Eglises d'Asie

Orissa : des dirigeants de groupes hindouistes font état de reconversion de chrétiens à l’hindouisme, allégations qualifiées de sans fondement par des responsables chrétiens

Publié le 18/03/2010




Presque tous les trois mois, la presse indienne mentionne la tenue d’une cérémonie de reconversion à l’hindouisme dans l’Etat d’Orissa. La plus récente daterait du 1er mai. Les dirigeants hindouistes ont déclaré aux journalistes que, ce jour-là, ils ont “reconverti” 567 chrétiens, à savoir 261 femmes et 306 hommes, au total 126 familles originaires des districts de Balangir, Bargarh et Sonepur. La cérémonie, qui s’appelle Vishwa Shanti Mahajanya (Cérémonie pour la paix mondiale), s’est déroulée à Bragarh, à quelque 270 km. à l’ouest de la capitale Bhubaneswar. Selon Dharmanaryan Sharma, un dirigeant du groupe hindouiste bien connu, le Vishwa Hindu Parishad (Conseil hindou mondial, VHP), les participants ont récité des prières et chanté des versets des écritures hindoues. Les “reconvertis” avaient été rassemblés à l’intérieur d’une école gérée par un groupe hindou.

Cependant, les diverses personnalités chrétiennes locales interrogées à ce sujet ont laissé entendre que les rapports sur la reconversion, parus dans la presse, étaient faux. Le P. John Maliekal, qui gère une maison pour personnes handicapées à Bargarh, a révélé que la cérémonie en question est en réalité un rassemblement religieux pour hindous, ressemblant, d’une certaine façon, à un groupe de retraite chrétien. Les participants y pratiquent des rites hindous, y récitent des prières et y écoutent des leçons d’instruction religieuse. Ces sessions se font ainsi passer pour des rassemblements de reconversion, conclut le prêtre qui vit dans la région depuis une vingtaine d’années. Un de ses confrères, le P. Albinus Ekka, curé de paroisse à Bargarh, affirme lui aussi que, dans l’hypothèse où ces rassemblements visent la conversion, ils ne touchent pas les catholiques qui n’y participent pas.

L’évêque de Sambalpur, Mgr Lucas Kerketta, banalise également ce type de rassemblement, affirmant que les organisations hindoues sont aujourd’hui à la recherche de sensationnel. Elles font état, ici et là et à tout moment, de campagnes de reconversion, sans qu’il soit possible de vérifier le moindre des éléments rapportés. Il y a seulement quelques mois, la presse rapportait que quelque 500 chrétiens membres d’une ethnie minoritaire du district de Keonjhar étaient revenus à l’hindouisme. Or, les responsables chrétiens, dont les catholiques de la région, se sont aperçus que les récits présentés n’avaient aucun fondement. Après enquête, les responsables chrétiens ont conclu que les événements rapportés n’avaient jamais eu lieu. D’autres témoignages dans le même sens sont fournis par Mgr Christ Kiron Das, évêque de l’Eglise (protestante) de l’Inde du Nord, à Sambal Pur. Il affirme qu’aucun baptiste ou pentecôtiste n’a rejoint l’hindouisme et qu’il n’y avait aucun chrétien à la cérémonie de “reconversion” du 1er mai. Selon le P. Saral Chandra, ces faux rapports ont pour objectif de polariser l’attention de la population sur le problème de la conversion religieuse. Or, selon les observateurs sérieux, il n’existe aujourd’hui dans l’Etat d’Orissa aucune forme de conversion ou de “reconversion”, d’autant plus qu’une loi spéciale à l’Etat interdit toute conversion forcée.

Dans le même temps, les responsables chrétiens de l’Etat d’Orissa se plaignent des attaques et des persécutions que les chrétiens de la région continuent de subir. La politique générale de l’Etat reste influencée par l’idéologie du parti pro hindou, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), parti qui, allié à un parti politique régional, détient le gouvernement de l’Etat. Au cours de la dernière décennie, dans l’Orissa, des maisons et des églises chrétiennes ont été brûlées, des chrétiens des ethnies minoritaires ont subi persécution et discrimination, des pasteurs et des laïcs chrétiens ont été tués. En 1999, des militants fondamentalistes hindous avaient brûlé vifs, dans leur voiture, le pasteur australien Graham Stuart Staines et ses deux enfants, à Keonjhar (1). Un prêtre catholique, le P. Arul Doss, du diocèse de Balasore, avait été tué la même année (2).