Eglises d'Asie

Célèbes : les responsables religieux, chrétiens et musulmans, condamnent le double attentat qui a fait vingt morts et une soixantaine de blessés à Tentena le 28 mai 2005

Publié le 18/03/2010




Après le double attentat qui a fait vingt morts et une soixantaine de blessés le samedi 28 mai dernier à Tentena, les responsables religieux de la région ont très rapidement manifesté leur totale désapprobation face à un acte qualifié par Mgr Josephus Suwatan, évêque du diocèse catholique de Manado, de “cruel et terroriste”.

L’attentat a été commis à Tentena, ville à majorité protestante de la région de Poso, dans la province de Célèbes-Centre. Sur les lieux où le marché se tient, une première bombe a explosé à 8 heures du matin, tuant une femme et son enfant, un garçon de 2 ans. Un quart d’heure plus tard, à proximité immédiate de la première explosion, un second engin a explosé. Plus puissant, il a tué dix-huit personnes, dont un pasteur protestant, le Rév. Deni Doelelia. Un peu plus tard, une troisième bombe, retrouvée devant un lieu de culte chrétien, a été désamorcée par la police. Non revendiqué, ce double attentat a été unanimement condamné en Indonésie. Selon les premiers éléments de l’enquête, la seconde explosion serait un attentat-suicide.

Le lendemain, dans la ville de Tentena, située à une soixantaine de kilomètres au sud de Poso, les drapeaux ont été placés en berne. Les responsables religieux chrétiens et musulmans se sont rencontrés et ont échangé des messages de condoléances, déclarant à l’adresse de leurs fidèles respectifs que les deux communautés étaient la victime commune de cette action terroriste. Selon la presse locale, ces rencontres interreligieuses ont été vécues comme un moment crucial, dans une région encore marquée par les violences qui ont éclaté entre 1998 et 2001 et ont fait deux mille morts, chrétiens et musulmans. Ce même jour, le 29 mai, le vice-président Jusuf Kalla, originaire de Macassar, dans la province de Célèbes-Sud, s’était rendu sur les lieux où il a salué l’attitude constructive des responsables religieux. Depuis le Vietnam, où il était en déplacement, le président Susilo Bambang Yudhoyono a appelé au calme, ajoutant que le travail des forces de sécurité serait passé “en revue”.

De Manado (1), Mgr Josephus Suwatan a demandé à tous ses prêtres de prier, lors de la messe dominicale du 29 mai, pour les morts et les blessés. “Je condamne l’attentat à la bombe, commis sur un lieu de marché fréquenté, comme un acte cruel, terroriste et contraire à la civilisation a-t-il écrit, demandant aux chrétiens de Tentena de ne pas céder à la peur ni à la provocation. Mgr Suwatan faisait partie des négociateurs qui ont mis au point l’accord de Malino I, signé en décembre 2001 et par lequel les violences entre chrétiens et musulmans dans la région de Poso ont pris fin (2). Selon le P. Aloysius Wilar, nommé à Tentena l’an dernier, une quarantaine seulement de familles catholiques vivent à Tentena, au milieu d’une majorité de protestants et d’une minorité de musulmans. Du fait des violences qui éclatent de manière sporadique à Poso et ses environs, les quelques catholiques de ce coin ont en grande partie déménagé à Tentena et Beteleme, deux villes majoritairement protestantes, estimant qu’ils étaient plus en sécurité là qu’à Poso, a expliqué le P. Aloysius Wilar.

L’attentat n’a pas été revendiqué. Il constitue l’action terroriste la plus meurtrière depuis l’attentat de Bali en octobre 2002, qui avait fait 202 morts. Selon les premiers éléments de l’enquête, les explosifs seraient semblables à ceux utilisés couramment dans la région ces dernières années (3). Selon Crisis Group, institut d’études stratégiques, la plupart des récentes violences commises contre les chrétiens dans la région de Poso ont été fomentées par Kompak, groupe islamiste local. D’autres militants des milieux islamiques radicaux, tels ceux du Laskar Jihad, ont également été impliqués dans ces heurts. Mais le caractère minutieusement préparé de l’attentat de Tentena, le mode opératoire (deux explosions programmées avec quelques minutes de décalage) évoqueraient, selon les spécialistes, la marque du réseau islamiste Jemaah Islamiyah, à qui sont imputés les attentats de Bali (octobre 2002), de l’hôtel Marriott à Djakarta (août 2003) et de l’ambassade d’Australie, toujours à Djakarta (septembre 2004).

En attendant les résultats de l’enquête, le ressentiment des habitants de Tentena s’est exprimé à l’en-contre des forces de sécurité, accusées de ne pas avoir su ou voulu prévenir la violence. Les renforts de police, envoyés après l’attentat, ont ainsi été mal accueillis par les habitants chrétiens de Tentena. De son côté, Adnan Nazar, responsable du Forum de dialogue musulman, a déclaré : “Ce qui s’est passé n’a rien à voir avec la religion. Cela a à voir avec les intérêts étriqués de certains individus irresponsables.” Dans les deux communautés, chrétienne et musulmane, on faisait valoir que certains, au sein des forces de l’ordre, avaient intérêt à ce que des attentats soient commis de temps à autre, ne serait-ce que pour légitimer leur présence et les demandes de crédit faites au pouvoir central.