Eglises d'Asie

Un Américain, ancien jésuite, s’est attaqué au problème des mal logés et aide des familles à bas revenus à devenir propriétaires de leurs maisons

Publié le 18/03/2010




Amelito Billaoac et sa famille vivent dans une maison modeste mais confortable. Edifiée dans la banlieue de Manille, non loin du lieu de travail d’Amelito, elle a été bâtie au sein d’un lotissement de logements à prix modéré, sortis de terre à l’initiative de William Keyes, un Américain, ancien jésuite, présent aux Philippines depuis 1956. “Nous voulions une maison comme celle-ci depuis des années. C’est seulement maintenant que nous avons pu y arriver, grâce aux ‘Maisons De La Costa V’ explique Amelito.

Les Billaoac font partie des quelque 1 200 familles qui ont accédé à la propriété grâce à la FTBI (Freedom To Build, Incla structure à but non lucratif mise sur pieds en 1976 par William Keyes. Les cinq programmes déjà sortis de terre portent tous le nom du premier provincial philippin de la Société de Jésus aux Philippines, le P. Horacio de la Costa.

Pour Amelito, son épouse et leurs deux enfants, âgés de 3 et 4 ans, la surface bâtie de la maison est de 35 m , pour un terrain d’une superficie totale de 65 m . Auparavant, la famille louait un appartement, plus petit, pour 3 000 pesos (44 euros) mensuels. Pour leur nouvelle maison, ils paient 1 900 pesos à la « Société d’investissement pour le développement de l’habitat Pag-IBIG” (Pag-IBIG), organisme gouvernemental auprès duquel ils ont contracté un emprunt de 225 000 pesos (3 300 euros). La famille Billaoac sera pleinement propriétaire dans quinze ans, le taux de leur emprunt étant d’environ 10 % supérieur au taux hypothécaire actuel.

Pour William Keyes, la FTBI a pour mission de s’attaquer au problème des mal logés. Rien que pour la région du grand Manille, des données de 2003 de l’Agence nationale du logement indiquent qu’au moins 716 000 familles, soit près de quatre millions de personnes, vivent dans des bidonvilles ou des terrains squattés. L’intuition de cet ancien jésuite a été que les personnes aidées à se loger ne s’attacheraient à leur nouvel environnement que si elles étaient partie prenante dans la conception de leur nouveau cadre de vie. Les futurs propriétaires sont ainsi associés au dessin et à l’organisation de leur maison et du lotissement dans lequel elle se trouve. “Nous ne voulons pas seulement construire des maisons, nous voulons aussi mettre sur pied des communautés vivantes explique William Keyes, qui a étudié l’économie à l’Université des Philippines et a été très engagé dans le domaine de l’éducation et des services sociaux lorsqu’il était prêtre au service du diocèse d’Imus, au sud-est de Manille.

Pour cela, les candidats aux Maisons De La Costa doivent participer deux dimanches de suite à un séminaire. Le premier explique l’orientation matérielle et spirituelle du projet. “Le rôle de notre séminaire, explique William Keyes, est de mettre au clair les conditions restrictives du contrat qui entend empêcher les gens de revendre leur maison à ceux qui ont les moyens de payer davantage pour l’acheter.” Il cite l’histoire de résidents qui, attirés par la perspective d’un profit à court terme, ont vendu leur maison à des gens plus aisés qu’eux et qui ont fini par retourner vivre dans un bidonville.

Le second séminaire est consacré au dossier à constituer pour emprunter et à l’importance de construire de vraies communautés. A côté des règlements locaux, des conditions légales et des limitations pour agrandir ou redessiner la maison, les couples se familiarisent avec “le code de vie” qui les aidera à faire connaissance avec leurs voisins avant d’aménager.

Après ces deux rencontres, les candidats qui s’engagent à respecter le code de vie choisissent le lieu où construire leur maison et signent leur contrat avec la société d’investissement. Dès que le FTBI a reçu l’accord de la Pag-IBIG, ils sont considérés comme des propriétaires.

Bien que les maisons soient conçues et bâties pour être “habitables” dès le premier jour, les propriétaires peuvent encore les améliorer et faire des transformations, dans les limites toutefois imposées par le lotissement. Certains les décorent avec des bambous, des grilles ou des pierres de couleur ou même ajoutent un étage supplémentaire. D’autres installent un commerce côté rue et participent à l’animation des nouveaux lotissements. Près de 30 % de la surface de chaque lotissement est réservée pour les espaces verts, les parcs de jeux et les lieux de rencontres, essentiels pour une “bonne qualité de vie dit William Keyes. La FTBI finance l’aménagement de terrains de basket et d’une salle communautaire, où, chaque samedi soir, un prêtre vient célébrer la messe dominicale.

A ce jour, la FTBI a construit 8 000 logements pour des familles à bas revenus. L’un des projets a bénéficié aux employés de l’université jésuite Ateneo, de Manille, et à ceux de différentes ONG. Pour ce projet, William Reyes a convaincu le recteur de l’université qu’il valait mieux aider les employés à accéder à la propriété plutôt que de compléter leurs salaires par une allocation-logement.

Les Maisons De la Costa V sont installées sur les vingt hectares d’une ancienne carrière de pierre, rachetée par le FTBI et dont l’aménagement a débuté en 2000. Les quatre projets précédents sont situés à Marikina, à Kalookan et à Bulacan.