, un deuxième de 30 000 chrétiens chinois dans les grandes villes, un troisième de quelque 1,7 million de chrétiens locaux, répartis en Eglises ethniques dans les îles dites extérieures, où ils créèrent souvent des communautés chrétiennes de fidèles, comme celles des Batak, des Toraja, des Minahasa, de Florès, des îles de Sumbawa, de Timor et comme celle des Papous ; enfin un quatrième groupe composé d’une très petite minorité de quelques 90 000 chrétiens javanais, minuscule diaspora immergée parmi les trente millions de musulmans du centre et de l’est de Java, à l’époque. En ces jours-là, le christianisme signifiait une meilleure éducation, des choix personnels libres et la modernité. Ce furent les chrétiens javanais qui ont été les premiers à faire dire au sociologue W. F. Wertheim, dans une phrase célèbre, que les musulmans indonésiens étaient “une majorité avec un sentiment d’infériorité” (9).

Le processus indonésien d’accession à l’indépendance a été dominé par le premier président du pays, Sukarno, qui était avant tout un nationaliste et souhaitait maintenir la religion en dehors de la politique. Dans le débat autour de la rédaction de la Constitution, dans les derniers mois de l’occupation japonaise, entre mars et août 1945, les musulmans exigeaient une stricte formulation de l’identité religieuse dans la Constitution, avec notamment les fameux “sept mots selon lesquels l’Indonésie était bâtie sur l’idée (Pancasila) d’un Dieu unique et transcendant, “avec l’obligation pour les musulmans de suivre la charia ». Les “sept mots” ne figurèrent pas dans la première Constitution, du fait des protestations des chrétiens, qui menacèrent d’une sécession des provinces orientales de l’archipel géant, si la formulation était maintenue. Finalement la doctrine des “Cinq Piliers” ou Pancasila prévalut comme idéologie nationale, mais sans les fameux “sept mots”.

Pendant la présidence de Sukarno (1945-1965), la religion ne fut pas un thème politique majeur. Les choses changèrent avec le président Suharto, qui décréta un “Ordre Nouveau résolument anti-communiste (1966-1998), dans lequel presque toutes les organisations politiques et sociales, syndicats, partis politiques, presse, groupements artistiques furent soigneusement placés sous la férule du gouvernement, mais où la religion resta presque la seule institution à échapper à ce sévère contrôle. Cela eut, cependant, des inconvénients. Au début des années 1970, une hausse sans précédent du nombre des chrétiens apparut dans les statistiques de l’Indonésie. Un missionnaire américain écrivit un livre pour répondre à la question, à propos de l’île de Java : “Pourquoi deux millions sont-ils venus au Christ ?” (10). Dans un style presque aussi enflammé, au sujet de l’archipel d’Aru, au début des années 1970, l’anthropologue Patricia Spyer choisit les termes d’“avalanche” de conversions, des conversions à double facette : l’adhésion à une religion mondiale et l’acceptation de la citoyenneté nationale. Avant les élections de 1977, chacun devait faire la preuve qu’il n’était pas communiste et mentionner sur sa carte d’identité, en signe de loyauté envers l’Etat indonésien, son appartenance à l’une des cinq religions reconnues (l’islam, l’hindouisme, le bouddhisme, le protestantisme, le catholicisme). Cela a été l’origine d’un “langage de comptable” avec un nombre croissant de fidèles pour “les cinq grandes religions” de l’Asie du Sud-Est, un choix impératif pour tous les citoyens de l’époque. Mais beaucoup en faisaient une simple option et, pendant quelque temps, changeaient entre deux ou même trois des religions possibles (11). Telle était la situation à la veille de la fin de l’Ordre Nouveau de Suharto, en 1998, quand la crise financière en Asie entraîna la chute d’un gouvernement corrompu et peu ouvert, mais relativement performant sur le plan économique et qui avait réussi à contrôler et à apaiser les tensions ethniques et religieuses par un attachement exigeant au système du Pancasila, sa “religion civile et par l’interdiction faite aux religions d’exercer tout rôle politique (12).

Les conflits violents : Amboine, Kalimantan et Poso

Jusqu’au milieu des années 1990, l’idéologie du Pancasila réussit parfaitement à préserver l’harmonie et la paix entre les religions. Cependant, il devint de plus en plus évident par la suite que c’était le gouvernement coercitif de Suharto mené par des militaires tout puissants qui empêchait les conflits raciaux ou religieux. Avec le déclin du pouvoir de l’ex-général, l’harmonie religieuse commença à se dégrader. Mais le fait national ne fut pas le seul facteur de la succession des violentes confrontations religieuses. De nombreux problèmes locaux firent qu’en plusieurs régions, des conflits sanglants éclatèrent, alors qu’ailleurs, de semblables incidents ne dégénérèrent pas en désastres. Nous allons résumer maintenant l’histoire des conflits de trois régions : Amboine, Kalimantan et Poso. Nous allons voir que, dans chacun de ces cas, ce ne fut pas uniquement un problème religieux, mais un affrontement beaucoup plus général entre communautés dans lesquelles les dirigeants religieux, de même que les problèmes proprement religieux, ne jouèrent qu’un faible rôle (13).

Jusqu’à 1998, la petite île d’Amboine, centre culturel et politique de l’archipel des Moluques, fut considérée comme une région où la société, malgré ses divisions, jouissait d’une grande paix. Les musulmans et les chrétiens, presque en nombre égal, y vivaient depuis quatre cents ans dans des villages séparés, mais des échanges avaient lieu entre les communautés, comme l’assistance des chrétiens pour la reconstruction d’une mosquée d’un village musulman voisin, pour la célébration de la fin du ramadan et vice versa. Selon l’anthropologue Dieter Bartels, qui y a effectué des recherches dans les années 1970, la vraie religion d’Amboine était la croyance séculaire dans une origine commune, celle du mont Nunusaku, qui s’accompagnait de mythes et de rituels célébrant cette origine. Les musulmans et les chrétiens venant d’ailleurs, que ce soit des membres de la Muhammadiyah réformiste de Java ou des pentecôtistes chinois de la diaspora, n’étaient pas bien accueillis dans les mosquées ou les églises d’Amboine, même s’ils résidaient dans le pays depuis des siècles. Dieter Bartels souligne ce danger extérieur latent :

Les extrémistes parmi ces gens demandaient “la purification” de la religion de toutes ces croyances qui ne correspondaient pas à une ligne pan-islamique ou pan-protestante. Ainsi, ils avaient lancé des attaques contre la croyance en un Dieu unique et identique pour les chrétiens et les musulmans et ils avaient demandé l’abandon des vénérations ancestrales et des traditions (adat), autant de choses qui devaient résulter dans un affaiblissement des liens entre les religions (14).

Les quelques sombres doutes que Dieter Bartels laissait poindre dans le tableau idyllique d’une société où chrétiens et musulmans vivaient mêlés à Amboine se matérialisèrent au début de l’année 1999. Ils furent précédés, le 22 novembre 1998, par une guerre de gangs, entre deux groupes des Moluques qui contrôlaient la prostitution et le jeu dans le quartier Ketapang, à Djakarta. Tout, dans la société des Moluques, est divisé presque également entre chrétiens et musulmans. Les gangs l’étaient aussi. Le gang “chrétien” perdit la bataille des places de parking des grandes maisons de jeu, et, en décembre 1998, trois cents jeunes hommes, les perdants de la bataille, retournèrent à Amboine en promettant vengeance. Le 19 janvier 1999, le premier jour après le jeune du ramadan, jour de fête pour les musulmans, une véritable guerre entre les quartiers catholiques et musulmans de la ville d’Amboine commença par une banale altercation, suivie de bagarres au sujet du prix d’une course de taxi. Les premiers qui furent attaqués par des chrétiens étaient des émigrés musulmans ne venant pas des Moluques et qui habitaient dans des bidonvilles, situés près d’Amboine. Ils se défendirent et le résultat des premières semaines de combat fut un exode général des réfugiés qui repartirent dans les îles hors des Moluques. Dans la deuxième moitié de l’année 1999, une guerre plus ou moins ouverte commença entre les chrétiens originaires des Moluques et les villages musulmans d’Amboine et de toutes les îles environnantes. Trois mille personnes y laissèrent la vie et près de 500 000 se retrouvèrent sans abri.

Pourquoi cette explosion de violence ? Il y eut des raisons locales évidentes : “Ce sont les militaires, bien sûr !” C’est là une des explications le plus souvent entendues (15). Les militaires indonésiens avaient été sévèrement critiqués pour les crimes de guerre qui ont accompagné l’indépendance du Timor-Oriental et ils cherchaient une région où redorer leur prestige. Ils cherchaient un contexte où faire valoir leur situation dans cette période de transition et, de ce fait, créaient un état d’agitation permanente : un risque de complot militaire était même pris assez au sérieux par beaucoup. En fait, les militaires gagnaient beaucoup d’argent en assurant la sécurité des Chinois ou des commerçants qui les payaient bien. D’une façon générale, la police était pour les villages chrétiens et l’armée et la marine pour les musulmans, probablement aussi pour de l’argent. D’autres accusaient les politiciens locaux (16).

Beaucoup de symboles religieux ont aussi été mis en avant. Les deux parties n’étaient pas seulement définies comme chrétienne et musulmane, appellations dont les protagonistes usaient eux-mêmes, mais, de plus, le recours à des signes religieux était fréquent. Les musulmans chantaient Allahu Akbar et les chrétiens brûlaient les villages en chantant En avant soldats du Christ. Le turban blanc musulman s’opposait au turban rouge chrétien. Et les dirigeants religieux ? Quelques-uns poussaient au combat. Les plus sages se réunissaient et plaidaient pour une trêve qui était sans cesse rompue. Ils n’avaient apparemment que peu de pouvoir sur leurs troupes, au moins sur les plus jeunes générations de mécontents. Durant la guerre, le clergé n’a pas eu de réel pouvoir sur les militants qui se réclamaient de leur religion. De ce fait, on niait sans cesse qu’il s’agissait d’une guerre de religion et on affirmait que les causes devaient être recherchées dans la corruption, la politique locale ou nationale, les circonstances particulières comme l’affaiblissement des traditions d’Amboine (il n’y avait plus de chef héréditaires depuis 1960, mais des chefs de village élus et beaucoup des plus instruits partaient à Java) et le désordre lié à la crise économique. Néanmoins, les belligérants continuaient de se réclamer des mêmes appartenances religieuses. Apparemment, la religion était et est toujours beaucoup plus que le rituel d’une église ou d’une mosquée, beaucoup plus qu’une doctrine : c’est un signe de ralliement pour toute une communauté, comme l’appartenance communautaire en Inde. L’écroulement du régime autoritaire de Suharto avait affaibli considérablement le sentiment d’unité de l’Etat indonésien. Seule l’affiliation religieuse restait le moyen majeur d’identification. Une société divisée religieusement allait devenir une société divisée socialement. Les terrains d’entente avaient disparu (17).

En mai 2000, après des mois d’entraînement largement médiatisé dans des camps de l’île de Java, les Lasykar Jihad (‘Milice du djihad’) se rendirent par mer de Surabaya à Amboine. Quelque 2 000 miliciens commencèrent la guerre à Amboine. Le président Abdurrahman Wahid, un musulman libéral, voulut faire cesser cette guerre, mais il n’avait aucun pouvoir sur les commandants de l’armée qui voulaient sa destitution, car ils voyaient en lui une menace à leur ingérence dans la politique et l’économie du pays. Après le retrait d’Abdurrahman Wahid en juillet 2001, les attaques diminuèrent, mais le Lasykar Jihad ne fut dissous qu’après la mobilisation internationale que provoqua l’attaque à la bombe des discothèques balinaises, le 12 octobre 2002. Ce n’est qu’à cette date qu’Amboine et les Moluques en général recouvrèrent la paix religieuse et sociale.

Une autre série de conflits se déroula entre 1996 et 2001 dans plusieurs régions de la grande île de Bornéo, appelée Kalimantan par les Indonésiens qui en contrôlent la plus grande partie. Déjà, dès l’arrivée de l’islam vers 1450 et l’islamisation lente mais effective des populations côtières et de celles résidant dans les grands centres commerciaux le long des fleuves, un clivage existait entre les Malais et les Dayaks. Devenir musulman se dit masuk Melayu, c’est-à-dire “devenir Malais”. Dayak est donc devenu le qualificatif pour désigner la grande variété des traditions pré-musulmanes, des langues du Kalimantan autres que le Malais et de toutes les religions et cultures locales. Au cours de ces derniers siècles, l’islam s’est répandu lentement ainsi que la culture malaise. A partir de 1850, le christianisme se répandit également, lentement, dans les régions dayak de l’intérieur. Les protestants venaient du sud (Banjarmasin) et les catholiques développèrent leur mission à partir de l’ouest (Pontianak et Sambas) et de l’est (Samarinda). Le peuple dayak qui s’est converti au catholicisme est resté dayak, à cause de l’identification propre aux Malais et aux musulmans.

Cependant, durant ces cinquante dernières années, le gouvernement indonésien a favorisé l’immigration en provenance des autres îles et, en particulier, des musulmans de l’île surpeuplée de Madura, au nord-est de Java. Les Madurais ont développé une tradition de séparation d’avec les autres ethnies et les autres religions de Kalimantan. Ils n’admettaient même pas de Malais musulmans à la prière du vendredi de leurs mosquées. Ces Madurais recevaient du gouvernement des terres libres, qui n’avaient encore jamais été cultivées de façon permanente. Mais les Dayaks pratiquaient des cultures tournantes et ces programmes gouvernementaux les privaient de terres utiles, parce que de grandes surfaces en étaient cultivées par des fermiers de Madura. En 1996, une série de conflits éclata entre le peuple malais de la région des Sambas et les colons de Madura. Il y eut de nombreux morts, surtout parmi les émigrés de Madura qui étaient attaqués par les Malais. Un exode massif des Madurais de cette région en résulta.

Plus violents encore furent les conflits entre les Dayaks et les Madurais dans la région de Sambas (1999) et de Sampit, à Kalimantan-Centre (2001). Ce dernier conflit commença par le meurtre d’un Dayak par des Madurais, pour lequel la police (achetée par les meurtriers) ne voulut pas intervenir. Sur quoi, un certain nombre de Dayaks entreprirent d’attaquer la population maduraise de la ville. Pour les gens extérieurs, ce conflit fut rapidement perçu comme ayant de fortes implications religieuses. Les Dayaks (dont la plupart étaient chrétiens) étaient considérés comme d’“anciens chasseurs de têtes” et leur arme préférée – « un couteau ou parang » – ajoutait à cette image “de primitifs et de sauvages”. Bien que ne relevant pas directement d’un problème interreligieux, cette tragédie avait néanmoins clairement un caractère ou une connotation religieuse.

Une troisième zone de conflit durant ces dernières années a été le district de Poso, dans la province de Célèbes-Centre (ou Sulawesi, selon l’appellation indonésienne moderne). Comme au Kalimantan, la zone côtière est ici dominée par les musulmans, alors que les hauts plateaux du centre sont le domaine de la tribu Toraja, qui fut, dans sa grande majorité, convertie au christianisme dans les premières décennies du XXe siècle. Ces dernières décennies, un bupati ou chef de district était nommé par le gouvernement central, soit parmi les musulmans, soit parmi les chrétien, en alternance. Ces dernières années virent ce fonctionnaire nommé par le conseil du district. Toutefois, en 1998, le bupati musulman Arif Patanga contesta cet accord tacite en soutenant l’élection de son fils Agfar. Après l’élection de ce “golden boy”, des troubles commencèrent pour atteindre leur maximum au milieu de l’année 2000 et coûter la vie de quelque deux mille personnes des deux camps. Des combats de basse intensité (attaques nocturnes, maisons incendiées et habitants fuyant les fusillades) continuèrent jusque dans les premiers mois de 2004. Il y avait aussi des décalages économiques : les habitants de la côte étaient souvent des pêcheurs, l’agriculture y était pauvre, alors que les chrétiens qui vivaient dans les hauts plateaux avaient accès à une meilleure éducation et gagnaient bien leur vie en vendant les légumes qu’ils cultivaient sur les collines, plus fraîches. Y étaient aussi actifs de petits groupes du Lasykar Jihad, aussi actifs qu’à Amboine. Comme à Amboine, ils étaient haïs par les musulmans locaux, qui avaient en même temps peur d’eux pour leurs liens avec l’armée et pour leur armement sophistiqué. Après l’attentat de Bali, le 12 octobre 2002, l’armée commença à devenir plus active, en arrêtant des terroristes, même si des incidents mineurs continuaient, en réplique à des attaques anciennes. Un catholique de Florès, vivant dans la région “chrétienne” de Poso, fut condamné à mort par un tribunal, pour avoir mis le feu dans plusieurs petits villages musulmans. Un pasteur protestant du nom de Damanik fut mis en prison, pour être venu sans arme au secours de chrétiens fuyant leur village (version chrétienne de l’histoire) ou pour avoir tiré sur les musulmans (l’autre version).

Nous ne pouvons guère ici que donner des impressions rapides et fragmentaires de conflits très complexes. Un trait commun, toutefois, en dépit de beaucoup de différences locales, est la division nette et apparente de ces sociétés, renfermant souvent de multiples identités religieuses, ou bien aucune spécification religieuse du tout. Les gens doivent être soit des musulmans soit des chrétiens, ce qui est une différenciation beaucoup plus communautaire qu’une ligne de distinction religieuse ou spirituelle.

La longue série de conflits qui a frappé l’Indonésie entre 1996 et 2003 a détruit la croyance optimiste dans un Pancasila capable de maintenir une société dans l’harmonie. Elle a aussi détruit la confiance, ou même la foi naïve de beaucoup dans le rôle positif des religions. Elle a fait apparaître leur côté sombre, même si cela fut un temps difficilement acceptable par la multitude des chefs religieux.

Les nouvelles lois pour l’éducation, la vie de famille et la criminalité : vers une islamisation de la vie publique ?

C’est en 1999 que les premières élections eurent lieu après la longue dictature de Suharto. Pour la première fois depuis 1954, le Parlement élu était issu d’élections libres. Dans ce parlement, une coalition se forma entre les partis nationalistes et islamiques. En conséquence de quoi, les partis islamiques mirent en avant un certain nombre d’éléments législatifs nouveaux, alors qu’ils n’avaient pas de majorité au parlement. Une des nouvelles lois fut la loi sur le Système national d’éducation (Sistem Pindidikan National) qui devint en abrégé Sisdiknas. Cette loi a dominé le débat politique entre musulmans et chrétiens dans la capitale durant plus d’un an, avant que ne fut envoyée une première proposition au parlement en mai 2002. Il y eut une large critique de la place prise par la religion dans ce texte. Dans sa première formulation, le but même de l’éducation n’apparaissait qu’en termes moraux et religieux. Il y était dit que l’objectif premier de l’éducation était “en dehors d’un bon caractère, d’augmenter la foi et la crainte de Dieu pour développer l’intelligence du peuple Quelques critiques plutôt cyniques firent remarquer que c’était une motivation étrange pour l’éducation, d’autant plus pour un pays qui était au premier rang des grandes nations du monde pour la corruption ! Si l’éducation était capable d’amener une haute moralité, pourquoi y avait-il donc autant de corruption dans un pays où autant d’instruction religieuse était dispensée à tous niveaux ? Lors de l’introduction définitive de la loi, cet aspect religieux fut maintenu, mais placé après les aspects intellectuels. Le débat le plus vif portait sur l’article 12a de la loi, qui fut finalement acceptée par le Parlement et signée par la présidente Megawati Sukarnoputri le 8 juillet 2003. Cet article stipule : “Tous les élèves, à tout niveau d’éducation, ont droit à recevoir une éducation religieuse, en accord avec la religion qu’ils pratiquent, dispensée par un professeur de la même religion.” Dès sa première proposition, ce texte fut l’objet d’un vif débat entre politiciens et responsables religieux musulmans et chrétiens. En fait, tout ce débat avait déjà commencé au milieu de l’année 2001, quand le responsable de l’enseignement de la province de Yogyakarta avait refusé d’authentifier le certificat de fin d’études primaires pour des élèves musulmans qui avaient fini leur primaire dans une école chrétienne et n’avaient donc pas suivi de cours sur l’islam. En effet, non seulement la religion est une matière obligatoire, mais les élèves doivent avoir passé un examen religieux et avoir obtenu une note suffisante pour avoir leur certificat. Ces derniers élèves d’école chrétienne à Yogyakarta ne pouvaient donc pas entrer dans les écoles secondaires du gouvernement. On trouva quelques solutions à court terme, allant jusqu’à un changement temporaire de religion, mais le débat continuait et s’étendait même à tout le pays. Il était en fait la raison d’être de la nouvelle loi.

Les discussions dans les années 2002-2003 firent apparaître que, dans la seule ville de Yogyakarta, quelque 16 500 élèves musulmans dans le primaire recevaient une instruction religieuse chrétienne dans les écoles où ils étaient scolarisés. Est-ce que ces écoles catholiques ou protestantes devaient avoir des maîtres musulmans pour y enseigner leur religion ? Devaient-elles aussi prévoir des lieux de culte pour permettre à leurs élèves d’y faire leurs prières rituelles ? Tout en reconnaissant le droit fondamental à la liberté de la religion, le théologien jésuite Dr. B.S. Mardiatmadja, qui était le principal négociateur du côté catholique, donna cent fois cet exemple que tout le monde a le droit de manger, mais que si l’on va dans un restaurant à Sumatra, on ne peut pas manger javanais. C’est la même chose pour une école chrétienne où l’on ne peut pas recevoir une éducation religieuse musulmane (19). Cette façon de voir les choses était partagée par des musulmans. Kiai Haji Hasyim Muzadi, président de la Nahdlatul Ulama, une des deux plus grandes organisations musulmanes d’Indonésie, soulignait que “tout élève qui décidait de choisir une école catholique ou protestante devait en accepter les conséquences, notamment, l’enseignement religieux. S’il ne le voulait pas, il ne devait pas s’inscrire dans une telle école, parce qu’il savait qu’elle était d’une conviction religieuse différente de la sienne” (20).

Les discussions allèrent beaucoup plus loin que les seules classes de religion dans les écoles. Beaucoup y voyaient les prémices d’une stratégie pour diviser la société indonésienne selon les appartenances religieuses. Mardiatmadja alla même jusqu’à parler ou de ségrégation. Il craignait que les chrétiens indonésiens ne soient marginalisés parce qu’ils pouvaient être contraints à rester dans leur seule communauté. La politique de l’interdiction d’élèves musulmans dans des écoles chrétiennes pouvait être un aspect de cette politique. Une autre loi en discussion depuis le milieu de 2003 est encore plus radicale sur ce sujet : le projet de loi sur l’harmonie entre les religions. Son premier article commence avec une définition brutale : “La religion est prise dans le sens des religions qui sont pratiquées par les Indonésiens : l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme et le bouddhisme.” Toutes ces religions sont fondées sur la croyance en un Dieu unique et supérieur. Elles doivent s’interdire tout prosélytisme vis-à-vis des croyants des autres religions, mais doivent en reconnaître et en respecter les différences. Aucune aide étrangère ne peut être reçue sans l’accord du gouvernement indonésien. Elles ne doivent construire des édifices religieux que dans les endroits où vivent leurs fidèles. L’article 15 stipule que « le mariage ne doit être en principe contracté qu’entre des couples de la même religion. S’il devait être contracté un mariage mixte, les règles de la religion admise par les deux parties doivent être respectées”. L’adoption ne peut se faire que par des parents de la même religion que celle de l’enfant. Des fidèles ne peuvent assister à des cérémonies d’autres religions, même en cas de grandes fêtes, de mariages ou d’enterrements. Ce résumé des principaux articles ne devait pas, selon de nombreux chrétiens, conduire à l’harmonie mais plutôt à la séparation de la société sur la base de l’identité religieuse de chacun.

Et d’autres lois sont encore en préparation, comme la loi sur les pratiques médicales : les patients musulmans, particulièrement les femmes, devraient pouvoir recourir aux services d’un médecin musulman, de préférence une femme musulmane. Il faut les voir comme des lois qui favorisent une division de la société selon les clivages des communautés religieuses.

Mais, du côté chrétien, il n’y a pas eu beaucoup de voix pour s’élever contre ce genre de développement. Le professeur Frans Magnis Suseno, un autre jésuite, souligne que la doctrine catholique depuis Vatican II affirme la liberté religieuse et qu’en conséquence, les chrétiens doivent cesser de demander à des élèves qui déclarent ouvertement qu’ils sont musulmans de participer à des classes d’enseignement religieux chrétien, même si ces élèves musulmans choisissent une école chrétienne au motif que l’enseignement qui y est dispensé est de meilleure qualité ou plus accessible qu’ailleurs. Selon lui, les chrétiens en Indonésie défendent des stratégies qui vont à l’encontre de leur propre doctrine et ne seront jamais complètement comprises par une majorité de musulmans. L’éducation religieuse est avant tout du ressort des parents, de la famille, des églises et des institutions religieuses. Les chrétiens devraient éviter tout reproche de prosélytisme. La pratique courante qui consiste à demander à des parents musulmans de signer une lettre, dans laquelle “ils ne s’opposent pas à des classes religieuses chrétiennes pour leurs enfants” devrait cesser. De cette façon seulement, les chrétiens démontreraient qu’ils prennent au sérieux leurs déclarations sur la liberté religieuse et la responsabilité des parents (21).

La chute de Suharto en 1998 a été le début d’une vaste protestation contre la centralisation de la vie politique et culturelle dans cet immense pays qu’est l’archipel indonésien. Le premier successeur de Suharto, qui gouverna peu de temps, Bacharrudin Jusuf Habibie (mai 1998-novembre 1999), accorda un référendum sur l’indépendance au Timor-Oriental. Il eut lieu le 30 août 1999 et aboutit à la sécession de cette petite province très largement catholique, intégrée à la République indonésienne. Ce fut une défaite pour l’armée indonésienne, qui, depuis 1975, s’efforçait de dominer militairement et par tous les moyens possibles cette ancienne colonie portugaise. Ce fut aussi interprété comme une manouvre de la “conspiration chrétienne” pour diviser l’Indonésie et transformer les provinces orientales en une nation chrétienne (22).

L’attrait pour l’indépendance avait également été très fort dans la province la plus occidentale de l’archipel, celle d’Aceh. Pour calmer l’agitation, le président Habibie avait promis à la province l’octroi possible de la charia et, dès le 4 octobre 1999, une loi sur l’introduction de ce qui pouvait être considéré comme la loi islamique fut votée par le Parlement (23).

Dans le contexte général de décentralisation, une loi sur l’autonomie régionale était en discussion depuis 1999. Le résultat en fut le vote officiel, dans un certain nombre de conseils de districts de l’ouest de Sumatra (Minangkabau), de l’introduction de la loi islamique dans leurs territoires. Dans l’état actuel des choses, l’introduction de cette législation s’est trouvée réduite à l’interdiction de boissons alcoolisées dans cette région du pays où la consommation d’alcool en public était déjà très peu fréquente. Elle a encouragé également le code de l’habillement islamique, mais, dans cette région, les hommes ne portent pas naturellement de barbe et les femmes sont habituées au port du voile. Dans les quartiers de marchés de petits commerces où les femmes sont nombreuses, les nouvelles lois ont toutefois soulevé de vives protestations, notamment l’interdiction pour une femme de sortir seule le soir ou tôt le matin. A part ces changements mineurs, l’impression générale était que le pays se voyait comme étant bientôt divisé en une partie occidentale plus islamique, une partie centrale plus modérée et une partie orientale (pas très densément peuplée) chrétienne (24). Cela pouvait être la fin du projet post-colonial d’un Etat indonésien pluri-religieux.

Trop de religion ?

Le prêtre catholique, écrivain, architecte et activiste politique Yusuf Biljarta Mangunwijaya (1929-1999) s’était plaint, dans une interview réalisée en 1997, de ce que l’Indonésie souffrait d’une overdose de religion. Selon lui, il y avait trop de religion dans son pays. Nombre de problèmes, de conflits et de difficultés étaient liés aux attitudes et aux différences religieuses. En un sens, les relations devenaient de plus en plus compliquées. Il voyait aussi sa propre religion, le catholicisme, comme une organisation qui en demandait trop aux fidèles, en argent, mais aussi et surtout en temps et en attention. Il proposait une communauté chrétienne comme une Eglise de la diaspora, une petite communauté, sans grand pouvoir, sans structure élaborée et sans grandes ambitions en tant qu’autorité sociale. Ce n’est qu’une communauté de la sorte qui pouvait être une Eglise de qualité. Selon Mangunwijaya, toutes les religions et surtout la religion catholique auraient trop de comités et d’organisations, pour le renouveau charismatique, la Légion de Marie, ou encore les chorales, les rencontres pour la méditation et la discussion, des pique-niques et des excursions le dimanche, organisés par les paroisses. L’Eglise catholique a ses propres journaux, ses hôpitaux et ses événements mondains. Mangunwijaya pensait que la stratégie des missionnaires hollandais catholiques et protestants d’avant l’indépendance consistait à recréer l’homogénéité des villages catholiques ou protestants des campagnes européennes. Ce qui, bien sûr, dans une société musulmane javanaise, était impossible. En substitut de l’homogénéité géographique, un équivalent social fut mis en place qui finit dans un système de ségrégation, pour ne pas dire , sur la base de la religion. Ce n’est qu’en réduisant le rôle politique et social de la religion qu’on pourrait établir une saine harmonie entre les peuples des différentes religions.

Des idées semblables ont été avancées par un modeste savant musulman libéral, Nurcholis Madjid, qui, en tant que dirigeant national du plus important syndicat d’étudiants musulmans, Himpunan Mahasiswa Islam, a mis en avant, en 1970, l’idée que le vrai islam ne devait pas être assimilé à un parti politique, un régime politique ou une institution sociale. En 1970, il créa le slogan : Islam Yes ! Partai Islam No ! Plus tard, il fit une distinction entre l’Islam (écrit avec une lettre majuscule), qui est un ensemble d’idéaux et de valeurs, et l’islam (écrit avec une lettre minuscule), qui est l’organisation des fidèles ou une institution pour les fidèles. Selon l’interprétation de Madjid, les membres des autres religions, comme les bouddhistes, les hindous et les chrétiens, peuvent adhérer à l’Islam, devenir musulmans, dans un profond esprit de soumission. Dans sa lutte contre la division de la société selon les religions, Madjid a récemment combattu l’application de la loi indonésienne sur le mariage, qui interdit les mariages mixtes. Cela avait pour lui une résonance personnelle, car sa fille a épousé un juif américain en 2002 (le mariage a été célébré aux Etats-Unis, où il est bien entendu parfaitement légal pour une musulmane d’épouser un non-musulman).

Après les attaques sur New York et Washington le 11 septembre 2001, les réactions parmi les musulmans indonésiens furent variées. La présidente Megawati Sukarnoputri a été le premier chef d’Etat étranger à rendre visite au président Bush après l’attaque. Elle condamna le terrorisme et soutint George W. Bush dans sa lutte contre le terrorisme. Elle revint avec un milliard de dollars, consentis sous forme de nouveaux prêts. Le responsable du Majelis Ulama, le Conseil suprême des docteurs en islam, Dien Syamsuddin (qui, comme Nurcholis Madjid, a un doctorat d’une université américaine), a montré quelque compréhension envers l’attaque musulmane sur des cibles américaines. Il condamna sans appel l’intervention américaine en Afghanistan et appela à la guerre sainte dès octobre 2001 au cas où les Américains attaqueraient “les frères musulmans d’Afghanistan”.

La solution indonésienne de l’idéologie du Pancasila, qui définit cinq piliers pour l’Etat, dont la croyance en “une Divinité unique et supérieure a tenu la société indonésienne pendant plus de cinquante ans dans un équilibre entre un Etat laïque et un Etat islamique. Mais l’idéal du Pancasila s’est effondré à cause de ses liens avec un régime corrompu, qui mettait en avant “l’harmonie sociale” pour interdire toute critique publique. L’idéal religieux d’un terrain commun à trouver dans la formule “d’une Divinité unique et supérieure” a perdu toute vraisemblance avec la corruption qui a envahi les institutions religieuses, y compris des Eglises chrétiennes, en tant que parties intégrantes de la société indonésienne. Contre ces chefs religieux et ces théologiens libéraux, du côté musulman comme du côté chrétien, des voix se font entendre pour appeler à une identification de la religion et de la civilisation. C’est particulièrement vrai dans les parties occidentales les plus islamisées de l’archipel (l’île de Sumatra) où des régions demandent l’introduction de la loi islamique, de la même façon que des régions en Indonésie orientale demandent l’introduction d’une “loi chrétienne” semblable, quel qu’en soit le résultat (27). Mais il y a aussi des opposants à ces défenseurs d’une identification de la religion et de la société ou de la civilisation qui mettent en avant la ségrégation sur la base de la religion. Nombreux sont en effet les esprits pluralistes authentiques des deux bords, qui plaident pour un rôle modeste de la religion, un forum humble, non exclusif et ouvert pour la pratique des rites. Ils défendent le débat ouvert et l’action sociale sous la forme d’une association accueillante “pour le bien et la justice pour reprendre la définition qu’a donnée la Muhammadiyah de ses objectifs (amal ma’ruf wa nahi ma’ruf).

Ce n’est pas le 11 septembre 2001, mais le 12 octobre 2002 qui a provoqué une rupture dans la société indonésienne. Les quelque deux cents victimes de l’attentat de Bali, pour la plupart des Australiens, ont entraîné l’effondrement du tourisme et ont entamé l’image du pays sur la scène internationale. Elles ont aussi amené la police et l’armée, qui avaient une réputation très négative dans le domaine du respect des droits de l’homme et de fabrication de preuves, à distinguer entre les musulmans et les terroristes, avec la ferme volonté de s’en prendre à ces derniers. Ce n’est qu’alors que le gouvernement Megawati s’est senti obligé d’appréhender nombre d’activistes politiques qui usaient du discours de l’islam fondamentaliste, tout en assurant que l’islam devait être distingué des actes de destruction, sources de beaucoup de souffrances pour des innocents. Toutes les grandes organisations musulmanes du pays ont suivi. De la même façon, les évêques catholiques ont publié une déclaration après l’attentat de Bali, pressant tous les Indonésiens de “considérer cette attaque comme un crime contre l’humanité qui ne devait être reliée à aucune religion, quelles que soient les convictions ou les origines des criminels” (29). Malgré tous les exemples du passé qui plaident pour une identification de l’islam et du christianisme avec certaines couches de la société indonésienne, une tendance, encore fragile mais indéniable, s’est fait jour au cours de ces cinquante dernières années et va vers une distinction beaucoup plus marquée entre l’appartenance religieuse et l’appartenance ethnique. C’est sans aucun doute ainsi que les religions en Indonésie peuvent se voir garantir les conditions d’un progrès durable.

Notes

(1)Hamilton A.R. Gibb, Whiter Islam London, Gollancz, 1932 p. 12. J’ai lu cette affirmation la première fois dans les écrits du politicien réformiste indonésien musulman Muhammad Natsir (1908-1993) qui la citait souvent en étant d’accord avec sa formulation. Voir son Capita Selecta (Djakarta, Van Hoeve, 1961, I, p ; 3 et 102).

(2)Pour l’histoire de ces confréries J. Spencer Trimingham, The Sufi Orders in Islam, Oxford, Clarendon Press, 1971. Pour leur développement dans le sud est asiatique, Anthony H. Johns, “Sufism in Southeast Asia : Reflections et Reconsiderations” Journal of Southeast Asian Studies, 26 (1995), pp. 169-173.

(3)Anthony Reid, “Islamization and Christianization in Southeast Asia: the critical phase, 1550-1650” dans A. Reid (ed.) Southeast Asia in the early Modern Era. Trade, Power and Belief, Ithaca: Cornell Univ. Press, 1993, pp. 151-179.

(4)Selon une expression que j’ai récemment entendu dire des chrétiens et des musulmans amboinais: on naît musulman ou chrétien, comme on doit accepter de naître homme ou femme.

(5)Pour cette citation et d’autres références, voir Karel Steenbrink, Dutch Colonisation and Indonesian Islam. Contacts and Conflicts, 1596-1950, Amsterdam : Rodopi, 1993, 60-75 ; voir également Karel Steenbrink “The Inevitability of a Single Religious Affiliation” dans Klaus Hock (ed.) Jenseits der Festungsmauern Festschrift Olaf Shumann, Erlanger verlag, 2003, pp. 446-465.

(6)Steenbrink Dutch Colonialism, p. 68.

(7)Steenbrink Dutch Colonialism, pp. 69-70.

(8)Gottfried K. Simon, Islam und Christentum im kampf um die Eroberung der animistischen Heidenwelt, Berlin: Warneck, 1910.

(9)W.F. Wertheim, Indonesië van Vorstenrijk tot Neokolonie, Meppel: Boom, 1978, pp. 206-230.

(10)Avery T. Willis Jr., Indonesian Revival. Why Two Million came to Christ, South Pasadena: William Carey Library, 1977 (deuxième édition 1978).

(11)Patricia Spyer, “Serial Conversion/Conversion to Seriality; Reli-gion, State and Number in Aru, Eastern Indonesia” dans Peter van der Veer (ed.) Conversion in Modernities. The Globalization of Christianity, New York and London Routledge, 1995, pp. 171-198, en particulier pp. 171-172. Voir également Steenbrink “The Inevi-tability of a single Religious Affiliation” pour un exposé plus détaillé de ce thème.

(12)Karel Steenbrink, “The Pancasila Ideology and an Indonesian Muslim Theology of Religions”, dans J. Waardenburg (ed.) Muslim Perceptions of other Religions. A Historical Survey, New York, Oxford University Press, 1999, pp. 280-296.

(13)Pour un aperçu général des conflits, voir Karel Steenbrink, “Interpretations of Christian-Muslim Violence in the Moluccas” Studies in Interreligious Dialogue, 11 (2001), pp. 64-91 ; Freek Colombijn and Thomas Lindblad (eds.) Roots od Violence in Indonesia, Leiden, KITLV, 2002; Chaider S. Bamualin (ed.) Communal Conflicts in Contemporary Indonesia, Djakarta, IAIN Syarif Hidayatullah, 2002.

(14)Dieter Bartels, Guarding the Invisible Mountain: Intervillage Alliances, Religious Syncretism and Ethnic Identity among Ambonese Christians and Muslims in the Moluccas, Ann Arbor, Unoiversity Microfilms International, 1978, pp. 324-325.

(15)Liem Sioe Liong, “It’s the military, stupid !” dans Colombijn and Lindblad (eds.) Roots of Violence, pp. 197-226.

(16)Gerry van Klinken, “The Maluku wars of 1999”, Indonesia (Cornell), 71 (2001), pp. 1-26.

(17)Voir également le titre du livre sur la région sud des Moluques par Paschalis Laksono, The Common Ground in the Kei Islands, Yogyakarta, Galang Press, 2002.

(18)Voir la publication par le ministre indonésien de la Religion, Dr Tamizi Taher, Aspiring for the Middle Path. Religious Harmony in Indonesia, Djakarta, Centre pour l’Etude de l’Islam et de la Société, Djakarta, Censis, 1997. A une époque où il était évident que le système du Pancasila avait échoué, c’était un effort pour cacher la faiblesse du système.

(19)Citation tirée d’un article du journal protestant Sinar Harapan du 12 mars 2003. Cet article est aussi intégré dans une collection d’extraits sur le sujet dans le mensuel Dokumentasi teentang Arah Pendidikan di Indonesia, publie par le CSIS (Center for Stategic and International Studies), Djakarta. Une partie de ces informations est basée sur des interviews avec B.S. Mardiatmadja, le 23 octobre 2003 et avec le Dr Weinata Sairin, ministre de l’Eglise Pasundan de Java-Ouest et secrétaire général de l’Union des Eglises d’Indonésie, le principal intervenant protestant dans ces affaires, le 24 octobre 2003. De nombreuses données sur ces affaires ont été également publiées dans le mensuel Media MNKP pour le Conseil national de l’Education catholique, sous la responsabilité de Heribertus Sumajaro.

(20)K.H.A. Hasyim Muljadi dans Suara Pembaruan, 17 mars 2003.

(21)Dans l’hebdomadaire catholique Hidup Katalik, 22 juin 2003.

(22)Pour cette période, voir Kees van Dijk, A Country in despair. Indonesia between 1997-2000, Leiden, KITLV Press, 2001; pour le referendum voir pp. 452-453.

(23)Pour la discussion sur les premiers résultats de l’introduction de la loi islamique, voir Haji Rasjdi Ali Muhammad, Revitalisasi Syari’at Islam di Aceh. Problem, Solusi dan Implementasi, Djakarta, Logos, 2003.

(24)Il est très intéressant ici de garder à l’esprit la qualification sommaire des Catholiques indonésiens qu’en a donnée le P. Dr. John Prior, SVD, qui a travaillé plus de trente ans à Flores : “A peu près la moitié des catholiques [en Indonésie] sont des riches habitant les villes, l’autre moitié est issue de différents groupes ethniques extérieurs à Java et pauvres. Le partage entre riches et pauvres si visible dans le pays se retrouve de la même façon dans l’Eglise. Les catholiques riches se tournent plus volontiers vers une religiosité sans Evangile “social”, alors que les pauvres sont engagés dans le partage biblique et combattent pour le respect des droits de l’homme” (Extrait de sa contribution sur l’Indonésie dans New Catholic Encyclopedia, à paraître).

(25)Karel Steenbrink, “Y.B.Mangunwijaya, Blueprint for a Diaspora Church in Indonesia”, Exchange, 27 (1998), pp. 17-36.

(26)Voir le débat et l’interview de Madjid sue ce sujet dans l’hebdomadaire Gatra (Djakarta), 15 avril 2002.

(27)Des ministres du culte protestants qui demandent l’introduction d’une ‘charia chrétienne’ dans leur région prétendent qu’elle se traduirait essentiellement par un impôt de 10 % qui serait versé aux Eglises chrétiennes !

(28)Greg Fealy, “Is Indonesia a Terrorist Base?”, Inside Indonesia, juillet 2002.

(29)“Untuk melihat Kejahatan ini sebagai kejahatan manusia melawan kemanusiaan, tidak menyangkutkannya dengan agam yang dianut oleh pelakunyaataudengan kelompok dari mana mereka berasal” Déclaration des évêques catholiques indonésiens, signée par le cardinal Julius Darmaatmdja et Mgr Ignatius Suharyo, Djakarta, 13 octobre 2002.