Eglises d'Asie

L’ACTION DE CARITAS INTERNATIONALIS EN PARTENARIAT AVEC LES EGLISES LOCALES

Publié le 18/03/2010




Ucanews : Près de cinq mois après le tsunami, pouvez-vous nous rendre compte de l’aide apportée par Caritas Internationalis ?

P. Sanny Sanedrin : En ce qui concerne Caritas Internationalis, nous avons réagi face au désastre dans quatre pays : l’Inde, l’Indonésie, le Sri Lanka et la Thaïlande. La première phase a été une période d’urgence, au cours de laquelle Caritas Internationalis a apporté des fonds pour les premiers secours et les urgences telles que l’achat de médicaments, d’installations sanitaires et d’autres besoins de base. Nous sommes maintenant dans la phase de réhabilitation ou de développement. Nous aidons les Eglises locales à répondre aux besoins des victimes. Un des secteurs d’intervention est le logement. Nous aidons à reconstruire les maisons endommagées ou à en construire de nouvelles pour ceux qui ont perdu la leur. Nous leur apportons un programme qui leur permet de revivre par leurs propres moyens, tels la reconstruction de bateaux ou l’achat du matériel nécessaire. Il y a également un programme de services médicaux et d’hygiène. Nous avons également mis en place des programmes de suivi psychologique, pour aider les personnes psychologiquement ou psychiquement traumatisées du fait de la catastrophe.

Combien de temps CI va-t-elle rester mobilisée ?

La période de secours et de réhabilitation devrait prendre un an. Nous parlons également d’un engagement sur le long terme, période durant laquelle nous aiderons au développement des moyens des Eglises locales. Nous continuerons les appels aux dons au nom des Caritas et des Eglises locales. Après cela, les diocèses ayant leurs infrastructures, les programmes pourront être développés localement, en fonction des besoins exprimées par les populations locales. A ce stade, les diocèses pourront présenter des projets aux différents membres des organisations Caritas et ainsi créer une relation bilatérale entre les diocèses et les membres de la Caritas Internationalis.

Quelle a été la réponse des donateurs aux appels aux dons, et quelles sommes la CI a demandées ?

Au total, CI a demandé de financer des programmes pour un total de 268,9 millions de dollars, pour les quatre pays. Les fonds sont arrivés de partout. Il y a eu une réaction énorme de l’Europe, des Etats-Unis et de plein d’autres endroits. Les gens voulaient également faire des dons en nature, mais nous avons dû leur demander de ne pas le faire car le transport de ces biens et denrées aurait été difficile.

Comment CI a-t-elle organisé son fonctionnement sur place, sur les territoires des Eglises locales ?

L’urgence était majeure et a couvert une zone géographique extrêmement vaste, affectant un grand nombre de personnes dans différents pays donnés. Immédiatement après le tsunami, les médias ont couvert la catastrophe 24 heures sur 24 et tous les jours pendant quelques temps. Cela a suscité énormément de réactions, pas seulement auprès de CI mais auprès d’un très grand nombre d’organisations et d’ONG. Mais, pour ce qui concerne Caritas Internationalis, nous sommes différents des autres. Nous sommes une organisation de l’Eglise catholique, et nous agissons au travers de la structure de l’Eglise qui est l’Eglise locale. En Thaïlande, nous travaillons avec la Conférence des évêques catholiques de Thaïlande et le diocèse de Surat Thani. Il en va de même pour le Sri Lanka et l’Inde, où le travail se fait avec les Caritas diocésaines et nationales. Le cas de l’Indonésie est différent, car, à ce jour, il n’existe pas de structure nationale du type Caritas. Nous avons donc travaillé avec l’archidiocèse de Medan. Notre travail ne consiste pas seulement à apporter des fonds pour les secours, l’urgence, la réhabilitation et le développement. C’est également l’occasion pour la Caritas Internationalis d’aider les Eglises locales à se renforcer pour être à même de réagir efficacement face à ce genre de situation.

Quels sont les défis auxquels sont confrontées les Eglises locales dans leur entreprise de renforcement ?

Chaque Eglise locale a sa culture propre et ses caractéristiques particulières. Cette diversité représente donc un des défis auxquels nous devons faire face. Un autre défi est que les personnes portent un regard différent sur le travail de développement social ou pastoral-social. Certains le verraient juste comme une aide de secours et pensent ainsi : “Donnez-nous l’argent et nous nous le distribuerons D’autres ne le voient pas seulement comme une aide de secours, mais aussi comme une opportunité pour la capacité de construire, pour donner un sens au développement, pour révéler le potentiel et les aptitudes de leur personnel, des équipes et des structures, afin qu’ils puissent répondre à ce type de désastre et à d’autres situations.

Voilà pourquoi nous prenons en considération tous ces défis. Dans notre engagement avec chaque Eglise locale, nous insistons sur l’importance de l’association avec l’Eglise, la Caritas et les populations locales. Ce n’est pas parce qu’on a de l’argent ou que nous avons les moyens d’en collecter que nous pouvons nous permettre de dire aux gens ce qu’ils doivent faire. Non ! Nous discutons de toutes ces choses avec l’Eglise et la population locales. Nous prenons les décisions tous ensemble. Voilà notre façon de faire. Nous travaillons en équipe et cela fait partie de l’aptitude à construire. Nous développons chez les gens des aptitudes à travailler en partenariat avec d’autres personnes afin qu’ils adoptent à leur tour ce type d’attitude. C’est un des principes de base de la Caritas.

La Caritas Internationalis a encouragé ses membres à travailler de cette manière. Lorsqu’il y a un désastre important, nous envoyons des personnes de différentes organisations Caritas afin d’apporter un soutien à l’Eglise locale. Nous ne sommes pas là pour leur dire ce qu’il faut faire, mais pour les aider, les accompagner et apporter notre compétence pour les programmes. Par exemple, dans les diocèses où il n’y a aucune structure pour effectuer les programmes de secours et d’urgence ou des bureaux pour faire fonctionner les programmes, c’est l’occasion de développer de tels structures ou bureaux. Dans les diocèses où il y a une structure, mais avec de plus faibles moyens, c’est aussi le moment de les renforcer.

Que peuvent apprendre les Eglises des pays touchés par ce désastre ?

Premièrement, cela vaut le coup d’être préparé. Si on ne l’est pas, on est dans le pétrin. Certains diocèses ont des difficultés à faire face à la situation dans sa globalité. Ils menaient un travail normal dans les domaines du ministère sacramentel et du catéchisme, et tout à coup il y a eu la catastrophe. Ils n’y étaient pas préparé et ne savaient donc pas quoi faire.

Deuxièmement, il s’agit de la collaboration avec les autres. Par exemple, dans ces pays touchés, l’Eglise représente une petite minorité et ne peut pas répondre à la tragédie par elle seule, même avec les ressources venant de la Caritas Internationalis et d’autres agences catholiques. En Indonésie, par exemple, l’Eglise locale ne peut pas du tout faire tout cela parce qu’elle est dans un contexte où les populations sont en très grande majorité musulmanes. Nous collaborons donc avec des organisations musulmanes, et c’est d’ailleurs le conseil que nous a donné l’évêque local. Les membres de l’Eglise doivent contacter les organisations musulmanes sur le terrain parce que, dans un cas comme celui de l’Indonésie, chaque réponse chrétienne est soupçonnée de cacher un dessein prosélyte. Ici, en Asie, il y a beaucoup d’insistance sur le dialogue interreligieux et cela a pu se concrétiser dans une situation telle que celle créée par le tsunami. C’est un dialogue de vie. Il ne s’agit pas seulement d’un échange d’idées, mais vraiment de travailler ensemble afin de répondre aux besoins des victimes du tsunami.

Enfin, ce tsunami est une immense tragédie. Tant de personnes ont perdu la vie, tant de biens ont été détruits. La tragédie est l’occasion d’être préparé, pas seulement pour les semaines ou les mois à venir, mais sur le long terme, pour développer nos capacités et nos programmes afin d’être le mieux à même de répondre aux besoins de la population.