Eglises d'Asie

Des accords conclus entre les Etats-Unis et le Vietnam sur le respect de la liberté religieuse laissent sceptiques un certain nombre d’organismes concernés

Publié le 18/03/2010




Par un retournement assez inattendu, peu après avoir rendu publique l’annonce de la prochaine visite, le 21 juin 2005, du Premier ministre vietnamien Phan Van Khai à Washington, les Etats-Unis ont annoncé, le jeudi 5 mai, qu’ils avaient conclu un accord avec le Vietnam sur le respect de la liberté religieuse. Cependant, dès le lendemain, le 6 mai, la Commission pour la liberté religieuse dans le monde (USCIRF), composée de dix membres nommés par le président George W. Bush et le Congrès, a émis un commentaire critique des accords et demandé que soit institué un appareil de contrôle qui assurerait l’application des clauses du récent accord. Cette même commission avait, à la fin de l’année dernière, recommandé au département d’Etat de placer le Vietnam sur la liste des pays plus particulièrement préoccupants en ce qui concerne les violations de la liberté religieuse.

C’est John Hanford, ambassadeur itinérant chargé de la liberté religieuse, qui a annoncé la nouvelle de l’accord lors d’une conférence de presse tenue à Washington, le mercredi 4 mai. Des entretiens supplémentaires, concernant cet accord qui porte sur l’exercice de la liberté religieuse, devaient se poursuivre le vendredi suivant, à Hanoi, avec le secrétaire d’Etat adjoint Robert Zoellick. John Hanford a précisé que les deux gouvernements vietnamien et américain avaient signé un accord donnant une solution à un certain nombre de préoccupations relatives à la liberté de croyance. Le Vietnam, selon lui, a progressé sur un certain nombre de points, mais subsistaient encore de nombreux problèmes en suspens, restant à régler définitivement. Ceux-ci devaient former les thèmes des pourparlers du secrétaire d’Etat adjoint avec son interlocuteur de Hanoi.

L’ambassadeur itinérant a souligné que cet accord était le fruit des efforts accomplis au cours de ces dernières années par le gouvernement Bush et le Congrès dans le cadre de la loi sur la liberté dans le monde. Ces efforts ont permis aux autorités vietnamiennes de prendre des mesures visant à fortifier l’exercice de la liberté religieuse dans le pays. Durant les dernières semaines, le gouvernement a interdit d’obliger la population à renier sa foi et d’organiser des assemblées à ce dessein. Elles ont aussi libéré un certain nombre de prisonniers de conscience et commencé à ouvrir les portes d’églises fermées jusque là. Le secrétaire adjoint s’est aussi réjoui du début de réforme du système législatif concernant la liberté religieuse, laissant bien augurer de l’avenir de la religion au Vietnam.

En évoquant la “réforme du système administratif John Hanford faisait sans doute allusion à la parution de l’Ordonnance sur la religion, entrée en vigueur en novembre 2004. Les libérations de prisonniers de conscience dont parle l’ambassadeur ont eu lieu par deux fois. Quelques prisonniers de conscience, dont le P. Tadeus Nguyên Van Ly, ont été libérés à l’occasion de la fête nationale (1). Un second groupe, dont un prêtre catholique et une protestante mennonite, a été rendu à la liberté lors de l’anniversaire de la fin de la guerre, le 30 avril dernier (2). L’interdiction d’obliger quelqu’un à renier sa foi ou à en adopter une autre, mentionnée par John Hanford, est contenue dans les directives concernant les protestants publiées en février 2005 (3).

John Hanford a également précisé que la signature de ces accords ne signifiait pas que le nom du Vietnam était retiré de la liste des pays particulièrement préoccupants, eu égard à de la liberté religieuse. Cela avait pourtant été demandé par le secrétaire aux Affaires étrangères vietnamien, Lê Bang, lors de sa visite à Washington, à la fin du mois d’avril, pour préparer la visite du Premier ministre vietnamien aux Etats-Unis. L’ambassadeur itinérant a précisé que ce retrait était à l’étude et dépendrait de l’application plus ou moins sérieuse par les autorités vietnamiennes, des dernières mesures prises par elles en matière religieuse.

Lors d’une conférence de presse accordée à Hanoi, le même jour, à la veille de pourparlers avec les autorités vietnamiennes, le secrétaire adjoint au département d’Etat Robert Zoellick a insisté sur ce même point.

Ces accords – dont on ne connaît pas encore le contenu exact – ont été accueillis sans enthousiasme par un certain nombre d’instances et d’organisations concernées. C’est ainsi que Preeta Bansai, présidente de la Commission pour la liberté religieuse dans le monde, organisme officiel mandaté auprès du Congrès, a déclaré, le 6 mai, à Washington, que les accords récemment conclus ne concernaient que quelques problèmes et laissaient de côté de nombreuses questions, celles qui avaient motivé la désignation du Vietnam comme nation “particulièrement préoccupante”. Pour illustrer son propos, la responsable de l’USCIRF a cité, au nombre des questions restant en suspens, la persécution et la détention des dirigeants du bouddhisme unifié, l’internement de plus de cent personnes pour activités religieuses, la fermeture de plus de mille églises et lieux de culte domestiques et, en certaines parties du pays, l’obligation faite à certains croyants de renier leur foi. Ces persécutions, selon elle, touchent surtout les protestants mennonites des minorités ethniques, les bouddhistes hoa hao et les adeptes du bouddhisme unifié. Enfin, la Commission pour la liberté religieuse dans le monde a demandé que soit créé un appareil de contrôle destiné à suivre de près l’application des clauses des récents accords.

Dans de nouvelles recommandations communiquées le 11 mai dernier au département d’Etat, l’USCIRF propose d’ajouter de nouveaux pays – le Pakistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan – à la liste des pays particulièrement préoccupants en matière de liberté religieuse, mais aucune modification n’est suggérée à propos du Vietnam, qui reste sujet d’inquiétude, a précisé la responsable de la commission (4).