Eglises d'Asie

Orissa : la sentence de mort prononcée contre le principal responsable de l’assassinat d’un pasteur australien a été commuée en peine de prison à vie

Publié le 18/03/2010




La peine de mort qui avait été prononcée, lors d’un premier procès, contre Rabindra Pal Singh, aussi appelé Dara Singh, principal responsable de l’assassinat du pasteur australien Graham Stuart Staines, et de ses deux enfants, a été, le 19 mai dernier, commuée en peine de prison à vie par la Haute Cour de l’Orissa. Le même tribunal a aussi acquitté dix des onze complices de Singh, précédemment condamnés à la prison à vie. Pour un seul d’entre eux, Mahendra Hembram, la cour a maintenu la prison à perpétuité. La première sentence avait été prononcée, le 22 septembre 2003, par un tribunal de première instance, à l’issue d’un procès qui avait commencé en mars 2000, pour des faits qui remontaient à la nuit du 22 janvier 1999, nuit durant laquelle le pasteur et ses deux enfants avaient trouvé la mort dans leur voiture incendiée par un groupe de fanatiques hindous menés par Dara Singh (1).

Les trois juges qui ont prononcé la nouvelle sentence ont mis en valeur le fait que personne n’avait identifié formellement les onze condamnés dont la peine a été remise. Selon eux, le tribunal de première instance s’était appuyé sur des preuves qui ne résistent pas à un examen approfondi. Cependant, le Bureau central d’enquêtes, une instance fédérale qui a mené depuis le début l’instruction de cette affaire, a annoncé son intention de faire appel du jugement de la Haute Cour auprès de la Cour suprême, à New Delhi.

Après sa mort tragique à Manoharpur, dans l’Etat d’Orissa, où il dirigeait une léproserie, le pasteur Staines s’était acquis la sympathie de nombreux milieux chrétiens et non chrétiens. Aussi les réactions ont été nombreuses et ont pris des formes diverses. C’est ainsi que le Rév. Richard Howell, dirigeant de l’Alliance évangélique de l’Inde, à laquelle appartenait la victime, a déclaré qu’il acceptait volontiers la nouvelle sentence, une sentence qui permettrait au coupable de prendre conscience de son crime, de s’en repentir et de se convertir. Lui et ses fidèles prieront pour cela, convaincus que sa conversion serait pour la population de l’Inde un message beaucoup plus fort que son exécution. On a entendu une opinion analogue de la bouche du porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde, le P. Donald de Souza, qui a affirmé qu’il fallait respecter la sentence des juges. Le P. de Souza a cependant ajouté que la substitution de la prison à vie à la peine de mort ne rendait pas le crime moins horrible. On trouve les mêmes accents dans la déclaration publique du secrétaire du Conseil des Eglises en Inde, Mgr D.K. Sahu. Celui-ci a fait allusion au pardon accordé aux meurtriers dès le début par la veuve du missionnaire, Gladys Staines, et a dit que le changement de peine pouvait être considéré “comme un reflet de la grandeur du pardon”. Il a ajouté qu’en Inde, tous les chrétiens, catholiques compris, étaient opposés à la peine de mort.

Cependant, dans les jours qui ont suivi l’annonce de la nouvelle sentence, ici et là, des jugements moins indulgents ont été prononcés au sujet de la nouvelle sentence qui ne se contente pas seulement d’adoucir la peine du principal coupable mais “acquitte” purement et simplement onze anciens condamnés, faute de preuves convaincantes. C’est ainsi que Mgr Thiruthalil, évêque du diocèse catholique de Balasore, a déclaré que, par ce jugement, la vérité a été écartée et étouffée. Le changement de peine a irrité surtout les milieux populaires chrétiens. Un responsable de l’Association des jeunes chrétiens en Orissa a exprimé sa crainte que le nouveau verdict n’encourage les extrémistes hindous à tuer encore plus de chrétiens en Orissa. A l’occasion de ce verdict, beaucoup de responsables chrétiens ont affirmé que la population chrétienne restait l’objet d’attaques et de persécutions dans cet Etat gouverné par une coalition menée par le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP). Ces dernières années, des maisons de chrétiens et des églises ont été brûlées, des pasteurs et des laïcs tués. Cette année au moins deux pasteurs ont été trouvés morts (2).

Après le nouveau verdict, la déception régnait également dans la léproserie autrefois dirigée par le pasteur Staines. Son aumônier actuel a rapporté que les pensionnaires de l’établissement s’attendaient à ce que le tribunal de grande instance maintienne la condamnation primitive. Il a aussi confié avoir contacté par téléphone la veuve de la victime, Gladys Staines, qui lui a répondu qu’elle n’avait rien d’autre à ajouter à ce qu’elle avait déjà dit publiquement lors de la première condamnation. A cette époque, elle avait déclaré qu’elle pardonnait aux assassins de son mari et de ses deux enfants.